Synthèse
Cette contribution d’Alain KARSENTY, économiste au CIRAD et membre du conseil scientifique de la FNH, analyse le projet de règlement de la Commission européenne présenté en novembre 2021, révisé en juin 2022, amendé par le Parlement européen en septembre 2022, et qui vise à empêcher la mise sur le marché européen de produits dont la production est liée à de la déforestation. La pierre angulaire du projet est l’obligation de « diligence raisonnée » imposée aux importateurs. Or le projet contient des éléments discutables, notamment la définition « universelle » de la forêt qui pose problème car elle prohibera l’importation de productions légales dans le pays d’origine mais inacceptables au regard de la définition UE de la forêt. Le projet européen va plus loin que les législations comparables adoptées ou en cours d’adoption au Royaume-Uni ou aux États-Unis, qui eux s’alignent sur les critères de légalité en vigueur dans les pays producteurs. Enfin, le mécanisme « d’analyse comparative » du risque-pays porte un risque de pénalisation collective de tous les producteurs, quelles que soient leurs pratiques. Une solution alternative serait d’adopter une « réponse graduée », en s’appuyant sur des certifications « zéro déforestation » et moduler les droits de douane à l’entrée dans l’UE. Les pouvoirs publics contribueraient à faire évoluer les certifications privées en labellisant celles qui intègrent, entre autres critères, une démarche zéro déforestation correspondant aux objectifs européens et dont les mécanismes de vérification sont crédibles. Un différentiel fiscal entre les produits zéro déforestation et les autres pourrait être introduit. Cela nécessiterait une augmentation de certains tarifs, et une révision des accords commerciaux bilatéraux existants et futurs. Les recettes générées pourraient être utilisées pour financer des programmes aidant les petits producteurs des pays exportateurs à adopter des pratiques durables et à obtenir une certification. L’objectif serait qu’à terme l’UE n’importe plus que des produits certifiés zéro déforestation, avec les tarifs douaniers les plus favorables.Les points analysés
- L’OBLIGATION DE DILIGENCE RAISONNÉE FAITE AUX IMPORTATEURS
- UNE LARGE « AMNISTIE » DE LA DÉFORESTATION RÉCENTE
- L’ÉPINEUSE QUESTION DE LA DÉFORESTATION LÉGALE
- PÉNALISATION COLLECTIVE ?
- UNE ALTERNATIVE POSSIBLE : S’APPUYER SUR DES CERTIFICATIONS ZÉRO-DÉFORESTATION ET MODULER LES TARIFS DOUANIERS
- « GOUVERNER » LES CERTIFICATIONS PRIVÉES PAR DES INCITATIONS
- CONCEVOIR UNE MESURE ÉQUITABLE POUR LES PETITS PRODUCTEURS DU SUD
Fin annoncée des Accords de Partenariat Volontaires pour le commerce des bois légal ?
La Commission ne remet pas en cause le Règlement Bois de l’Union Européenne (RBUE) de 2013 qui vise à sanctionner les importateurs qui mettraient sur le marché européen des bois exploités illégalement. Par contre, la Commission se prépare visiblement à abandonner son initiative d’«Accords de Partenariat Volontaire» (APV-FLEGT ) lancé depuis les années 2000 pour aider les pays producteurs à n’exporter que du bois légal. La pierre angulaire de ces APV est constituée des « Autorisations FLEGT » sur les bois exportés, lesquels auront tous été vérifiés (quelle que soit leur destination) en s’appuyant sur un « système national de vérification de la légalité » audité par la partie nationale et la CE. Ces Autorisations FLEGT, délivrées à la sortie du pays producteur pour les bois à destination de l’UE, dispensent les importateurs de la fastidieuse diligence raisonnée, et sont ainsi censées faciliter les échanges. Or, sur les 15 pays engagés dans ce processus, seule l’Indonésie est parvenue, depuis 2016, à émettre des Autorisations FLEGT. Cette situation est considérée comme un échec au regard des sommes importantes engagées par l’Europe dans ce processus. Dans le nouveau contexte, les responsables de la CE ont indiqué qu’il fallait «passer de la légalité à la durabilité» (d’où la question de la dégradation). Le tandem RBUE / APV-FLEGT est donc destiné à se dissoudre dans le nouveau règlement européen multi- commodités, qui rendra incontournable la diligence raisonnée pour toutes les cargaisons, avec prise en compte de la « dégradation » pour le bois. Les Autorisations FLEGT ne sont donc plus vraiment à l’ordre du jour, même si elles serviront encore quelque temps (pour les très rares pays qui en disposent) à remplir le critère de « légalité » dans les procédures de diligence raisonnée que devront effectuer les importateurs.
A propos,du CIRAD
Le Cirad est l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes. Avec ses partenaires, le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) co-construit des connaissances et des solutions pour des agricultures résilientes dans un monde plus durable et solidaire. Il mobilise la science, l’innovation et la formation afin d’atteindre les objectifs de développement durable. Il met son expertise au service de tous, des producteurs aux politiques publiques, pour favoriser la protection de la biodiversité, les transitions agroécologiques, la durabilité des systèmes alimentaires durables, la santé (des plantes, des animaux et des écosystèmes), le développement durable des territoires ruraux et leur résilience face au changement climatique. Créé en 1984 sous le statut d’Établissement public à caractère industriel et commercial (Épic), issu de la fusion d’instituts techniques et de recherche agronomique tropicale, le Cirad est placé sous la double tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Il apporte son soutien à la diplomatie scientifique de la France. Présent sur tous les continents dans une cinquantaine de pays, le Cirad s’appuie sur les compétences de ses 1 650 salariés, dont 1 140 scientifiques, ainsi que sur un réseau mondial d’environ 200 partenaires. – www.cirad.frFondation pour la Nature et l’Homme – Think Tank
Après 30 ans d’actions, la Fondation pour la Nature et l’Homme donne une nouvelle ambition à son activité de Think Tank, née il y a une dizaine d’année. Avec pour point de départ la question : « Que ferait un gouvernement déterminé à faire la transition écologique ? », le Think Tank de la Fondation se consacre aux “angles morts” des politiques publiques en démêlant les sujets enlisés, voire non explorés. Son ambition : créer les conditions pour un prochain quinquennat de transformation sociale et écologique. Espace non-partisan, le Think Tank propose des feuilles de route concrètes et ambitieuses pour construire une force sociale prête à déployer la transition écologique et solidaire. POUR CE FAIRE, IL BASE SON ACTION SUR DEUX PRINCIPES :- 1. S’attaquer aux sujets au cœur des attentes des Français mais pour lesquels l’Etat n’est pas allé au bout de l’effort, pour penser et proposer un chemin d’action qui lie durabilité, bien-être social et résilience économique.
- Le Think tank se concentre sur les thématiques écologiques clés mais enlisées que sont par exemple : la réduction des pesticides, la transformation du modèle automobile, l’avenir de l’élevage, la sortie du nucléaire ou encore l’évolution du fret.
- Chaque sujet est investigué à la lumière des verrous qui bloquent la transition : l’accompagnement dans l’emploi, la cohérence des financements, la réforme des règles budgétaires européennes, la transformation des entreprises ou encore le développement d’une diplomatie verte.
- 2. Penser par et pour le dialogue afin de fédérer largement dans l’action.
- RAPPORTS : des formats fouillés, mettant à jour des données nouvelles pour établir des états des lieux clairs et définir des feuilles de route pour opérer la transition.
- CONTRIBUTIONS : des formats « note » pour accueillir des productions individuelles ou collectives sur des sujets à défricher ou à creuser.
- POINTS DE VUE : des formats « tribune » pour poser l’avis d’un expert sur un sujet d’actualité ou à faire émerger.
A propos de la FNH
- Mission : Contribuer à une métamorphose de nos sociétés par le changement des comportements individuels et collectifs. Cette métamorphose a pour but d’assurer la préservation du patrimoine naturel commun, le partage équitable des ressources, la solidarité et le respect de la diversité sous toutes ses formes.
- La Fondation s’appuie sur l’information scientifique la plus complète et objective possible concernant, notamment, l’état écologique de notre planète.
- Elle se base sur la pédagogie pour faire le lien entre les connaissances et l’action auprès de tous les publics. Elle participe, ainsi, à la prise de conscience de l’interdépendance entre les humains et l’ensemble du vivant et de la nécessité d’imaginer des solutions communes.
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- Vision : «Les enjeux écologiques, économiques et sociaux sont étroitement liés et doivent être traités de manière globale. Notre modèle de développement doit évoluer pour que l’humanité continue à bénéficier de l’environnement dont elle dépend.
Préserver et partager sont les mots-clés d’une vision renouvelée de la prospérité et d’une redéfinition du progrès qui placent comme critères premiers le bien-être et l’épanouissement de tous les hommes ainsi que le respect de la vie sous toutes ses formes.
Il nous faut, dès à présent, engager la transition écologique afin d’aller vers de nouveaux modèles de société ayant pour objectifs de préserver les biens communs (climat, biodiversité, fonctionnement des écosystèmes, eau douce…) et de partager équitablement les ressources naturelles pour assurer à tous la satisfaction des besoins essentiels. Ces sociétés doivent être fondées sur un nouveau cadre démocratique et économique intégrant les enjeux de long terme et mis au service des êtres humains et de la biodiversité. Il s’agit d’aspirer à des sociétés plus humaines et plus durables.»
Nicolas Hulot – Fondateur de la FNH
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