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Les médias, la responsabilité d’entreprise et les limites de la simplification

La presse économique vient de nous offrir coup sur coup 2 articles sur les politiques de développement durable des entreprises du CAC 40 ; ces articles, dans leur principe et par les messages véhiculés appellent quelques commentaires.

Une lecture de la presse par François RABASSE, Directeur associé du cabinet de conseil à direction SENSE (Cabinet spécialiste de la mise en œuvre de démarches de RSE) – Il est partenaire-expert du quotidien CFO-news. La presse économique vient de nous offrir coup sur coup 2 articles sur les politiques de développement durable des entreprises du CAC 40 ; ces articles, dans leur principe et par les messages véhiculés appellent quelques commentaires. Dans son article « Le grand bluff du développement durable », « L’Expansion » du mois d’octobre nous propose un « podium des beaux parleurs peu vertueux » et explique finalement au prix de quelques raccourcis que, plus on est vertueux, moins on en parle : « les sociétés qui sont les plus mal notées, sont celles qui sont les plus dissertes ». Bon, c’est un point de vue ; après tout pourquoi pas. De son côté, dans « Les entreprises s’engagent dans la révolution éthique », « Challenges » du 27/11 propose son palmarès exclusif (classement) des mêmes entreprises, notées sur la qualité de leurs efforts en matières environnementale, sociale/sociétale et de gouvernance. S’appuyant sur une analyse de données externe, Challenge reconnait cependant que « le classement correspond plus à un niveau de transparence qu’à une analyse approfondie des politiques et des pratiques sur le terrain ». Chacun d’entre nous connait les petites frustrations, le gout d’inabouti que peut laisser la lecture d’un article de presse, fut-il très bien documenté, traitant d’un sujet que l’on pense bien connaitre. D’autre part, il faut reconnaitre que la problématique de la responsabilité d’entreprise (RSE) n’est pas nécessairement très simple à cerner, que la dimension pédagogique est indispensable. Pour cela, juger de la qualité, de la sincérité, de la pertinence des politiques de responsabilité d’entreprise s’avère une tâche probablement complexe. Elle supposerait de prendre en compte de multiples paramètres, la réalité des entreprises en question, les spécificités des filières, de savoir mesurer les efforts qui sont faits, de pouvoir jauger les réelles intentions qui motivent les politiques de long terme, etc. On sait par exemple que les agences de notation extra financières, pourtant largement outillées et rôdées à l’exercice, se font déjà reprocher de fournir des analyses trop orientées « vision externe ». On sait aussi les débats suscités par les propositions de « labels » ou de « pré certification » et la complexité des problèmes posés pour une photographie objective. Dès lors se lancer dans l’exercice journalistique dans le but d’aboutir à un palmarès adossé à une note globale n’a aucun sens autre que polémique, et au contraire affaiblit certains vrais messages (sur la sincérité des démarches, sur les stratégies, sur le reporting). Comme on peut l’imaginer, le rapprochement des 2 palmarès laisse rêveur ; ainsi par exemple : – les 3 entreprises « vertueuses » du classement de l’Expansion se retrouvent dans l’anonymat du peloton de Challenges aux 14ème place ex aequo et 25 ème place. – le 3 ème du podium Challenges est un « indifférent » pour l’Expansion (i.e. ne sur communique pas, mais ne fait pas grand chose), – on retrouve un des « bluffeurs » de l’Expansion (i.e. proclame beaucoup, ne fait pas grand chose) à la 4ème place du podium Challenges avec cette appréciation « la démarche développement durable est inscrite au cœur même de la stratégie de l’entreprise et depuis longtemps ». J’ajoute que le mal ne vient ni un problème de méthode (encore qu’on peut être réservé sur celle du classement de l’Expansion), ni d’un problème d’expertise (Challenges a pris des avis autorisés), mais concerne bien la question de l’ambition affichée (« les promesses du CAC 40 à l’épreuve des faits ») et la logique du palmarès. Peut-on résumer une démarche de progrès transversale intimement lié au modèle économique à la culture et aux pratiques par une note ou un nombre d’étoiles ? « La simplification a l’attrait des fruits vénéneux » dit-on. Comment rendre compréhensible et diffuser l’information complexe sans tomber dans la simplification à outrance ? Les raccourcis et le trait forcé sont des armes logique pour des associations qui sont dans leur rôle de « poil à gratter » (Voir la cérémonie des  » Prix Pinocchio du développement durable » organisée par les Amis de la terre) ; c’est dommage venant d’une presse économique susceptible d’être relayée, voire d’avoir une influence sur les consommateurs ou les chefs d’entreprise indécis. La communication est un vrai enjeu s’agissant de la responsabilité d’entreprise qui est investissement stratégique, sincère et exigeant, positionné entre gestion du risque et opportunité de développement.

 

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