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Evaluation économique de la forêt et de la biodiversité : gisement de green business pour l’Afrique ?

Le 200 millions d’hectares de la forêt du bassin du Congo pourrait rapporter 194 milliards d’euros par an
Par Thierry Téné : Président d’ALTERNOSS et Directeur d’A2D Conseil : Expertise et formation sur le développement durable, la RSE et le green business Comme pour la crise économique dont ils ne sont pas à l’origine mais dont les effets se font durement sentir sur la croissance, Les pays en voies en développement en général et l’Afrique subissent et subiront le plus les conséquences d’une perte de la biodiversité et la destruction des écosystème. En effet, leurs principales sources de revenus proviennent des activités agricoles et d’autres services rendus par la biodiversité. Les Etats sont confrontés à court terme à la recherche de nouvelles pistes de financement pour résorber le déficit et équilibrer leur budget. Il est également important de ne pas perdre de vue, les stratégies à mettre en œuvre et les moyens nécessaires pour anticiper la vulnérabilité au changement climatique. Actuellement perçu comme une contrainte et n’étant pas une priorité pour plusieurs pays africains, le changement climatique et les l’écologie offrent pourtant de nombreuses opportunités pour le continent. Les pays développées et émergents mises sur les technologies propres et le stockage souterrain du CO2 pour tirer profit de la croissance verte. N’étant pas à la pointe des innovations technologiques, l’Afrique pourrait tirer profit de la richesse de sa biodiversité et de son écosystème. Sans une évaluation économique, l’Afrique continue de brader sa biodiversité et sa forêt pourtant, il y a un gisement de création d’ « emplois verts » et d’éco-entreprises, de formation des jeunes et d’apports de revenus supplémentaires pour l’Etat, les collectivités et les populations les plus démunies. Toute la question est de savoir la valeur monétaire qu’on peut donner à la nature et aux services qu’elle rend.

Le bassin du Congo : deuxième poumon écologique du Monde peut-il devenir le poumon économique de l’Afrique ?

foret congo
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Avec 200 millions d’hectares de forêt, le Bassin du Congo est le deuxième poumon écologique de la planète derrière l’Amazonie. Il a également la particularité d’être reparti sur plusieurs pays : Angola, Cameroun Congo (Brazzaville), Gabon, Guinée Equatoriale, République Centrafricaine et le Tchad. Dans le bassin du Congo, il est facile d’estimer la quantité de dioxyde de carbone (CO2) stockée par les arbres pendant leur cycle de vie. En fonction du coût de la tonne de CO2 sur le marché, on peut estimer la valeur économique de ce deuxième poumon écologique de l’humanité. Une réflexion sur la corrélation entre la valeur monétaire d’un arbre (matière première) et les produits dérivés à forte valeur ajoutée tel que le papier (produit fini) permettrait de redevenir le prix de vente de la matière première. L’intérêt de cet indicateur serait d’établir une équité entre les bénéfices des Etats producteurs de bois et les industries d’exploitation et de transformation qui bénéficient nettement de cette filière. La finalité n’est pas de pénaliser les industriels mais de définir un coût pour l’exploitation du bois qui encourage une transformation dans le pays producteur avec une prise en compte d’une gestion durable de la forêt (boisement et reboisement avec création d’emplois pour les populations locales) notamment grâce à la plus value dégagée par cette nouvelle politique. Des ressources supplémentaires pourraient également être mobilisées au niveau international dans le cadre du protocole de Kyoto notamment grâce au stockage du CO2 et la préservation de la forêt. La Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation de la Forêt Tropicale (REDD) qui permet d’obtenir des crédits carbone. La Banque Africaine de Développement gère le Fonds Forestier du Bassin du Congo de 200 millions de dollars dont les donateurs initiaux sont le Royaume-Uni et la Norvège. C’est sûrement un premier pas encourageant mais la contribution volontaire et l’absence de données chiffrées sur le montant des émissions de CO2 à compenser montrent la limite de cette initiative au vue de l’importance du Bassin du Congo pour le Monde. Il est donc urgent que la Banque Africaine de Développement soit l’initiatrice d’une étude sur l’estimation économique du rôle du Bassin du Congo dans le stockage du CO2 en prévision des négociations climatiques qui auront lieu en décembre 2009 à Copenhague au Danemark. En effet, préserver la forêt oblige à ne pas utiliser les terres pour d’autres secteurs d’activités comme l’agriculture pourtant crucial pour l’autosuffisance alimentaire et le développement économique de l’Afrique. Le continent exigerait ainsi les compensations pour la sauvegarde de ce bien commun à l’humanité. Une étude estime à 970 euros par hectare les services rendus par la forêt française. Evaluation économique de la biodiversité africaine: des questions à creuser ? Si l’évaluation économique du rôle de la forêt dans la lutte contre le changement climatique est relativement aisée, l’exercice est un peu plus difficile si on le considère dans le stockage et l’approvisionnement en eau qui est pourtant l’une des ressources indispensables à l’autosuffisance alimentaire et au développement d’activités économiques. Quelle valeur économique accordée au Bassin du Congo dans son rôle de tampon hydrique ? Le couvert végétal a un impact important sur l’alimentation des nappes phréatiques souterraines et les cours d’eau. Comment traduire ses fonctions en indicateur économique ? Dans le même contexte peut-on estimer la valeur culturelle de la biodiversité et des écosystèmes pour les populations locales ? Dans le Bassin du Congo, comment évaluer les impacts de la transformation et de la modification de la forêt sur le mode de vie et la culture des pygmées ? La forêt africaine de part sa richesse regorge de nombreux principes actifs indispensables à la fabrication de nombreux médicaments. Quelle estimation monétaire pour la pharmacopée africaine qui contribue à la prospérité de l’industrie pharmaceutique et dont les africains n’en bénéficie que très peu ? Les décideurs politiques : acteurs incontournables de la compensation de la biodiversité ? Depuis les années 70, les Etats-Unis ont mis fin à la « gratuité de la nature » avec la création des banques de compensation « Mitigation Banks ». En effet, la loi sur la préservation des zones humides « Clean Water Act » permet aux opérateurs dont les activités ont un impact sur une zone humide de contribuer financière à la préservation d’une autre zone humide. De nombreuses entreprises se sont ainsi positionnées sur ce nouveau marché. Une étude récente démontre cependant que seules 46 % des zones détruites ont été restaurées. La France s’est également positionnée sur ce créneau, avec la création en février 2008 de la CDC Biodiversité qui est une filiale de la Caisse des Dépôts et de Consignation dotée de 15 millions d’euros et entière dédiée aux enjeux de la biodiversité. Elle intervient auprès des entreprises, des collectivités, des maîtres d’ouvrage et des pouvoirs publics, dans leurs actions en faveur de la biodiversité : de la restauration, reconquête, gestion, valorisation à la compensation. L’un des projets phares est la réhabilitation de 357 hectares d’une ancienne exploitation arboricole à Saint-Martin-de-Crau dans les Bouches du Rhône (Sud de la France) qui a perdu près de 80 % de sa superficie originelle et a été classée réserve naturelle nationale en 2001. Selon les calculs de la CDC Biodiversité, un opérateur qui après avoir détruit une formation steppique, voudrait s’acquitter de ses obligations de compensation dans cette zone devrait débourser 35 000 euros pour un hectare. La compensation de la biodiversité mise en œuvre actuellement en France est l’application d’une loi de 1976 sur les installations classée qui indique que tous les projets « doivent faire l’objet d’une étude d’impact présentant, entre autres, les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les dommages d’un projet sur l’environnement ». Dans les deux cas, les pouvoirs publics ont joué un rôle important dans la mise en œuvre opérationnelle du processus. Les financements dégagées par la compensation de la perte de la biodiversité en Afrique pourraient par exemple permettre d’amplifier la lutte contre le braconnage en augmentant les effectifs des éco gardes. Les braconniers pouvant être reconvertis dans la préservation et la gestion de la forêt. Dans une mangrove, afin d’assurer le renouvellement des poissons, les pêcheurs pourraient réduire la quantité de stock prélever en échange d’une compensation permettant de combler le manque à gagner. Les pays occidentaux dont les bateaux de pêche exercent fréquemment dans les eaux territoriales africaines accompagneraient par exemple le développement d’activité de pisciculture en Afrique. Il ne s’agit pas de tomber dans une nième bataille Nord-Sud, ni dans une logique de « restriction » mais de réfléchir à la nécessité de subvenir aux besoins du plus grand nombre, tout en assurant un développement économique « neutre » pour l’environnement. L’évaluation économique de la forêt et de la biodiversité peut à court terme créer de nombreux emplois pour les chercheurs et jeunes diplômés africains dans différents domaines (sociologues, biologistes, ethnologues, écologues, économistes, etc.) car la discipline est nouvelle et nécessite un travail transversal et pluridisciplinaire. A moyen terme, la création d’emplois verts pour les populations rurales et le développement de nouveaux métiers (analyste de la biodiversité, reconversion des pêcheurs, etc.). A long terme, la création des banqueconologies (banque de compensation écologique) et de fonds d’investissement pour la compensation de la biodiversité en Afrique. A défaut d’être mise en œuvre, une étude sur la valeur économique de la biodiversité de l’Afrique mériterait d’être menée. Elle servirait de support et d’argument dans le cadre des négociations internationales sur le climat et la biodiversité où l’Afrique manque d’indicateurs financiers pour demander le cas échéant les compensations nécessaires.

Deux retours d’expériences à suivre ?

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Thierry Téné : Président d’ALTERNOSS et Directeur d’A2D Conseil : Expertise et formation sur le développement durable, la RSE et le green business

 

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