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Iter, une victoire à la Pyrrhus pour la France?

Alors que l’expertise française dans le nucléaire est une fierté nationale fruit d’une politique industrielle volontariste des années 70, le programme ITER, annoncé à grand renfort de rodomontades par nos élus, est une défaite pour notre industrie de haute technologie. C’est en effet à Cadarache que le réacteur ITER a été installé mais pour l’instant seules nos entreprises de BTP en bénéficient ! Nos PME et ETI de pointe se font damer le pion par des entreprises étrangères soutenues par leurs gouvernements respectifs. Au final ITER coûte indéniablement au pays bien plus qu’il ne lui rapporte.

Un peu d’histoire… Compte tenu de l’expertise de la France concernant les technologies nucléaires, il n’est guère étonnant qu’elle se soit portée candidate pour accueillir le projet ITER. ITER – qui signifie International Thermonuclear Experimental Reactor en anglais – est un projet proposé en 1985 par la Russie et rejoint ensuite par le Japon, les États-Unis, l’Europe, le Canada et, depuis 2003, la Chine et la Corée du Sud. Ensemble, ces différents acteurs internationaux ont manifesté la volonté de créer et de construire un réacteur à fusion nucléaire expérimental dans le but de faire progresser significativement la recherche en la matière. En 2005 et après de longues tractations qui ont notamment vu le Japon et la France rivaliser, le site de Cadarache dans la région PACA a ainsi été retenu pour devenir le lieu d’implantation du réacteur expérimental de ce projet scientifique international. Encore aujourd’hui, le choix du site d’implantation revêt une importance politique, mais aussi et surtout, économique. Initialement, il a en effet été avancé que le projet ITER générerait quelque 10 milliards d’euros d’investissement répartis sur la totalité de sa durée de vie ; soit quarante années. Les promesses en termes d’emplois, d’activité pour les entreprises locales et de recettes fiscales portées par ITER constituaient une manne alléchante pour toutes les économies nationales impliquées dans le projet. Suite à ses efforts, la France – partie prenante du projet par l’intermédiaire de l’Union européenne – a donc obtenu le privilège d’accueillir ITER sur son territoire. Mais depuis 2005, cette victoire semble avoir été moins économique que diplomatique. Au regard des sommes colossales engagées dans le projet, les retombées d’ITER pour la France et notamment la région PACA paraissent aujourd’hui bien dérisoires. Une victoire plus diplomatique qu’économique : quand ITER dérape Le grand problème d’ITER, du point de vue de la France, est son intérêt macroéconomique limité adossé à son coût, toujours croissant. Les chiffres annoncés par l’Institut d’économie publique faisaient, par exemple, état de la création de 500 emplois directs pendant les 10 années de construction du réacteur, 1400 emplois indirects créés en région PACA, et 1600 enfin dans le reste de la France. Les 20 années d’exploitation du réacteur qui succéderont à la phase de construction sont censées être par la suite à l’origine de 1000 emplois scientifiques directs, 2400 emplois indirects en PACA et 850 emplois dans le reste du pays. Ces chiffres sont flatteurs, mais ils occultent la réalité du déroulement du chantier ITER. En vérité, ce projet a d’ores et déjà accusé un important retard et s’est avéré extrêmement gourmand en deniers publics. La phase de construction qui devait se terminer en 2015 ne sera ainsi pas complétée avant 2019 et les premières expérimentations ne pourront donc a priori avoir lieu avant 2020. La phase d’exploitation du réacteur, censé apporter l’essentiel de l’emploi, s’éloigne donc toujours plus. Pendant ce temps, la France et la région PACA n’ont d’autre choix que de supporter le coût croissant d’ITER et d’accepter d’en retirer un moindre bénéfice économique et social. Les conséquences financières de ce retard sont énormes. Pour l’Union Européenne qui finance ITER à hauteur de 45 %, la facture a en effet plus que triplé depuis le début des chantiers en 2005 : d’un coût estimé à 5 milliards d’euros, l’UE s’apprête aujourd’hui à devoir verser 16 milliards d’euros pour financer la totalité du projet. La France compte pour 20 % du financement européen, et elle est bien sûr éprouvée par ces besoins supplémentaires de financement. Face à ce gouffre financier, la région PACA, qui a déjà versé à elle seule quelque 460 millions d’euros dans le projet ITER, a tôt fait de poser des limites. En 2010, Michel Vauzelle, président du conseil régional, déclarait ainsi au sujet d’ITER: « nous ne donnerons pas plus d’argent pour la machine ». Les entreprises françaises oubliées par ITER En dépit de ces coûts importants, les entreprises françaises pourraient toutefois bénéficier plus amplement du projet ITER, notamment par le biais des appels d’offres lancés dans le cadre du chantier. Depuis 2005, les entreprises françaises interviennent avant tout pour répondre aux besoins en BTP du projet. Elles sont en revanche sous-représentées dans les parties techniques et hautement technologiques du chantier. La région PACA ne manque pourtant pas de savoir-faire utile à la construction d’un réacteur nucléaire : elle héberge par exemple le pôle de compétitivité Capenergie qui rassemble des entreprises du secteur des énergies non génératrices de gaz à effet de serre, dont certaines ont une expertise liée à la fusion nucléaire. Mais au regard des financements nationaux engagés, ces entreprises remportent bien peu de ces contrats les plus valorisants et rémunérateurs. On ne peut que regretter l’absence d’initiative de la part des pouvoirs publics qui pourraient donner le coup de pouce qui manque à ces petites entreprises et industries pour décrocher ces appels d’offres. Le projet ITER aurait pu constituer une chance inouïe pour l’industrie nucléaire française. Pourtant, la France n’en tire aujourd’hui que de bien piètres avantages. En termes d’emplois, les perspectives sont décevantes. L’activité économique générée par le projet ne profite pas assez à l’industrie de pointe et les sommes engagées par la France dans ce projet atteignent pourtant des sommets. À l’heure actuelle, ITER ressemble surtout à un investissement onéreux qui profite à la communauté internationale avant de profiter à la France et à son dynamisme. Et d’ailleurs, les termes de l’accord qui lie les parties prenantes d’ITER interrogent à bien des égards. Comment justifier les milliards d’euros versés par l’UE dans ce projet quand le Japon, qui ne contribue qu’a hauteur de 10 %, est d’ores et déjà assuré d’obtenir le poste de secrétaire général du projet ainsi qu’une représentation 20 % de ses ressortissants parmi les effectifs du futur centre d’expérimentation. Comment accepter qu’il revienne au pays hôte de remplacer jusqu’à 20 % des financements d’une partie prenante qui viendrait à se retirer du projet ? ITER est une occasion extraordinaire de valoriser le savoir-faire français dans la filière nucléaire. Il y a près de dix ans, le gouvernement a lutté pour que la France bénéficie de cette opportunité qui menace aujourd’hui de transformer le pays en vache à lait. Quand bien même il serait difficile de revenir sur la répartition du financement de ce projet, il apparaît aujourd’hui souhaitable que les pouvoirs publics qui ont placé le redressement productif comme une priorité prennent des mesures pour permettre au pays d’en profiter réellement. Dans cette logique, favoriser la participation des entreprises françaises aux chantiers ITER, y compris dans ses composantes les plus techniques et technologique, apparaît désormais comme une indispensable initiative de protection des intérêts nationaux.

 

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