Les risques de submersion marine ont augmenté de près de 50 % à l’échelle mondiale entre 1993 et 2015. C’est ce que révèle une étude internationale coordonnée par l’IRD et impliquant des chercheurs du CNES et de Mercator Océan, publiée dans la revue Nature Communications le 18 juin 2021.
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En combinant données satellitaires et modèles numériques, les chercheurs montrent que ces risques de submersion sont amenés à s’accélérer, notamment dans la zone intertropicale. Ce phénomène s’explique par une combinaison de facteurs : l’élévation globale du niveau de la mer, mais aussi le déferlement des vagues sur les côtes, majeur mais peu pris en compte jusqu’à présent dans les prévisions climatiques.
Les régions côtières situées à faible altitude abritent près de 10 % de la population mondiale. Outre l’érosion et l’élévation du niveau de la mer persistants, ces zones aux écosystèmes uniques font face à des aléas dévastateurs, tels que les épisodes de submersion et d’inondation comme les tempêtes Katrina et Xynthia – qui ont frappé les Etats-Unis en 2005 et l’Europe en 2010 – ou encore le Typhon Haiyan l’Asie en 2013 (plus gros cyclone tropical jamais mesuré). Ces phénomènes épisodiques sont exacerbés par le réchauffement climatique et les pressions d’origine humaines, telles que les aménagements côtiers, le développement des infrastructures, l’urbanisation galopante et sa densification. Si leur ampleur et fréquence restent incertaines, les scientifiques estiment que les pays de la zone intertropicale seront particulièrement vulnérables.
Ces épisodes de submersion marine surviennent lorsque le niveau extrême des eaux côtières dépasse l’élévation maximale de la côte (dune, falaise, digue). Leurs conséquences sont importantes : rupture des protections (brèches) et inondations de zones jusque-là épargnées. Les scientifiques ont observé que ce niveau extrême résulte d’une combinaison de plusieurs processus: le niveau régional de la mer, la circulation océanique, le transfert de masse des continents vers l’océan (calottes glaciaires, eaux terrestres, glaciers), la surcote durant les tempêtes due à la pression atmosphérique et aux vents, la marée, et enfin les effets du déferlement des vagues.
Malgré le rôle important que jouent les vagues océaniques dans la détermination du niveau de la mer à la côte, leur contribution était jusqu’à présent largement négligée dans les modèles de prévision des risques de submersion, faute d’une précision suffisante de la topographie des côtes.
Quantifier les événements passés pour estimer les risques futurs
Dans cette étude, des chercheurs français – de l’IRD, du CNES, de Mercator Océan – hollandais, brésiliens, portugais, italiens et nigérians ont combiné l’utilisation d’un modèle numérique mondial inédit d’élévation de surface avec une nouvelle estimation du niveau extrême des eaux côtières, réalisée grâce à des données d’altimétrie satellitaire et en tenant compte des ondes de marées, d’analyses du déferlement des vagues et des mesures existantes de protection naturelles et artificielles des côtes. Ils ont tout d’abord quantifié, pour la première fois, l’augmentation mondiale des événements de submersion marine entre 1993 et 2015. Pour cela, ils ont précisé, grâce aux données satellitaires, deux paramètres clés de la topographie des côtes : la pente et l’élévation maximale subaérienne des côtes. Le niveau extrême des eaux côtières a été calculé à une résolution horaire, de façon à identifier le nombre potentiel annuel d’heures de franchissement des protections littorales dans chaque zone. Résultat : en 23 ans, le nombre d’heures par an de submersion marine agrégé au niveau mondial a augmenté de près de 50 %. « La combinaison des marées et des épisodes de grandes vagues est le principal contributeur au franchissement épisodique des côtes », indique Rafaël Almar, chercheur en dynamique littorale à l’IRD, qui a coordonné l’étude. « Nous avons identifié des points chauds où l’augmentation des risques de submersion marine est plus élevée, comme le golfe du Mexique, le sud de la Méditerranée, l’Afrique de l’Ouest, Madagascar et la mer Baltique ».Accélération au cours du XXIe siècle
Les scientifiques ont réussi de plus à proposer une première évaluation mondiale du potentiel de submersion marine au cours du XXIe siècle, en prenant en compte différents scénarios de hausse du niveau de la mer. Ainsi, le nombre d’heures de submersion potentiel pourrait augmenter fortement d’ici à la fin du siècle, avec un rythme plus rapide que l’élévation moyenne du niveau de la mer. « L’accélération de la submersion marine est exponentielle et sera clairement perceptible dès 2050, quel que soit le scénario climatique. A la fin du siècle, l’intensité de l’accélération dépendra des trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre suivies, et donc de la hausse du niveau de la mer. Pour le scénario de fortes émissions, le nombre d’heures de submersions marines pourrait être multiplié par 50 fois par rapport à ce que nous connaissons actuellement », alerte Rafaël Almar. « De plus en plus de régions seront exposées au risque de submersion côtière, en particulier dans la zone intertropicale, au Nord-Ouest des Etats-Unis, en Scandinavie et à l’extrême est de la Russie ». Des études complémentaires devront être conduites à des échelles locales et régionales, pour détailler ces projections mondiales qui constituent une base solide pour proposer des mesures efficaces d’adaptation dans les points chauds identifiés. – Référence : Rafael Almar, Roshanka Ranasinghe, Erwin W.J. Bergsma, Harold Diaz, Angelique Melet, Fabrice Papa, Michalis Vousdoukas, Panagiotis Athanasiou, Olusegun Dada, Luis Pedro Almeida, Elodie Kestenare. A global analysis of extreme coastal water levels with implications for potential coastal overtopping, Nature Communications, 18 juin 2021. DOI :10.1038/s41467-021-24008-9 cp-nature-coms-franchissement-co_tes-final.pdf