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COP28 : un an après la percée sur les « pertes et dommages » en Egypte, pays riches et pays pauvres toujours divisés

Les conséquences de la tempête Daniel à Derna, dans l'est de la Libye, en septembre 2023.
Les conséquences de la tempête Daniel à Derna, dans l’est de la Libye, en septembre 2023.
Lisa Vanhala, UCL

L’an dernier, lors du sommet de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, l’accord visant à constituer un fonds pour les « pertes et dommages » avait été salué comme une avancée majeure, sur l’un des sujets les plus difficiles des négociations climatiques.

Au cours de cette édition – frustrante par ailleurs – cette décision de novembre 2022 actait le fait que les pays les plus pauvres et les moins émetteurs ont besoin d’aide pour faire face aux conséquences du changement climatique. Et surtout, tentait timidement de déterminer qui doit payer.

En 2023, d’autres records météorologiques extrêmes ont été battus. Des pluies torrentielles ont provoqué des inondations qui ont emporté une ville entière en Libye, tandis que des feux de forêt ont ravagé des pans entiers du Canada, de la Grèce et de l’île hawaïenne de Maui.

Alors que ces événements deviennent monnaie courante partout dans le monde, la nécessité d’un fonds efficace, pouvant être mis en place rapidement pour aider les personnes les plus vulnérables au changement climatique, se fait de plus en plus pressante. Mais un an après les négociations, le fonds ne s’est pas encore concrétisé comme l’espéraient les pays en développement.

J’écris un livre sur la gouvernance des Nations unies en matière de pertes et dommages, et je suis les négociations depuis 2013. Voici ce qui s’est passé après le départ des négociateurs de Charm el-Cheikh, et voici ce qu’il faudra surveiller lorsqu’ils reviendront, cette fois à Dubaï, pour la COP28.

De grandes questions en suspens

De nombreuses questions ont été soulevées et laissées en suspens à Charm el-Cheikh. Parmi elles : qui alimentera ce nouveau fonds ? Où sera-t-il situé ? Qui aura le pouvoir de le gérer ? Et qui aura accès au financement, et surtout qui n’y aura pas accès ?

Un comité transitoire composé de 14 membres issus de pays en développement et de 10 membres issus de pays développés a été nommé par les Nations unies pour débattre de ces questions après la COP27. Le comité s’est réuni régulièrement au cours de l’année écoulée, mais lors de sa quatrième réunion à la fin du mois d’octobre, qui devait être la dernière session, des questions importantes concernant le fonds, comme la question de savoir qui devrait l’héberger et l’administrer, sont restées en suspens. Les discussions ont été interrompues, sans qu’aucun accord n’ait été trouvé.

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Début novembre, moins d’un mois avant la COP28, une cinquième réunion organisée à la hâte a présenté aux membres de la commission un texte bricolé par les deux coprésidents sud-africain et finlandais, sous la forme d’un accord à prendre ou à laisser. Les pays en développement ont accepté que le fonds soit hébergé par la Banque mondiale pour une période intérimaire, malgré des réserves.

Les pays développés se sont également opposés au texte final. Les États-Unis voulaient ajouter l’adjectif « volontaire » à toute mention des contributions au fonds. D’autres ont fait valoir que le groupe des contributeurs au fonds devrait être élargi pour inclure certains pays en développement, tels que l’Arabie saoudite, ainsi que des sources de financement privées. Ces objections ont été notées mais le texte a été adopté sans elles.

Ces recommandations doivent maintenant être approuvées lors de la COP28, qui débute le 30 novembre. Comme près de 200 pays doivent se mettre d’accord sur ces dispositions et que le mécontentement est généralisé, le processus ne sera sans doute pas simple.

La Banque mondiale sous le feu des critiques

Les pays en développement se sont montrés sceptiques du choix de la Banque mondiale comme hébergeur potentiel du fonds, et ce pour plusieurs raisons.

De nombreux délégués s’inquiètent de la réputation de la Banque, et notamment de la prédominance des pays développés parmi les donateurs, de l’accent mis sur l’octroi de prêts plutôt que de subventions, et du manque de sensibilité au climat dans les opérations de la Banque. Il est probable que ces inquiétudes resurgissent à Dubaï.

Les États-Unis sont le principal actionnaire de la Banque mondiale et, traditionnellement, le président de la Banque est un citoyen américain nommé par Washington. Les petits États insulaires en développement – parmi les plus vulnérables au changement climatique en raison de l’élévation du niveau de la mer – ont plaidé en faveur de l’abandon du modèle donateur-bénéficiaire, avec tous les déséquilibres de pouvoir habituels, au profit d’un partenariat fondé sur un engagement commun en faveur de la protection de la planète.

Cela nécessitera une réforme partielle ou totale de la Banque mondiale – et certains affirment que c’est déjà en cours sous la direction de son nouveau président. Mais le fait d’héberger le fonds au sein de la banque donnerait encore aux pays donateurs une influence disproportionnée, malgré les recommandations du comité de transition, selon lesquelles le conseil d’administration du fonds devrait être composé d’une majorité de membres des pays en développement.

Un homme passe devant un bâtiment dont l’extérieur porte l’inscription World Bank Group
Les quartiers généraux de la Banque mondiales se situent à Washington. The Bold Bureau/Shutterstock

Autre sujet de préoccupation : les frais de fonctionnement des fonds hébergés par la Banque mondiale sont élevés. Un membre du conseil d’administration d’un autre fonds hébergé par la Banque mondiale a suggéré que les frais administratifs facturés par la banque augmentent et absorbent une part plus importante de l’aide en question. Cela pourrait signifier que, pour 100 milliards de dollars offerts aux pays et aux communautés frappés par une catastrophe, la Banque mondiale en conservera 1,5 milliard. Ce qui sera difficile à justifier pour une institution qui continue à financer l’industrie pétrolière et gazière climaticide par ailleurs.

Les types de financement mis à disposition par le fonds devront donc être en contradiction avec le mode traditionnel de financement des prêts de la banque, en offrant des subventions et d’autres formes de prêts à des conditions très favorables. Les pays en développement ont toujours soutenu que le financement des pertes et dommages ne devait pas alourdir le fardeau de la dette d’un pays en développement.

Le texte adopté prévoit que le fonds pour les pertes et les dommages « sollicitera des contributions financières », les pays développés étant censés « prendre l’initiative » de celles-ci. Les pays en développement souhaitent que les pays développés – en tant que plus grands émetteurs historiques – fournissent le financement, mais les pays riches se sont opposés à toute idée selon laquelle ils auraient une obligation de payer.

Au contraire, en faisant les bons discours sur le financement du climat, les pays développés peuvent, à court terme, se faire passer pour des bons élèves en se contentant de « relooker » les formes existantes de financement du climat ou l’aide au développement, plutôt que d’offrir de nouveaux fonds.

Le tabou de la compensation

Une chose que vous n’entendrez probablement pas à la COP28, c’est le mot « compensation ». Alors que les rédacteurs en chef des médias adorent les titres sur les réparations, la responsabilité et les compensations lorsqu’ils parlent de pertes et de dommages, et que l’augmentation des affaires judiciaires liées au climat rend nerveux les gouvernements et les entreprises émettrices, ce langage est encore totalement absent des discussions sur la question dans le cadre des négociations.

En fait, des recherches ont montré que les références à l’indemnisation dans les déclarations des États à l’ONU ont considérablement diminué après l’établissement du mécanisme sur les pertes et dommages en 2013. Les petits caractères de l’accord de Paris de 2015 indiquaient en effet que les pertes et dommages n’étaient « pas une base de responsabilité ou d’indemnisation ».

J’ai remarqué l’émergence d’un tabou autour de ce terme au sein du processus de la COP. Au lieu de l’utiliser, les pays optent de plus en plus pour des termes tels que « solidarité » comme base de financement. Ces choix de mots montrent où se trouve le pouvoir.

Certains pays développés continuent d’accroître leur production de combustibles fossiles.
Certains pays développés continuent d’accroître leur production de combustibles fossiles.

Tout ceci nous incite à la prudence à l’approche de la COP28. Les principaux accords sur les pertes et les dommages n’ont jamais tenu leurs promesses en raison des changements de forum bureaucratiques (déplacement des sujets vers des lieux extérieurs à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), des retards et de l’insuffisance des ressources. Le fonds d’adaptation a été créé en 2001 mais n’a approuvé son premier financement qu’en 2010.

Comment répondre au besoin urgent de soutien des communautés et des pays vulnérables, alors que le rythme des progrès dans les négociations sur le changement climatique est au mieux glacial, et tend à être particulièrement lent et peu ambitieux sur le financement des pertes et dommages ?

Lors de la COP28, la concrétisation du fonds pour les pertes et dommages sera un test décisif pour la légitimité de l’ensemble du régime de négociation sur le changement climatique.

Lisa Vanhala, Professor of Political Science, UCL

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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

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