Publié en octobre 2018 dans Nature Climate Change par Camilo Mora, Randi L. Rollins, Katie Taladay, Michael B. Kantar, Mason K. Chock, Mio Shimada et Erik C. Franklin, l’article « Bitcoin emissions alone could push global warming above 2°C», explique comment cette nouvelle technologie pourrait se révéler bien plus dangereuse qu’elle n’y paraît. Cette étude de l’Université de Hawaï explique en effet que, du fait de sa grande consommation d’énergie, la seule utilisation du Bitcoin pourrait engendrer un réchauffement planétaire qui nous emmènerait au-delà de la limite des 2°C.
Le Bitcoin est ce qu’on appelle une cryptomonnaie. C’est un moyen de paiement décentralisé et dématérialisé, où les transactions font l’objet d’une « preuve de travail » – c’est-à-dire l’utilisation par les « mineurs[[Individus vérifiant les transactions et opérations effectuées par les utilisateurs sur le réseau.]] » d’une forte puissance de calcul pour les sécuriser. C’est justement cette étape qui a intéressé les auteurs de l’article, qui ont étudié les émissions de gaz à effet de serre dues à l’utilisation du Bitcoin. Dans leur article, ils concluent que l’énergie demandée est telle que si l’utilisation du Bitcoin venait à se répandre, les émissions générées consécutivement à cette utilisation seule suffiraient à nous amener à un réchauffement planétaire de plus de 2°C. Cette conclusion a valu à l’étude d’être critiquée, notamment de la part d’un entrepreneur de blockchain [[La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations.]]. Enfin, cette étude, avec le débat qu’elle génère, soulève la question de l’utilité réelle du Bitcoin [[Metric tons of carbon dioxide equivalent.]].
– #1 L’argument des chercheurs réside dans le fait que chaque transaction effectuée en utilisant le Bitcoin nécessite de fortes quantités d’électricité, qui elles-mêmes émettent des gaz à effet de serre. L’équipe a ainsi estimé que l’usage du Bitcoin a généré 69 MtCO2e4 en 2017. Le problème vient de l’importance des émissions du Bitcoin comparé à la faible part de l’utilisation de cette technologie au sein des paiements dématérialisés au niveau mondial ( 0,033% en 2017), et du potentiel effet qu’aurait une amplification de son usage dans les années à venir.
– 2# Ainsi, l’étude montre que l’accumulation seule des émissions de Bitcoin franchirait la limite d’émissions pour rester en dessous des 2°C en 22 ans si le rythme de développement est similaire à celui des technologies les plus lentes à avoir été adoptées. S’il est comparable à celui des technologies dont l’adoption a été la plus rapide, cela ne pourrait prendre que 11 ans. Pour Sébastien Gouspillou, entrepreneur de blockchain, l’hypothèse des chercheurs selon laquelle la consommation électrique serait proportionnelle au nombre de transactions serait fausse, car le réseau construit serait déjà presque assez important pour assurer une finance mondiale. Plus généralement, pour lui l’augmentation de la puissance électrique du réseau ne pourrait pas continuer ainsi car elle serait limitée par la disponibilité en électricité.
– #3 Ces différentes opinions permettent de soulever la question de l’utilité réelle du Bitcoin, ce qui est rarement fait. Ainsi, un point de vue serait que cette technologie aurait surtout un intérêt pour tous ceux ne disposant pas de système monétaire fiable. Il semble cependant qu’elle soit aujourd’hui majoritairement utilisée à des fins spéculatives dans les pays développés. Le Bitcoin serait aussi une source de rentabilité pour les projets de production d’électricité renouvelable en assurant sur le site un socle minimal de consommation garantie, et serait ainsi un moteur de la transition énergétique. Cependant si les conclusions de l’étude sont avérées, l’utilité sociale et environnementale ne sera probablement pas d’une grande aide face à la catastrophe annoncée.