Souvenez-vous. Le 17 septembre dernier, le Professeur Dominique Belpomme, cancérologue réputé à l’hôpital Georges Pompidou à Paris, annonce « un désastre sanitaire aux Antilles » à la une du Parisien. Cdurable.info avait relayé l’info. Dès lors, dès qu’un micro lui est tendu, Dominique Belpomme prédit une affaire « plus grave que le sang contaminé ». La France s’est émue entraînant de nombreuses réactions politiques. En cause, un insecticide, le chlordécone, employé aux Antilles pour le charançon du bananier. Interdit aux Etat-Unis en 1977 en raison de sa toxicité, les Antilles ont continué à l’utiliser jusqu’en 1993. Dans les bananeraies antillaises, les nappes phréatiques ont été polluées par l’insecticide, transmettant le poison aux fruits et légumes-racines cultivés et consommés localement. Le Professeur, dans un rapport rédigé pour l’Assemblée Nationale, établissait une relation entre la pollution au chlordécone et de nombreux cas de cancer. Dans Le Figaro (édition du 17/09/07), s’il reconnaissait que les scientifiques n’ont « pas encore la preuve épidémiologique » que ces cancers sont « liés au chlordécone », il expliquait aussi qu’on a en revanche « pu démontrer scientifiquement que toutes les femmes enceintes et tous les enfants qui naissaient » en Guadeloupe étaient « contaminés au chlordécone ». L’hebdomadaire Marianne (n°546 – du 6 au 12 octobre) dans son dossier « Le temps des imposteurs » révèle que derrière la catastrophe sanitaire annoncée se cache « une malhonnêteté scientifique » selon les propres mots du Dr Luc Multigner de l’Inserm. Explications.
Dès 1998, l’Inserm, à la demande du CHU de Pointe-à-Pitre, lance une étude sur les conséquences de l’utilisation des pesticides sur les ouvriers oeuvrant dans les babaneraies antillaises. Etude élargie dès 2003 aux femmes enceintes et leurs nouveaux-nés. Résultat : le chlordécone est détecté dans 90% des prélèvements sanguins et dans 40% des laits maternels, mais à des taux 10 fois inférieurs au seuil de toxicité. Marianne d’établir qu’« aucune relation entre cancer et baisse de de la fertilité n’est établie. » Pour établir son rapport, le Pr Belpomme n’a pris en compte aucun des travaux réalisés depuis 1999. Pour le Dr Luc Multigner de l’Inserm, interrogé par Marianne, aucune preuve n’est apportée de la « relation qu’il suppose entre le nombre élevé de cancers de la prostate et l’insecticide ». « Belpomme dissimule la vérité, manipule et fait preuve d’une ignorance délibérée ». Quatre médecins de l’INSERM ont écrit au directeur général de la santé le 16 août. Leur lettre dit que « ce rapport témoigne, outre des connaissances scientifiques limitées, d’une volonté de manipulation et de dissimulation de la vérité, voire, dans le meilleur des cas, d’une ignorance délibérée (…) Une telle approche est fort éloignée de toute procédure intègre d’évaluation scientifique ». Réagissant à ce retournement de situation, l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes), regrette dans un communiqué que « le Dr Belpomme ait utilisé, une fois de plus, un effet d’annonce et l’émotion pour faire la promotion de ses thèses personnelles, sans s’appuyer sur des éléments scientifiques sérieux. » Si l’UIPP ne conteste pas l’existence d’un problème d’environnement lié à la présence de chlordécone dans les sols aux Antilles, elle se réfère à la déclaration de l’Institut de Veille Sanitaire : « À ce jour, aucun lien n’a été démontré entre l’exposition aux pesticides aux Antilles et les observations sanitaires qui y ont été effectuées ». Alors que les propos de l’UIPP sont à relativiser (l’union représente les producteurs de pesticides… ), il faut reconnaître que les révélations de Marianne sèment le doute. Surtout depuis l’émission « Toutes les France » diffusée lundi 1er octobre sur France Ô, où Dominique Belpomme est revenu sur ses déclarations concernant le chlordécone et les pesticides aux Antilles. Sur France Ô, il a, à plusieurs reprises, répété qu’ « il n’y a pas de désastre sanitaire ». Celui-ci a affirmé que « le chlordécone n’est pas en cause » dans l’augmentation des cancers de la prostate en Martinique. Alors emballement médiatique ou révélation d’un scandale sanitaire sans précédent ? Il est temps que les scientifiques et les politiques tiennent le plus rapidement possible le discours le plus franc et le plus responsable possible. Le passage de l’ouragan Dean, le 17 août, a détruit la totalité de la production en cours de bananes en Martinique et de 50 à 60% en Guadeloupe mais c’est bien l’impact de cette affaire qui pourrait achever la filière qui emploie 15 000 personnes. Car depuis, la psychose s’est installée en Martinique.