Le projet « Entre Deux Eaux » est à l’initiative de deux diplômés de l’Ecole supérieure de commerce de Lille (ESC lille), option management de projet, Emeline HASSENFORDER et Benjamin NOURY. « Entre Deux Eaux » est un projet de recherche itinérant au service de l’eau.
Afin d’aider les porteurs de projets futurs, Emeline et Benjamin souhaitent analyser les projets de coopération transfrontalière existant dans 11 bassins hydrographiques qu’ils ont préalablement identifiés. Cette analyse leur permettra de comprendre pourquoi ces projets ont réussi ou échoué, quels ont été les obstacles et les risques à leur développement et, finalement, quelles leçons en tirer pour les projets à venir.
Dans un deuxième temps, faire prendre conscience au grand public, par l’intermédiaire d’un livre présenté sous forme de carnet de voyage, de l’importance de coopérer autour des ressources en eau : économiser l’eau domestique est une chose, mais accepter que des centaines de migrants climatiques arrivent dans les pays développés parce qu’ils sont victimes de sécheresse ou d’inondation est une problématique d’une autre ampleur. Une prise de conscience facilitée par les témoignages et découvertes de ce voyage Entre Deux Eaux …
Guerres de l’eau, grands programmes de développement, aquifères transfrontaliers, bassins hydrographiques, mais qu’est-ce que tout cela signifie ? Pourquoi s’affole t on alors que de l’eau, il suffit d’ouvrir son robinet pour en avoir et que les fleuves en sont remplis ?En réalité, nous, français, sommes de grands chanceux. De l’eau, nous en avons. Fleuves et nappes phréatiques en sont effectivement remplis et elle est « relativement » bien répartie, ce qui nous permet de ne quasiment jamais en manquer et de ne pas avoir à nous battre pour l’obtenir. Alors bien sûr, dans le domaine de l’eau, tout est toujours à mettre entre guillemets. Les habitants de Rive-de-Gier, à l’heure actuelle, ne s’accorderont pas sur le fait que l’eau est bien répartie en France, même « relativement ». Cependant, les organismes de gestion de l’eau français existent et sont très actifs, bien que la plupart de nos concitoyens n’en connaissent pas l’existence. Comment cela fonctionne t-il ?
Très simplement, les 6 grands bassins hydrographiques (ou bassins versants) français, que sont :
Adour-Garonne,
Artois-Picardie,
Corse,
Loire-Bretagne,
Réunion,
Rhin-Meuse,
Rhône-Méditerranée,
Seine-Normandie,
sont gérés par des agences de l’eau. Un bassin est un ensemble de terres irriguées par un même réseau hydrographique : un fleuve, avec tous ses affluents et tous les cours d’eau qui les alimentent. (Définition du CNRS).
Les agences de l’eau sont des établissements publics administratifs, placés sous la tutelle du ministère de l’environnement et du ministère des finances. Elles s’occupent de :
– Faciliter les diverses actions d’intérêt commun dans chaque bassin hydrographique (préservation et l’amélioration de la ressource, lutte contre la pollution, connaissance des milieux)
– Etablir et percevoir des redevances pour les prélèvements d’eau et pour la détérioration de la qualité des milieux
– Attribuer des subventions ou des avances remboursables (aux collectivités locales, aux industriels et aux agriculteurs) pour l’exécution de travaux d’intérêt commun.
– D’informer les publics sur l’eau.
Au niveau des politiques, les Schémas d’Aménagement et de gestion des Eaux (SAGE) sont des documents de planification élaborés de manière collective, pour un périmètre hydrographique cohérent. Ils fixent des objectifs généraux d’utilisation, de mise en valeur, de protection quantitative et qualitative de la ressource en eau. La France a été le premier pays à mettre en place une gestion de l’eau par bassin et depuis, de nombreux autres pays et bassins s’en sont inspirés.
Maintenant que l’on comprend un peu mieux comment l’eau est gérée sur notre territoire, arrêtons-nous en dehors de nos frontières. Pas besoin d’aller bien loin : en Espagne, Saragosse et Barcelone, situés à quelques 300km, n’arrivent pas à s’entendre sur l’eau, à tel point que Barcelone doit importer de l’eau par bateau depuis Marseille (à 500km) pour subvenir à ses besoins.
La réflexion d’Entre Deux Eaux est partie de là : aujourd’hui sur terre, nous avons suffisamment d’eau pour subvenir à nos besoins, qu’ils soient agricoles (70%), industriels (20%) ou domestiques (10%). (Après, promis, plus de chiffres !). La plupart du temps, les processus d’entente autour de la ressource en eau entre les pays fonctionnent de la manière suivante : deux pays voisins (ou plus) sont en conflit, en partie à cause de la ressource. Ils ne peuvent, dans la mesure où l’eau traverse leurs deux pays, mettre en place uniquement des politiques nationales, car celles-ci ont un impact systématique sur leur riverain et/ou sont de portée réduite. Ils doivent donc imaginer des projets communs. C’est à ce stade qu’interviennent les organisations internationales, qui, grâce à leur statut global et indépendant, mettent les acteurs des différents pays autour d’une table. Du succès de ces négociations découle la naissance de projets et de programmes de coopération transfrontalière.
Nous pensons que l’eau peut être une arme de paix plutôt qu’une arme de conflit. D’ailleurs, tout comme le souligne le géographe et hydropolitologue Aaron Wolf, la dernière véritable guerre de l’eau remonte, au contraire de ce que l’on croit souvent, à l’époque mésopotamienne. L’eau est souvent un des paramètres intervenant dans les conflits, mais rarement le seul. Et pourtant, peu de ressources ont servi de frontières (« rival » vient de « rive » : de l’autre côté de la rivière) et ont donc ce pouvoir d’être au cœur de la géopolitique. Pourquoi donc ne pas essayer d’utiliser cet élément et de le partager à bon escient entre les acteurs ?
Pour cela, encore faut-il que les projets communs réussissent. Trop nombreux sont les grands projets qui échouent parce que les porteurs de projet ont sous ou surévalué certains paramètres, comme par exemple les intérêts des utilisateurs, qui, par peur de perdre leurs cultures et leurs maisons, s’empressent de détruire les infrastructures établies. Et les exemples de ce type font légion.
C’est pourquoi Entre Deux Eaux part à la rencontre de ces porteurs de projet afin d’analyser pourquoi des initiatives à tel point porteuses d’espoir ont échoué ou réussi. Durant ces prochains 18 mois, nous souhaitons vous faire découvrir comment des personnes, des populations, vivent ces conflits liés à l’eau et quels sont les enjeux hydropolitiques des 11 bassins hydrographiques que nous allons parcourir.
A travers la prochaine étape, le Danube, nous regarderons les difficultés de partager la ressource entre rien moins que 18 pays, visiterons le barrage de Gabcikovo-Nagymaros, qui a valu à la Hongrie et à la Slovaquie 4 ans de jurisprudence à la Court pénale internationale, rendrons visite aux ministères de l’eau, aux associations locales, aux populations, longerons le Danube de Vienne à notre étape suivante : Istanbul.
Chaque mois et demi, nous donnerons l’appareil photo à une personne, en lui demandant de représenter à travers l’objectif sa vision de l’eau. Tout comme nous, vous visiterez la Jordanie, L’inde, le Vietnam, le Brésil, le Sénégal et les 30 autres pays que nous traversons pour une épopée aquatique inoubliable.
Alors, rendez-vous à Noël pour le prochain article sur le Danube
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