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Une proposition de loi inédite pour

Faire converger les transitions numérique et écologique

adoptée en commission au Sénat

Dans la continuité de la publication de sa feuille de route pour une transition numérique écologique, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté ce mercredi une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (« REEN »). Le président de la commission Jean-François Longeot a insisté sur le caractère inédit d’un texte abordant pour la première fois un angle mort des politiques publiques : la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en passant par les réseaux. Il a par ailleurs souligné que cette proposition de loi était complémentaire des travaux menés par la commission pour assurer l’aménagement numérique du territoire : garantir la couverture intégrale du territoire en fibre permettra de recourir à une connexion filaire ou Wifi, beaucoup moins énergivore qu’une connexion mobile.

Les sénateurs souhaitent actionner 4 leviers prioritaires pour faire converger les transitions numérique et écologique : – 1- faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique : la proposition prévoit notamment la mise en place d’une éducation, dès le plus jeune âge, à la sobriété numérique ; – 2 – limiter le renouvellement des terminaux numériques, dont la fabrication est le principal responsable de l’empreinte carbone du numérique en France : la proposition de loi vise notamment à sanctionner l’obsolescence logicielle et à allonger la durée de la garantie légale de conformité des produits numériques de deux à cinq ans ; – 3 – promouvoir des usages numériques écologiquement vertueux, en rendant notamment obligatoire l’écoconception des sites web ; – 4 – faire émerger une régulation environnementale pour prévenir l’augmentation des consommations et émissions des réseaux et des centres de données. La commission a enrichi la proposition de loi en adoptant des amendements visant à : – renforcer les mesures permettant de limiter le renouvellement des terminaux en rendant opérant le délit d’obsolescence programmée, aujourd’hui inapplicable et en améliorant l’information du consommateur sur les offres dites « subventionnées » pour lutter contre « l’obsolescence marketing » ; – créer un référentiel général de l’écoconception fixant des critères de conception durable des sites web que devront respecter les plus gros fournisseurs de contenu ; – renforcer la régulation environnementale des centres de données et des réseaux, dont la consommation énergétique devrait augmenter de 75 % à l’horizon 2040, en :
  • allant plus loin que l’éco-conditionnalité adoptée par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 pour en faire une incitation efficace au verdissement des centres de données ;
  • demandant aux opérateurs de souscrire d’ici 2023 à des engagements environnementaux pluriannuels contraignants auprès de l’Arcep, devant notamment inclure des initiatives de réduction des impacts associés à la fabrication et à l’utilisation des box mises à disposition de leurs abonnés.
La commission appelle désormais le Gouvernement, qui s’apprête à publier sa feuille de route interministérielle sur le sujet, à saisir l’occasion de ce texte pour faire avancer notre engagement en matière de transition numérique durable, et pour permettre à la représentation nationale de débattre de manière éclairée sur des mesures qui, loin de n’être que techniques, sont essentielles pour assurer le respect des engagements climatiques de la France dans le cadre de l’Accord de Paris. M. Jean-François Longeot (Union centriste – Doubs) est président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – M. Guillaume Chevrollier (Les Républicains – Mayenne) est rapporteur de la proposition de loi n°27 rect. visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. – M. Jean-Michel Houllegatte (Socialiste, Écologiste et Républicain – Manche) est rapporteur de la proposition de loi n°27 rect. visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

SOMMAIRE

  • L’ESSENTIEL
  • LES TRAVAUX DE LA MISSION
  • LES PROPOSITIONS DE LA MISSION
    • I. FAIRE PRENDRE CONSCIENCE AUX UTILISATEURS DU NUMÉRIQUE DE SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL
      • A. EN AMÉLIORANT LA CONNAISSANCE SUR UN SUJET ENCORE TROP PEU DOCUMENTÉ ET TROP MÉCONNU DU GRAND PUBLIC
        • 1. Lancer une grande campagne de sensibilisation incitant les utilisateurs à adopter les gestes numériques éco-responsables
        • 2. Mieux informer les utilisateurs de l’empreinte carbone de leurs terminaux et usages numériques
        • 3. Mettre à disposition du public une base de données permettant de calculer les impacts environnementaux du numérique
        • 4. Former les nouvelles générations à un numérique sobre
        • 5. Créer un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique
      • B. EN DEMANDANT AUX ACTEURS PRIVÉS ET PUBLICS D’INTÉGRER L’ENJEU ENVIRONNEMENTAL DANS LEUR STRATÉGIE NUMÉRIQUE
        • 1. Inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises et créer un crédit d’impôt pour les PME et TPE pour la réalisation de mesures d’impact environnemental
        • 2. Mettre à disposition des collectivités territoriales un cadre méthodologique d’évaluation environnementale des projets smart
    • II. LIMITER LE RENOUVELLEMENT DES TERMINAUX, DONT LA FABRICATION ET LA DISTRIBUTION REPRÉSENTENT 70 % DE L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE EN FRANCE
      • A. EN TAXANT LES EXTERNALITÉS NÉGATIVES LIÉES À LEUR FABRICATION : INTRODUIRE UNE TAXE CARBONE AUX FRONTIÈRES EUROPÉENNES POUR INTERNALISER LE COÛT ENVIRONNEMENTAL DES TERMINAUX IMPORTÉS
      • B. EN LUTTANT CONTRE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE ET L’OBSOLESCENCE LOGICIELLE
        • 1. Renforcer les sanctions pour obsolescence programmée
        • 2. Renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle
      • C. EN FAVORISANT LE RÉEMPLOI ET LA RÉPARATION
        • 1. Renforcer l’ambition en matière de réparation et de réemploi par un taux de TVA réduit et l’inscription d’objectifs ambitieux dans le cahier des charges des éco-organismes
        • 2. Activer le levier de la commande publique pour contribuer à renforcer les marchés de réemploi et de réparation
        • 3. Conditionner les aides à la numérisation des entreprises dans le cadre du plan de relance à l’intégration d’une ambition environnementale
    • III. FAIRE ÉMERGER ET DÉVELOPPER DES USAGES DU NUMÉRIQUE ÉCOLOGIQUEMENT VERTUEUX
      • A. EN DÉFINISSANT LES DONNÉES COMME UNE RESSOURCE NÉCESSITANT UNE GESTION DURABLE : PRÉVOIR UNE CONSÉCRATION LÉGISLATIVE DE LA DONNÉE COMME UNE RESSOURCE NÉCESSITANT UNE GESTION DURABLE
      • B. EN RÉGULANT L’OFFRE DES FORFAITS TÉLÉPHONIQUES : INTERDIRE À TITRE PRÉVENTIF LES FORFAITS MOBILES AVEC UN ACCÈS AUX DONNÉES ILLIMITÉES ET RENDRE OBLIGATOIRE UNE TARIFICATION PROPORTIONNELLE AU VOLUME DE DONNÉES DU FORFAIT
      • C. EN LIMITANT L’IMPACT DES USAGES VIDÉO : ENCADRER LE STREAMING VIDÉO, QUI REPRÉSENTE 60 % DU TRAFIC INTERNET MONDIAL
      • D. EN AMÉLIORANT L’ÉCOCONCEPTION DES SITES ET SERVICES NUMÉRIQUES
        • 1. Accompagner, à court terme, les administrations dans l’écoconception des sites et services numériques
        • 2. Rendre obligatoire, à moyen terme, l’écoconception des sites publics et des plus grands sites privés
      • E. EN PERMETTANT UNE « RÉGULATION DE L’ATTENTION »
        • 1. Prévoir une obligation de reporting des fournisseurs de contenus sur les stratégies cognitives utilisées pour accroître les usages
        • 2. Interdire certaines pratiques comme le lancement automatique des vidéos et le scroll infini
    • IV. ALLER VERS DES DATA CENTERS ET DES RÉSEAUX MOINS ÉNERGIVORES
      • A. EN AMÉLIORANT LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DES DATA CENTERS, RESPONSABLES DE 14 % DE L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE EN FRANCE
        • 1. Inciter à l’installation de data centers en France et conditionner l’avantage fiscal existant à des critères de performance environnementale
        • 2. Renforcer la complémentarité entre data centers et énergies renouvelables
      • B. EN AMÉLIORANT PLUS ENCORE LA SOBRIÉTÉ DES RÉSEAUX, RESPONSABLES DE 5 % DE L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE EN FRANCE
        • 1. Atteindre les objectifs du plan France très haut débit pour améliorer la connectivité fibre, réseau le moins énergivore
        • 2. Engager une réflexion pour réduire la consommation électrique des box
        • 3. Évaluer l’empreinte environnementale de la 5G
  • TRAVAUX EN COMMISSION
    • I. TABLE RONDE RELATIVE À L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE – MERCREDI 29 JANVIER 2020
    • II. EXAMEN EN COMMISSION – MERCREDI 24 JUIN 2020
  • LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
  • LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
  • ANNEXE : ÉTUDE RELATIVE À L’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES MENÉES POUR RÉDUIRE L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE

L’ESSENTIEL

Synthèse du Rapport d’information « Pour une transition numérique écologique »Télécharger la Synthèse du Rapport d’Information « Pour une transition numérique écologique » I. LE NUMÉRIQUE, ANGLE MORT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES ET CLIMATIQUES Formidable outil de résilience de notre société et de notre économie durant la crise sanitaire, le numérique sera demain au coeur de la relance économique, avec la perspective d’accélérer la transition numérique et, à plus long terme, d’exploiter les perspectives ouvertes par le développement de l’intelligence artificielle. Les chiffres du secteur reflètent sa croissance continue : équipement voire sur-équipement des Français (93 % d’entre eux possédaient un téléphone mobile en 20171(*)), hausse continue des usages (la consommation de données mobiles 4G augmente de près de 30 % par an2(*), poussé notamment par le streaming vidéo qui représente environ 60 % du trafic en France) et augmentation considérable des investissements dans le secteur numérique (pour la première fois, les montants investis en France par les opérateurs de communications électroniques pour déployer les réseaux fixes et mobiles ont dépassé les 10 milliards d’euros en 20193(*)). Secteur économique majeur, le numérique est pourtant largement ignoré en tant que tel des politiques publiques visant à atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris : il n’existe pas de stratégie transversale publique visant à en atténuer les impacts environnementaux. Or, il est indispensable que les gains environnementaux indirectement permis par le numérique (facilitation de l’accès aux bornes de recharge dans les transports, bâtiments intelligents par exemple)4(*) ne soient pas annulés par ses impacts directs et quantifiables en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources abiotiques, de consommation d’énergie et d’utilisation d’eau douce. Si la prise de conscience a récemment progressé sur ce sujet5(*), les utilisateurs du numérique oublient encore bien souvent que les échanges numériques dits « dématérialisés » ne peuvent exister qu’en s’appuyant sur un secteur bien matériel composé de terminaux, de centres informatiques et de réseaux. « Comme cette pollution ne se voit pas, nous sommes dans le ressort de l’impensé », indiquait le président de l’Ademe devant la commission le 5 février 20206(*). La plupart des chiffres disponibles aujourd’hui établissent que le numérique serait à l’origine de 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 20187(*) et de 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire8(*). 44 % de cette empreinte serait due à la fabrication des terminaux, des centres informatiques et des réseaux et 56 % à leur utilisation. Cet impact environnemental concerne également les ressources minérales et l’eau. La croissance du numérique se traduit en effet par l’utilisation d’une quantité croissante de métaux, encore aujourd’hui très peu recyclés9(*). Leur extraction et leur raffinage sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre et nécessitent de grandes quantités d’eau et d’énergie. II. UNE ÉVALUATION INÉDITE : L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE EN FRANCE Si ces constats sont bien étayés par des chiffres à l’échelle mondiale, les travaux existants à l’échelle nationale sont aujourd’hui parcellaires10(*). C’est pourquoi la commission a souhaité pouvoir disposer d’une étude comportant des éléments chiffrés sur l’empreinte carbone du numérique en France, ses particularités par rapport aux tendances mondiales et son évolution à l’horizon 2040. Les conclusions qui s’en dégagent doivent permettre de définir les leviers d’action les plus pertinents en France pour concilier transition numérique et transition écologique. D’après les résultats de cette étude11(*), le numérique constitue en France une source importante d’émissions de gaz à effet de serre (15 millions de tonnes équivalent CO2), soit 2 % du total des émissions en 2019), qui pourrait s’accroître considérablement dans les années à venir si rien n’était fait pour en réduire l’impact (+ 60 % d’ici 2040, pour atteindre 24 MtCO2eq). En 2040, si tous les autres secteurs réalisent des économies de carbone conformément aux engagements de l’Accord de Paris et si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée, le numérique pourrait atteindre près de 7 % (6,7 %) des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien (4,7 %12(*)). Cette croissance serait notamment portée par l’essor de l’Internet des objets (IoT) et les émissions des data centers. Le coût collectif de ces émissions pourrait passer de 1 à 12 milliards d’euros entre 2019 et 204013(*). Les résultats de l’étude démontrent par ailleurs que les terminaux14(*) sont à l’origine d’une très grande part des impacts environnementaux du numérique (81 %), plus encore qu’à l’échelle mondiale (selon le GreenIT.fr15(*), les terminaux représentent 63 % des gaz à effet de serre émis par le secteur). La fabrication et la distribution (la « phase amont ») de ces terminaux utilisés en France engendrent 86 % de leurs émissions totales et sont donc responsables de 70 % de l’empreinte carbone totale du numérique en France. Cette proportion – bien supérieure aux 40 % que l’on observe au niveau mondial – s’explique principalement par les opérations consommatrices d’énergie fossile comme l’extraction de matériaux nécessitées par leur fabrication et par le fait que ces terminaux sont largement importés de pays d’Asie du Sud-Est, où l’intensité carbone de l’électricité est bien plus importante qu’en France. Les implications de ces constats sont majeures. La réduction de l’empreinte carbone du numérique en France devra en effet tout particulièrement passer par une limitation du renouvellement des terminaux, alors que la durée de vie d’un smartphone est aujourd’hui de 23 mois. Il s’agit là d’un impératif environnemental mais aussi économique : en passant du tout-jetable – alimenté par des imports qui grèvent la balance commerciale du pays – à un modèle circulaire – s’appuyant sur un écosystème industriel capable de proposer des terminaux reconditionnés et d’offrir des solutions de réparation – les politiques publiques peuvent favoriser la création durable d’emplois non délocalisables, et implantés dans les territoires. À cet égard, la réduction de l’empreinte environnementale du numérique en France constitue également un acte de souveraineté économique. La relocalisation des activités contribuera à réduire le bilan carbone du numérique français, dont 80 % des émissions sont produites à l’étranger. La « relance verte », qui devra être compatible avec les engagements de la France dans le cadre de l’Accord de Paris, ne pourra pas faire l’économie de la définition d’une véritable stratégie de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. C’est la condition sine qua non pour réussir une transition numérique écologique. Il s’agit également d’une attente citoyenne forte : la Convention citoyenne pour le climat, qui a présenté le résultat de ses travaux le 18 juin dernier, a fait de l’accompagnement du numérique vers un modèle plus vertueux16(*) une de ses 150 propositions pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. III. LA FEUILLE DE ROUTE DE LA MISSIONA. FAIRE PRENDRE CONSCIENCE AUX UTILISATEURS DU NUMÉRIQUE DE SON IMPACT ENVIRONNEMENTAL Faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de l’impact environnemental du numérique – encore trop peu documenté et méconnu – constitue un préalable indispensable pour les inciter à le réduire. La connaissance du public sur ce sujet doit être développée, en lançant une grande campagne de sensibilisation incitant les utilisateurs à adopter les gestes numériques éco-responsables, en développant une application leur permettant de calculer leur empreinte carbone individuelle, en mettant à disposition de tous, en particulier des professionnels, une base de données facilitant la réalisation d’études d’impact des projets numériques, en formant les nouvelles générations à un numérique sobre et enfin, en créant un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique placé auprès de l’Ademe. Les acteurs publics et privés doivent également intégrer l’enjeu environnemental dans leur stratégie numérique : à cette fin, la mission propose d’inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises, de créer un crédit d’impôt pour les PME et TPE pour la réalisation de mesures d’impact environnemental des services numériques et de construire un cadre méthodologique d’évaluation environnementale des projets smart, mis à disposition des collectivités territoriales, avec un soutien financier de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). – B. LIMITER LE RENOUVELLEMENT DES TERMINAUX DONT LA FABRICATION ET LA DISTRIBUTION REPRÉSENTENT 70 % DE L’EMPREINTE CARBONE DU NUMÉRIQUE EN FRANCE Pour réduire l’empreinte environnementale liée au renouvellement des terminaux, la mission d’information recommande de taxer les externalités négatives liées à la fabrication des terminaux par l’introduction d’une taxe carbone aux frontières européennes, de renforcer les sanctions existantes pour obsolescence programmée, de renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle et surtout de favoriser le réemploi et la réparation des terminaux, via la mise en place d’un taux de TVA réduit sur ces activités, l’inscription d’objectifs ambitieux dans les cahiers des charges des éco-organismes de la filière DEEE ou encore l’activation du levier de la commande publique pour contribuer à renforcer les marchés de réemploi et de réparation. La mission appelle également à conditionner les aides à la numérisation des entreprises dans le cadre du plan de relance à l’intégration d’une ambition environnementale, privilégiant par exemple l’acquisition de terminaux reconditionnés à l’achat d’équipements neufs. – C. FAIRE ÉMERGER ET DÉVELOPPER DES USAGES DU NUMÉRIQUE ÉCOLOGIQUEMENT VERTUEUX Par ailleurs, la mission d’information juge nécessaire de faire émerger et de développer des usages du numérique écologiquement vertueux, afin de contrer les effets rebonds mis en évidence par les résultats de l’étude commandée. Depuis plusieurs années, les gains d’efficacité énergétique des réseaux et des data centers sont en effet annulés par l’accroissement continu des usages. Pour ce faire, la mission appelle à définir les données comme une ressource nécessitant une gestion durable, à améliorer l’écoconception des sites et services numériques, qui pourrait être rendue obligatoire à moyen terme pour les administrations et les grandes entreprises, ou encore à réguler l’offre des forfaits téléphoniques, par exemple par l’interdiction à titre préventif des forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées. Cette dernière mesure ne concernerait évidemment pas les forfaits Internet fixe. L’enjeu est d’inciter les usagers à privilégier une connexion en Wifi, beaucoup moins énergivore qu’une connexion mobile. Cette mesure serait de surcroît préventive à ce stade : très peu d’opérateurs proposent aujourd’hui ce type d’offre avec données illimitées. En outre, un encadrement des usages vidéo semble particulièrement nécessaire. Le streaming vidéo représente en effet 60 % du trafic Internet mondial et provoque un important phénomène de « fuites carbone » : 53 % des émissions de gaz à effet de serre dues à l’utilisation de data centers, ont ainsi été produites à l’étranger, notamment pour le visionnage de vidéos. Pour mieux réguler ces usages, la mission estime nécessaire de contraindre les grands fournisseurs de contenus à adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du terminal ou encore d’introduire d’une taxe prélevée sur les plus gros émetteurs de données afin d’inciter à une injection plus raisonnable de données sur le réseau. La mission propose également de bâtir une « régulation de l’attention », notamment en interdisant certaines pratiques comme le lancement automatique des vidéos et le scroll infini. – D. ALLER VERS DES DATA CENTERS ET DES RÉSEAUX MOINS ÉNERGIVORES Enfin, la mission d’information appelle à améliorer la performance énergétique et la sobriété des data centers (centres informatiques) et des réseaux. Si les centres informatiques ne sont aujourd’hui responsables que de 14 % de l’empreinte carbone du numérique en France, leurs émissions pourraient croître de 86 % d’ici 2040, en raison de l’accroissement continu des usages, du dynamisme du edge computing17(*) stimulé par le développement de l’IoT, et du ralentissement des gains d’efficacité énergétique. Pour atténuer la hausse prévisible des émissions des data centers, la mission d’information recommande de favoriser l’installation de data centers en France – qui dispose d’un mix énergétique peu carboné – en renforçant l’avantage fiscal existant et en le conditionnant à des critères de performance environnementale et de faire des data centers des leviers de flexibilité énergétique permettant de stocker l’électricité des installations d’énergies renouvelables intermittentes. Pour améliorer plus encore la sobriété des réseaux, la mission rappelle enfin la nécessaire d’atteindre les objectifs du plan France très haut débit pour améliorer la connectivité fibre, réseau le moins énergivore. Elle propose par ailleurs d’engager une généralisation des technologies de mise en veille des box Internet et une mutualisation de ces équipements dans les habitats collectifs, et d’engager une réflexion sur l’extinction des anciennes générations mobiles toujours consommatrices d’électricité. Enfin, alors que les enchères permettant de lancer le déploiement de la 5G devraient avoir lieu en septembre, la mission d’information regrette qu’aucune évaluation de l’impact environnemental de cette nouvelle technologie mobile n’ait encore été mise à disposition du public et des parlementaires. À l’instar du président de l’Ademe, qui avait déclaré, lors de son audition devant la commission le 5 février 2020, réclamer « une étude d’impact environnemental sérieuse sur le déploiement de la 5G »18(*), la mission demande donc que la 5G fasse enfin l’objet d’une étude d’impact complète, intégrant les effets de la technologie sur les consommations énergétiques des opérateurs, mais aussi les effets induits sur la fabrication et sur le renouvellement des terminaux, ainsi que les impacts sur les consommations des data centers. Par un courrier daté du 10 mars 2020, le Président du Sénat a demandé au Haut Conseil pour le climat de procéder à cette évaluation, sur le fondement de l’article L. 132-5 du code de l’environnement19(*). La feuille de route de la mission Axe 1 : Faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental En améliorant la connaissance sur un sujet encore trop peu documenté et trop méconnu du grand public : – 1. Lancer une grande campagne de sensibilisation incitant les utilisateurs à adopter les gestes numériques éco-responsables (ex. privilégier le téléchargement en Wifi au streaming de vidéos via le réseau mobile) ; – 2. Mieux informer les utilisateurs de l’empreinte carbone de leurs terminaux et usages numériques par la mise en place d’une application mobile ; – 3. Mettre à disposition du public une base de données permettant de calculer simplement les impacts environnementaux du numérique ; – 4. Former les nouvelles générations à un numérique sobre (en faisant de la sobriété numérique un des thèmes de l’éducation à l’environnement à l’école, en créant au sein des écoles d’ingénieurs et d’informatique des modules relatifs à l’évaluation de l’impact environnemental du numérique et à l’écoconception des services numériques) ; – 5. Créer un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique (afin notamment de mener des recherches sur les impacts des technologies émergentes). En demandant aux acteurs publics et privés d’intégrer l’enjeu environnemental dans leur stratégie numérique : – 6. Inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises et créer un crédit d’impôt pour les PME et TPE pour la réalisation de mesures d’impact environnemental des services numériques ; – 7. Mettre à disposition des collectivités territoriales un cadre méthodologique d’évaluation environnementale des projets smart. Axe 2 : Limiter le renouvellement des terminaux, dont la fabrication et la distribution représentent 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France En taxant les externalités négatives liées à leur fabrication : – 8. Introduire une taxe carbone aux frontières européennes pour internaliser le coût environnemental des terminaux importés. En luttant contre l’obsolescence programmée et l’obsolescence logicielle : – 9. Renforcer les sanctions pour obsolescence programmée (par exemple via un recours plus systématique au name and shame) ; – 10. Renforcer la lutte contre l’obsolescence logicielle (par exemple via une dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives, accessoires et pouvant accélérer l’obsolescence du terminal). En favorisant le réemploi et la réparation : – 11. Renforcer l’ambition en matière de réparation et de réemploi par un taux de TVA réduit sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés et l’inscription d’objectifs ambitieux dans le cahier des charges des éco-organismes ; – 12. Activer le levier de la commande publique pour contribuer à renforcer les marchés de réemploi et de réparation (par exemple en ajoutant une clause de réemploi ou un lot réemploi dans les appels d’offres d’achats d’équipements) ; – 13. Conditionner les aides à la numérisation des entreprises dans le cadre du plan de relance à l’intégration d’une ambition environnementale, privilégiant par exemple l’acquisition de terminaux reconditionnés à l’achat d’équipements neufs. Axe 3 : Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux En définissant les données comme une ressource nécessitant une gestion durable : – 14. Prévoir une consécration législative de la donnée comme une ressource nécessitant une gestion durable. En régulant l’offre des forfaits téléphoniques : – 15. Interdire à titre préventif les forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées et rendre obligatoire une tarification proportionnelle au volume de données du forfait. En limitant l’impact des usages vidéo : – 16. Encadrer le streaming vidéo, qui représente 60 % du trafic Internet mondial (par une obligation d’adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du terminal ou encore par l’introduction d’une taxe prélevée sur les plus gros émetteurs de données, afin d’inciter à une injection plus raisonnable de données sur le réseau). En améliorant l’écoconception des sites et services numériques : – 17. Accompagner, à court terme, les administrations dans l’écoconception des sites et services numériques (par exemple, en lançant un appel à manifestation d’intérêt pour identifier les solutions les plus exemplaires en matière d’écoconception des services numériques) ; – 18. Rendre obligatoire, à moyen terme, l’écoconception des sites publics et des plus grands sites privés. En permettant une « régulation de l’attention » : – 19. Prévoir une obligation de reporting des fournisseurs de contenus sur les stratégies cognitives utilisées pour accroître les usages ; – 20. Interdire certaines pratiques comme le lancement automatique des vidéos et le scroll infini. Axe 4 : Aller vers des data centers et des réseaux moins énergivores En améliorant la performance énergétique des data centers, responsables de 14 % de l’empreinte carbone du numérique en France : – 21. Inciter à l’installation de data centers en France et conditionner l’avantage fiscal existant à des critères de performance environnementale ; – 22. Renforcer la complémentarité entre data centers et énergies renouvelables (ex. faire des data centers des leviers de flexibilité énergétique permettant de stocker l’électricité des installations d’énergies renouvelables intermittentes). En améliorant plus encore la sobriété des réseaux, responsables de 5 % de l’empreinte carbone du numérique en France : – 23. Atteindre les objectifs du plan France très haut débit pour améliorer la connectivité fibre, réseau le moins énergivore ; – 24. Engager une réflexion pour réduire la consommation électrique des box ; – 25. Évaluer l’empreinte environnementale de la 5G.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable [[Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey, président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Hervé Gillé, Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mmes Françoise Ramond, Esther Sittler, Nadia Sollogoub, Michèle Vullien.]] par la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique [[Cette mission est composée de : M. Patrick Chaize, président ; MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, rapporteurs ; MM. Joël Bigot, Jean-Marc Boyer, Mme Marta de Cidrac, M. Ronan Dantec, Mme Martine Filleul, MM. Alain Fouché, Guillaume Gontard, Jean-François Longeot, Frédéric Marchand, Mmes Françoise Ramond, Nadia Sollogoub.]], Par MM. Hervé MAUREY, président de la commission, Patrick CHAIZE, président de la mission d’information, Guillaume CHEVROLLIER et Jean-Michel HOULLEGATTE, rapporteurs Rapport d’Information « Pour une transition numérique écologique »Télécharger le Rapport d’Information

 

Documents joints

Mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique

Le bureau de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a retenu, dans son programme de contrôle pour l’année 2020, la création d’une mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique.

Les travaux de la mission devraient durer jusqu’à la fin du premier semestre 2020 et comprendront notamment des auditions des principaux acteurs français et étrangers du secteur ainsi que des déplacements en France.

Dans un contexte de numérisation croissante de notre société, la mission a pour objectif d’évaluer les impacts environnementaux du digital en France, directs et indirects, en tenant compte aussi bien des usages que de la fabrication des terminaux, des réseaux et des centres informatiques. Ces travaux auront pour objectifs de dresser un état des lieux de l’empreinte environnementale du numérique, d’évaluer son évolution dans les prochaines années et de formuler des pistes d’action pour les politiques publiques concernées, afin de permettre d’engager notre pays dans une transition numérique compatible avec les objectifs de l’accord de Paris de lutte contre le réchauffement climatique.

Consulter les travaux de la mission d’information

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