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Ce weekend, l’amateur -averti ou non- d’écologie a pu apprécier trois types de discours environnementaux. Celui, éthique, scientifique et familial du festival Sciences Frontières, celui plus grenellisé de la consommation durable et du salon Planète durable, et pour finir, celui, diamétralement opposé de l’objection de croissance. Voyage au coeur du vortex environnemental actuel.

Par Laure Noualhat. A Marseille, une certaine famille de la défense de l’environnement s’est retrouvée pour le 25ème anniversaire du festival Sciences Frontières. Autant avouer tout de suite que j’y ai animé avec délectation une table ronde sur les risques (naturels, écologiques, industriels, démocratiques…). Cette table ronde réunissait cinq intervenants passionnants (Jacques Faye, de la direction générale pour la prévention des risques, mais aussi Nardo Vicente directeur scientifique de l’Institut océanographique Paul Ricard, le rêveur et toxico-chimiste André Picot, spécialisé dans l’impact des molécules chimiques sur les organismes vivants, une jeune chercheuse, Stéphanie Jenouvrier, qui étudie l’impact du réchauffement climatique sur la population des manchots en Terre Adélie et le général Gérard Chariglione qui commande la gendarmerie en PACA), tout comme les autres tables rondes, même si, à force, elles ont un goût de déjà-vu (ou entendu). Eclectique, le festival réunit de valeureux combattants de la cause écologique, des vieux briscards, qui n’ont rien à vendre (à part, peut-être, leurs livres…) et qui partagent simplement une vision, l’espoir d’une trajectoire commune. On y a vu le film de Jean-Paul Jaud, Nos enfants nous accuseront, qui poursuit son bonhomme de chemin avec bientôt 200.000 spectateurs en six mois d’exploitation. Sans promo, ni critique frétillante, le film vit, et c’est déjà beaucoup. Samedi matin, autre ambiance porte de Versailles. Dans le hall 7 du parc des expositions, le salon Planète durable. Pour 10 euros l’entrée, chaque visiteur pouvait déguster à loisir de l’écologie joyeuse. Pas la vivre, ni la penser, mais la consommer comme toute autre denrée à la mode. Le salon, nous dit-on, s’adresse à un public familial « qui veut toucher du doigt ce qu’est une consommation meilleure pour la planète, tout en consommant quand même » selon Ivan Lacroix, commissaire général et organisateur du salon. Des consommateurs qui veulent devenir consomm’acteurs en somme et qui ont besoin qu’on les guide. Ils ont dû être servis. Dès l’entrée, le face-à-face avec le stand de Suez laisse songeur, tandis que les stands commerciaux s’enchaînent dans un brouhaha vert pomme. Rainett, Ecover, Honda, EDF, GDF-Suez, Matra, Les deux vaches (Danone), …, ça se bouscule à la caisse. « Concernant Honda, nous essayons sur ce salon d’avoir des choses qui anticipent ce que devrait être la norme dans le futur, notamment en matière de transport », plaide Ivan Lacroix, commissaire général et organisateur du salon. « Tous les exposants ne viennent qu’à partir du moment où ils ont présenté leur offre développement durable et ont été acceptés. » Un comité d’éthique s’octroie la possibilité de refuser des exposants comme Total, pour ne citer que cette multinationale, et autres amateurs d’environnement bien emballé. Bien sûr, au milieu des travées, on trouve les pionniers de la cosmétique naturelle (Léa Nature, Weleda, Dr Hauschka, …), des institutions comme l’Ademe ou plusieurs ONG allant de Greenpeace à 1% pour la planète qui regroupe des entreprises ayant décidé de reverser 1% de leurs ventes à des associations écologistes. Difficile de s’y retrouver entre Honda et le célèbre pirate des mers, Paul Watson, patron de Sea Shepherd Conservation qui n’hésite pas à araisonner les bateaux de pêche illégale. Ce salon ne fête pas ses 25 ans mais sa deuxième édition seulement. Et pourtant, il a raflé la mise médiatique en accueillant Chirac, Jouano, Cochet…, et en faisant beaucoup parler de lui. Le salon faisant certifier ses comptes, nous ne savons pas, en écrivant ces lignes, combien de personnes l’ont fréquenté. L’objectif visé cette année était d’accueillir 30 à 35.000 personnes, « un seuil qui ne sera pas atteint » a confié Ivan Lacroix. Mais le salon n’est pas un acte philanthropique: le stand se monnaie 250 à 350 euros le m2, et ensuite, tout dépend des finitions (500 euros le branchement électrique, les chaises ou les tables…) mais c’est l’affaire du Parc des expositions. Dans l’après-midi du samedi, j’ai préféré rallier les objecteurs de croissance, en plein brainstorming pour une journée d’étude intitulée: Crise éthique, éthique de crise. Le décor était bien différent. Rue des Saints-Pères, dans le coeur du paris germanopratin, dans une salle de cours mal défraîchie, environ 200 à 300 personnes écoutaient doctement quelques-uns des penseurs actuels de la décroissance. A l’occasion de la sortie du n°6 de la revue d’étude théorique et politique de la décroissance, Entropia, les curieux étaient conviés à imaginer le virage. Serge Latouche, Dominique Meda, Fabrice Flipo, Michael Singleton, Jean-Claude Besson-Girard, Hervé Kempf, Patrick Piro, Anne-Marie Villemenot, Robert Dufour, …les exposés se sont enchaînés. Entre l’expérience des nomades kazakhs, l’appréciation purement occidentale de la décroissance, l’urgence démocratique de se relier avant l’explosion et la crise alimentaire, il fut difficile de tisser un fil conducteur dans toute cette foisonnante pensée. Mais reste, en suspens, la question principale posée par Serge Latouche: quelle est la capacité du système à affronter des périls divers? Résilience ou décroissance? La première induit-elle la seconde? S’il s’agit de se contenter de repeindre en vert un système défaillant, où est l’intérêt? Où se trouve la « destinée commune » qu’appelle Edgar Morin? Consommer bio, vert, équitable, …, ne nous conduira -semble-t-il- pas très loin. Se décoloniser, s’affranchir des chaînes de la consommation, du travail, …, voilà une des idées les plus excitantes à explorer aujourd’hui. Cela suppose de faire appel à notre capacité de résilience, d’imagination et de création. Ce weekend, j’ai eu l’impression d’être une enfant dont les parents divorçaient. Et d’avoir choisi mon camp. Tout en souhaitant continuer à apprendre de l’autre parent. Bref, d’être déchirée. Comme l’époque.

 

En savoir plus sur Laure Noualhat :
« je travaille sur les sujets environnementaux depuis 2003, date de la création de la page Terre à Libé.
Depuis, impossible de faire autre chose. Ayant l’étrange sensation d’être à bord d’un bolide polluant, face à un mur, je tente d’alléger chaque jour mon «empreinte écologique»…
Arriverons-nous à freiner à temps?

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