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Enjeux climatiques : la France prépare la 3ème étape du Système européen d’Echange de Quotas d’Emission de CO2

Pour mettre en œuvre le Protocole de Kyoto adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005, l’Union européenne a créé un système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES). L’objectif était de réduire ses émissions de 5% d’ici 2012 par rapport aux niveaux d’émissions enregistrés en 1990.

La directive n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 a posé les bases de ce mécanisme, renforcé par la directive n° 2009/29/CE du 23 avril 2009.

L’ordonnance n° 2012-827 du 28 juin 2012 (‘l’Ordonnance’) vise à transposer en droit français les dispositions de cette directive de 2009. Elle marque l’entrée de la France dans la troisième phase du SEQE.

Après un bref historique des deux premiers PNAQ (Plan National d’Allocation de Quotas) français, nous revenons sur les principales modifications résultant de l’Ordonnance.

Du PNAQ I au II, une montée en puissance difficile, mais relativement réussie

Jusqu’à présent, chaque Etat membre de l’Union européenne devait élaborer son PNAQ en considération de ses engagements au titre du Protocole de Kyoto. Le premier PNAQ (période 2005-2007) a été critiqué en raison d’une trop large dotation de la part des Etats membres, tirant le prix de la tonne de carbone à la baisse. Compte tenu de l’impossibilité d’utiliser les quotas de la phase I en phase II, le surplus de quotas disponible a pesé sur leur prix, qui a fini par s’effondrer (cf. tableau ci-dessous).

Après cette phase test, le PNAQ II (2008-2012) correspond à la période d’engagement du protocole de Kyoto. La France a réduit de 5,9% les quotas alloués par rapport à la première période. La récession a toutefois provoqué une baisse brutale du prix du carbone fin 2008, mais la possibilité de mettre en réserve les quotas entre les phases II et III a permis au marché de trouver un relatif équilibre. Les principaux secteurs industriels concernés et les grands acteurs financiers internationaux considèrent désormais que les rejets de GES ont un coût en Europe, et que le carbone a vocation à rester onéreux, avec des variations importantes. Il s’agit là d’une avancée significative. Mais sera-t-elle suffisante pour écarter le risque climatique en favorisant une économie sobre en carbone ? Rien n’est moins sûr.

A l’échelle de l’Union européenne, le renforcement de la contrainte pour la période 2013-2020 se traduit par un facteur annuel de diminution du plafond de -1,74% à partir de 2013, conduisant en principe à un recul des émissions de 21% en 2020 relativement à 2005.

Pour mémoire, près de 11.000 installations sont actuellement couvertes par le SEQE au sein de l’Union européenne, dont près de 1.000 en France. Avec l’inclusion des exploitants d’aéronefs depuis le 1er janvier 2012, environ 50% des activités responsables des émissions de GES sont couvertes. Une hypothétique taxe carbone à l’échelle européenne pourrait encadrer les 50% restants. Pour l’heure, restent hors SEQE le transport routier et le transport maritime.

Le PNAQ III (2013-2020) ou la maturité du SEQE

Pour la période 2013-2020, les règles sont revues en profondeur par la directive n°2009/29/CE, transposée par l’ordonnance du 28 juin 2012 (l’Ordonnance). Ainsi :

Des quotas payants, sauf exception

A la différence des deux phases précédentes où ils étaient essentiellement gratuits, les quotas deviennent progressivement payants. A compter du 1er janvier 2013, 20% des quotas seront mis aux enchères. Ce pourcentage augmentera ensuite chaque année pour atteindre 70% de quotas payants en 2020. L’objectif est d’atteindre une suppression totale des quotas gratuits d’ici 2027.

Le calendrier et les modalités pratiques de la mise aux enchères ont été définis par un règlement de la Commission européenne du 12 novembre 20101, modifié en novembre 2011.

Deux exceptions à ce principe. D’une part, continuent à recevoir 100% de quotas gratuits les secteurs considérés comme exposés aux « fuites de carbone », c’est-à-dire à un risque important de délocalisation des activités émettrices de CO2. Tous les cinq ans, la Commission établit la liste des secteurs concernés sur la base de critères précis2.

D’autre part, dès le 1er janvier 2013, les producteurs d’électricité (représentant la moitié des quotas distribués dans l’Union européenne), les installations de captage, de transport et les sites de stockage des émissions de dioxyde de carbone ne recevront plus aucun quota gratuit.

Un champ d’application légèrement modifié

L’Ordonnance élargit modérément le champ d’application du SEQE. A de nouvelles installations d’abord : outre certaines installations classées3, sont désormais concernées les installations d’une puissance supérieure à 20MW nécessaires à l’exploitation d’une installation nucléaire de base (c’est-à-dire les groupes diesel). En revanche, parmi les installations de petite dimension dont la soumission au SEQE est facultative, l’Ordonnance exclut les hôpitaux, à condition qu’ils se soumettent à des contraintes équivalentes… sans pour autant bénéficier des quotas échangeables.

Parallèlement, le SEQE est étendu à d’autres gaz à effet de serre : les hydrocarbures perfluorés (PFC, qui intéressent la production d’aluminium) et le protoxyde d’azote (N2O), étant précisé que chaque Etat peut inclure, après approbation de la Commission, d’autres gaz à effet de serre4.

La Commission européenne reprend les choses en main

Les quotas gratuits sont désormais affectés au niveau communautaire, et non des Etats membres, avec un plafond de quotas européen. Cette harmonisation s’accompagne de la suppression du registre national (Seringas en France) au profit d’un registre européen. La Caisse des Dépôts et Consignations continue toutefois d’administrer ce registre pour les exploitants français : ceux-ci doivent figurer sur une liste établie et gérée par le Ministère français de l’environnement.

Le bouleversement des modalités d’allocation

Quantitativement parlant, l’allocation gratuite ne se fait plus sur la base des émissions historiques, mais via différents référentiels (benchmark produits, chaleur, combustible utilisé et procédé industriel) et par sous-installations regroupées au sein d’une même installation5.

Sur cette base, la demande d’affectation des quotas gratuits devait être présentée par les exploitants avant le 1er juillet 2011.

A terme, ces nouvelles modalités devraient favoriser les installations les plus efficaces.

Un marché du carbone plus ouvert mais mieux surveillé

Le statut juridique du quota posait question. L’Ordonnance qualifie le quota de bien meuble à condition qu’il soit inscrit dans le registre européen.

Admis sur les marchés réglementés d’instruments financiers6, les quotas de CO2 sont de plus en plus considérés comme des actifs financiers à l’instar des actions ou des obligations. Le marché européen d’échange de quotas de CO2 pèse aujourd’hui environ 80 milliards d’euros avec 6 milliards de quotas.

Il est à noter que la condition de nationalité d’un Etat membre ou d’établissement dans celui-ci n’est plus requise pour l’ouverture d’un compte lié à une personne physique ou morale7. S’il devient plus ouvert, le marché est cependant mieux surveillé. Ainsi, l’admission des établissements financiers à intervenir dans le cadre de ces futures enchères sera soumise à autorisation préalable : les établissements de crédit et les entreprises d’investissement doivent être autorisés par l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP)8 ; par ailleurs, les personnes négociant des instruments financiers pour compte propre ou fournissant certains services d’investissement doivent obtenir l’autorisation préalable de l’Autorité des marchés financiers (AMF)9.

L’AMF vient d’ailleurs d’ouvrir une consultation publique sur son projet de modification de son Règlement Général, afin de préciser les conditions de délivrance et de retrait de cette autorisation10.

A suivre également, la proposition qu’a faite cet été la Commission européenne pour soutenir le prix du quota carbone : diminuer momentanément le volume de quotas en circulation. Il s’agirait de « mettre de côté » jusqu’à 1,2 milliards de quotas à partir de 2013, pour les réintroduire sur le marché à partir de 2016. Cette proposition, qui suscite évidemment un vif débat, devrait être tranchée d’ici au mois d’octobre.

A travers ces phases et évolutions successives, il apparaît que le SEQE est une expérimentation grandeur nature qui met en œuvre une machinerie complexe, animée par des rouages politiques, juridiques, économiques, financiers et environnementaux. Les chances de succès de la phase III sont encore bien évidemment inconnues mais le contexte, marqué par l’urgence écologique et la montée en puissance de l’économie verte et des énergies renouvelables, incite à un certain optimisme. Afin que le SEQE puisse montrer toute son efficacité, encore faut-il que les autres grands ensembles économiques, à commencer par les Etats-Unis et les BRICS, reconnaissent l’intérêt de ce mécanisme de marché pour orienter l’économie dans un sens favorable au développement durable de la société.

Pierre Descheemaeker – Associé

Dominique de Combles de Nayves – Associé

– www.august-debouzy.com

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