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Total doit-il quitter la Birmanie ?

Christophe de Margerie DG de Total : "Investir aujourd'hui en Birmanie serait une provocation, mais Total ne se retirera pas"

En 1948, au lendemain de l’occupation britannique et japonaise, la Birmanie (ou Myanmar) devient indépendante. Une démocratie parlementaire est alors instaurée jusqu’en 1962, date du coup d’état militaire du général Ne Win.

Le 8 août 1988, un mouvement de protestation de la population avait déjà eu lieu qui fût violemment réprimé par l’armée. Les militaires ont ouvert le feu sur la foule, bilan : plus de trois mille morts…
Conséquence indirecte de cette insurrection, des élections libres ont lieu en 1990 qui ont abouti à la victoire la National League for Democracy, dirigée par Aung San Suu Kyi (fille du général Aung San, le père de l’indépendance en 1947 et mort assassiné) avec plus de 80% des voix. Mais les élections sont annulées par la dictature militaire qui s’empare à nouveau du pouvoir de force et Aung San Suu Kyi est emprisonnée puis assignée à résidence.

Depuis la Birmanie est un Etat de non-droit, propriété privée de la junte militaire…

Le 25 septembre 2007, plusieurs dizaines de milliers de manifestants pacifiques emmenés par des bonzes descendent dans la rue à Rangoun (mouvement déclenché le 19 août, à la suite d’une augmentation des prix des carburants et des transports en commun : 66% pour l’essence, 100% pour le diesel et plus de 500% pour le gaz). Mais à nouveau, la répression fait rage et les militaires interviennent avec plusieurs tirs de sommation (faisant 10 morts au moins selon un bilan officiel) et procèdent à des arrestations par milliers.

C’est donc dans ce contexte, à l’heure où le peuple birman est oppressé par un régime extrêmement corrompu avec la main mise sur l’économie, que l’on est en droit de se poser la question sur la responsabilité sociétale de Total en Birmanie.

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Le projet Yadana de Total (champ de gaz situé en mer d’Andaman, à 60 km environ de la côte birmane la plus proche) soulève de nombreuses controverses. Total subit de fortes pressions de la société civile pour retirer ses investissements de Birmanie. Mais vendredi dernier, le directeur général de Total, Christophe de Margerie, a fait savoir dans Le Monde.fr qu' »Investir aujourd’hui en Birmanie serait une provocation, mais Total ne se retirera pas« .

Total a créé un site internet Total en Birmanie pour expliquer pourquoi la Compagnie décide de rester en Birmanie malgré sa situation politique désastreuse. L’entreprise avance, entre autres, l’argument que par sa présence, elle contribue au développement économique et social et à la protection de l’environnement.
La Compagnie se justifie en mettant en avant son objectif de  » réaliser des projets économiques rentables dans le respect des lois locales et internationales applicables, et en conformité avec son propre Code de Conduite.« 

Mais comment s’en assurer dans un pays où les lois locales ne sont pas en faveur des travailleurs (pratique du travail forcé) et où les lois internationales sont tout simplement ignorées (corruption, violations des Droits de l’Homme, droits des travailleurs). Total aura beau faire valoir son Code de Conduite, la Compagnie sera difficilement en mesure d’en assurer le suivi dans un Etat de non-droit.

D’ailleurs, à maintes reprises, le Groupe a été accusé par des travailleurs birmans (relayés par certaines ONG et par des médias occidentaux) de « séquestration arbitraire et travail forcé« . Des travailleurs auraient « été contraints par l’armée du Myanmar d’exécuter, sur le chantier de construction du gazoduc de Yadana, des tâches assimilables à du travail obligatoire« .

Trois ans plus tard, le parquet de Nanterre a considéré que l’enquête menée « n’a aucunement fait état d’arrestations et de séquestrations véritables, mais de travail forcé », délit qui n’est pas réprimé en tant que tel par le droit français, et a déposé une demande de non-lieu.
Source : Novethic.fr Birmanie : Total trouve un accord avec les plaignants, Véronique Smée, Mis en ligne le : 29/11/2005

Et dans un régime extrêmement corrompu où les dirigeants ont la main mise totale sur l’économie, on peut se demander si investir en Birmanie ne favorise pas finalement le régime en place ? Est-ce que ça ne revient pas à aider et cautionner un régime qui contribue à oppresser le peuple ? Et financer la fortune de dirigeants ubuesques ? Alors que le pays est richissime en hydrocarbures, la population n’en bénéficie pas. Le produit intérieur brut (PIB) est extrêmement bas. Selon The Economist, Total verse aux généraux birmans environ 450 millions de dollars par an en contre partie de l’exploitation du gaz. Il faut croire que tous ces revenus partent directement dans la poche des généraux au pouvoir.

Selon Transparency International, une ONG luttant contre la corruption des gouvernements, le Myanmar est classé comme étant le pays le plus corrompu du monde avec la Somalie (Indice de perceptions de la corruption de 1.4 en 2007) !

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* CPI Score est l’Indice de perceptions de la corruption (le score de 10 indique l’absence de demandes de pots-de-vin et celui de 0 une corruption systématique)

Le cœur du sujet, finalement, c’est de se demander si on peut parler de développement durable en l’absence de démocratie. Car les deux sont intimement liés. Pour que le développement durable puisse fonctionner, il faut impulser et favoriser les mécanismes de démocratie.

Leur slogan à une époque était : « Vous ne viendrez pas chez nous par hasard« . Avec l’exemple au Myanmar, « Total ne vient pas en Birmanie par hasard« 
Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH)

Aujourd’hui le Groupe Total a une position de force vis-à-vis de la junte militaire qu’il pourrait utiliser comme un tremplin vers la démocratie et pour faire pression sur le régime.
Selon Bernard Butori, coordinateur Unsa-Total, financièrement, la Compagnie ne courrait aucun danger si elle devait se retirer de Birmanie. Myanmar ne représente qu’1% de la production mondiale de pétrole de Total. Mais alors pourquoi ne le fait-elle pas ?

Alors qu’à l’inverse, des sanctions économiques sur les hydrocarbures, ou le retrait de Total affaiblirait définitivement la junte.

Au contraire le Groupe se déresponsabilise totalement et ne cesse de se parer d’arguments tels que :


« C’est au niveau de l’Etat qu’il faut agir. C’est un régime intolérable. Toutes les pressions, les sanctions concertées au niveau des instances internationales doivent être intensifiées. »

« Il est vrai que l’exploitation pétrolière ou minière dégage des revenus importants pour les Etats hôtes et que la transparence dans l’ usage de ces revenus est d’autant moins assurée que le système politique local ne favorise pas un réel débat et des contrôles efficaces sur leur emploi. Mais à supposer que la chose soit possible, ce n’est pas à une compagnie pétrolière que de prétendre dicter à un Etat le  » bon usage  » de ses revenus ; seules des organisations internationales peuvent légitimement introduire ce type de  » conditionnalité  » dans leurs interventions. »

« Le Groupe s’est toujours tenu, conformément à ses principes, dans une attitude de stricte neutralité vis-à-vis du pouvoir »

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En 1996, Madame Aung San Suu Kyi, la figure emblématique de l’opposition birmane à la dictature militaire, déclarait que Total : « est le premier soutien du régime militaire birman ».

Finalement Total a beau se « racheter » avec quelques actions locales socio-économiques, j’ai trouvé que ce dessin de Plantu résume assez bien ce qu’il en est réellement…

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