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Rapport Greenpeace - MAI 2010

Niger : l’héritage radioactif légué par AREVA

Areva extrait de l’uranium au Nord du Niger, autour des villes d’Arlit et d’Akokan, depuis 40 ans. Greenpeace a pu accéder à certaines zones d’extraction minière en novembre dernier pour prélever des échantillons de sol, d’eau et d’air. La CRIIRAD, laboratoire indépendant, les a ensuite analysés en France. Résultat : la radioactivité dans ces zones habitées et les déchets produits par l’extraction minière sont alarmants, et, selon Greenpeace, Areva n’a pas pris toutes les mesures qui s’imposent.

Résumé du rapport de Greenpeace Pour produire de l’énergie, les centrales nucléaires doivent être alimentées en uranium. Or l’extraction de ce minerai fait appel à des procédés particulièrement polluants et destructeurs, dont les effets catastrophiques sur les communautés vivant à proximité des mines et sur l’environnement peuvent perdurer pendant des milliers d’années. Le Niger est l’un des pays où ces effets néfastes sont les plus prégnants. Pays d’Afrique de l’Ouest enclavé par le Sahara, le Niger affiche l’Indice de développement humain le plus bas de toute la planète. Un désert aride, des terres cultivables rares et une grande pauvreté sont des facteurs extrêmement problématiques. Mais si le pays pâtit d’un taux de chômage élevé, d’un faible niveau d’éducation, de l’analphabétisme, d’infrastructures médiocres et d’une instabilité politique, il possède en revanche un sous-sol riche en ressources minérales, notamment en uranium. Les activités d’extraction minière, lancées par AREVA dans le Nord du Niger il y a 40 ans, auraient dû augurer le sauvetage économique d’une nation qui figure parmi les plus démunies. Cependant, les activités menées par AREVA se sont avérées en grande partie destructrices. Les détonations et le forage dans les mines ont entraîné la formation de grands nuages de poussière, des déchets industriels et de la boue se sont entassés à ciel ouvert et le déplacement de millions de tonnes de terre et de roches pourrait contaminer les réserves d’eau souterraines, qui sont en train de s’épuiser rapidement en raison d’une exploitation industrielle abusive. Au vu de la négligence dont fait preuve AREVA dans sa gestion du processus d’extraction, des substances radioactives peuvent être rejetées dans l’air, puis s’infiltrer dans la nappe phréatique et contaminer les sols avoisinant les villes minières d’Arlit et d’Akokan. Cette pollution endommage l’écosystème de façon permanente, tout en engendrant de multiples problèmes sanitaires pour la population locale. En effet, l’exposition à la radioactivité peut causer, entre autres, des problèmes respiratoires, des malformations à la naissance, des leucémies et des cancers. Les maladies et les problèmes de santé sont nombreux dans cette région, et le taux de mortalité lié aux pathologies respiratoires y est deux fois plus élevé que dans le reste du pays[[Chareyron B., Note CRIIRAD N°08-02, AREVA : Du discours à la réalité. L’exemple des mines d’uranium au Niger, 30 janvier 2008.]]. Cependant, pour aucun de ces impacts AREVA n’assume ses responsabilités. En réalité, les hôpitaux sous le contrôle de cette entreprise ont été accusés d’avoir commis des erreurs de diagnostic, attribuant au sida des pathologies cancéreuses[[Sherpa, LA COGEMA AU NIGER – Rapport d’enquête sur la situation des travailleurs de la SOMAÏR et COMINAK, filiales nigériennes du groupe AREVA-COGEMA, 25 avril 2005, p. 18.]]. AREVA prétend qu’il n’y a jamais eu de cas de cancers imputables aux activités minières en quarante ans d’activité[[AREVA , Areva au Niger, janvier 2009, p. 17.]], passant sous silence le fait que les hôpitaux locaux n’emploient pas de médecins du travail, empêchant ainsi d’établir tout diagnostic d’une maladie liée au travail. L’agence gouvernementale chargée de surveiller ou de contrôler les actions d’AREVA manque d’effectifs et de ressources[[Entretien avec Hamadou Kando, inspecteur et responsable des services techniques du Centre national de radioprotection (CNRP), Niamey, Niger, novembre 2009.]]. Depuis des années, des ONG et des organismes internationaux tentent de tester et d’évaluer les niveaux de radiation anormalement élevés auxquels est exposé le Niger. Mais les impacts de l’extraction d’uranium n’ont encore jamais fait l’objet d’une évaluation exhaustive et indépendante. Toutefois, au mois de novembre 2009, Greenpeace, en collaboration avec le laboratoire français indépendant de la CRIIRAD[[CRIIRAD : Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité. www.criirad.org]] et le réseau nigérien d’ONG ROTAB[[ROTAB : Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire. www.rotabniger.org]], a pu effectuer une étude scientifique succincte de la zone, mesurant la radioactivité de l’eau, de l’air et des sols à proximité des villes minières où opère AREVA. Si les résultats de cette étude ne sont pas exhaustifs, ils n’en demeurent pas moins alarmants : – Après quarante ans d’activités, un total de 270 milliards de litres d’eau ont été utilisés, contaminant ainsi les réserves d’eau et asséchant l’aquifère, qui prendra des millions d’années à se reconstituer. – Sur quatre des cinq échantillons d’eau prélevés par Greenpeace dans la région d’Arlit, la concentration en uranium était supérieure à la limite recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’eau potable. Les données historiques indiquent une augmentation progressive de la concentration en uranium au cours des 20 dernières années, ce qui peut être révélateur de l’impact des opérations minières. Certains échantillons d’eau contenaient même du gaz radioactif dissous, le radon. – Une mesure effectuée au poste de police d’Akokan a révélé une concentration en radon dans l’air de trois à sept fois supérieure aux niveaux habituellement relevés dans cette zone. – Des particules de poussière fines ont révélé une augmentation de la concentration de la radioactivité deux à trois fois supérieure aux particules à gros grains. Les niveaux supérieurs d’uranium et de produits de décomposition décelés dans les petites particules qui se diffusent facilement sous forme de poussière sembleraient indiquer des risques supérieurs d’inhalation ou d’ingestion. – La concentration en uranium et autres matériaux radioactifs relevés dans un échantillon du sol, prélevé à proximité de la mine souterraine, était environ 100 fois supérieure aux niveaux normalement mesurés dans la région, dépassant les limites d’exemption fixées au niveau international. – Dans les rues d’Akokan, le niveau des taux de radiation était environ 500 fois supérieur aux niveaux normaux de fond. Une personne passant moins d’une heure par jour dans cet endroit serait donc exposée à une radiation supérieure au taux maximal annuel autorisé. – Même si AREVA prétend que, désormais, aucun matériau contaminé ne sort des mines, Greenpeace a trouvé plusieurs morceaux de ferraille radioactive sur le marché local d’Arlit, présentant des taux de radiation supérieurs à 50 fois les niveaux de fond habituels. Les populations locales se servent notamment de ces matériaux pour construire leurs habitations. À la fin du mois de novembre 2009, suite à la publication par Greenpeace d’une partie des premiers résultats de l’étude, AREVA a dû agir. Certains endroits radioactifs indiqués par Greenpeace dans un des villages miniers ont été nettoyés. Cependant, ce « nettoyage limité » n’atténue en rien le besoin d’effectuer une étude exhaustive afin que toutes les zones soient sécurisées pour la population locale. Greenpeace demande à ce qu’une étude indépendante soit réalisée autour des mines et des villes d’Arlit et d’Akokan, suivie d’un nettoyage et d’une décontamination complète. Il est indispensable de mettre en place des contrôles permettant de garantir que les activités d’AREVA respectent les normes internationales en matière de sécurité et l’environnement, et tiennent compte du bien-être des employés et des populations vivant à proximité des sites miniers. AREVA doit joindre le geste à la parole et agir comme l’entreprise responsable qu’elle prétend être. Elle doit informer ses employés ainsi que la population locale des risques liés à l’exploitation d’uranium, car bon nombre de personnes au Niger n’ont encore jamais entendu parler de radioactivité et ne comprennent pas que les mines d’uranium représentent un danger. Les habitants d’Arlit et d’Akokan continuent à vivre entourés d’air empoisonné, de terres contaminées et d’eau polluée. Jour après jour, les Nigériens sont exposés aux radiations, à la maladie et à la pauvreté, pendant que leurs ressources naturelles permettent à AREVA de réaliser des profits gigantesques. La population nigérienne mérite de vivre dans un environnement sûr, propre et sain et de partager les bénéfices provenant de l’exploitation de ses terres. Les efforts accomplis par AREVA pour impulser une « renaissance du nucléaire » empoisonnent et risquent de faire disparaître les éléments essentiels à la vie-même des populations locales : leur air, leur eau et leur terre. C’est pourquoi Greenpeace appelle à la mise en marche d’une révolution énergétique, fondée sur l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, abordables et sûres.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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1 COMMENTAIRE

  1. Niger : l’héritage radioactif légué par AREVA
    Je viens de voir le reportage au JT et je suis véritablement scandalisée ! Toujours l’Afrique redevable à perpétuité ! Et cette même relation de la France face à elle ! Que sont les profits d’Areva, face à toute cette misère ? J’ai honte d’être française quand je vois et entends ça… Pas assez de mots pour exprimer le dégout que je ressens face à toute ce massacre …