L’association BLOOM publie aujourd’hui son classement des six principaux groupes de distribution alimentaire français, évalués selon leurs politiques d’achat de poissons, et visant à connaître les politiques favorisant les produits issus de pêches durables et respectueuses des écosystèmes marins. La conclusion de cette enquête est qu’aucune enseigne ne satisfait entièrement les critères d’évaluation de BLOOM. Néanmoins, des têtes de gondole apparaissent nettement (Casino, Carrefour) tandis que d’autres groupes, plus préoccupés par leur communication externe que par la mise en place de démarches éco-responsables en interne (Intermarché notamment), arrivent en queue de classement. Casino arrive ainsi en tête du classement (68%), suivi de près par Carrefour (61%) puis Système U (52%), tandis qu’Auchan (26%) et E. Leclerc (19%) affichent un score faible et qu’Intermarché obtient un score quasi nul (6%) en ne satisfaisant qu’un critère sur les 23 retenus.
« Il existe des degrés d’engagement très variables des marques en matière d’achats de poissons durables » commente Victoire Guillonneau, principale auteure de l’étude. « Cela place les enseignes à des extrêmes opposés du spectre des bonnes pratiques environnementales. Il nous a semblé important de quantifier ces hiatus et d’alerter les consommateurs soucieux de ne pas encourager, par le biais de leurs achats, l’épuisement inexorable des ressources marines et la destruction des milieux océaniques les plus vulnérables ». Alors que la critique est souvent faite aux guides d’achat de poissons édités par les ONG d’être compliqués à utiliser, le barème établi par BLOOM donne aux Français un moyen simple de célébrer la journée mondiale de l’environnement, aujourd’hui et pendant le reste de l’année, en permettant désormais de savoir quel supermarché privilégier pour faire ses courses. « La relation de vendeur à acheteur induit un rapport de confiance, particulièrement en ces périodes troubles en matière de production industrielle des aliments. La responsabilité incombe aux enseignes d’assurer à leurs clients qu’elles ont fait le travail à leur place et qu’ils peuvent acheter leur nourriture l’esprit plus ou moins tranquille. Avec notre classement, c’est très simple : quand vous avez le choix entre plusieurs enseignes, il faut sans hésiter privilégier Casino ou Carrefour à Intermarché ou Leclerc » s’exclame la fondatrice de BLOOM Claire Nouvian, qui insiste sur la totale indépendance financière de l’association vis-à-vis de tous les acteurs de la grande distribution. « Alors que les trois quarts du poisson frais en France est acheté en grandes et moyennes surfaces, il est un peu effrayant de voir que la moitié des enseignes que nous avons évaluées ont des politiques d’approvisionnement faibles ou carrément inexistantes » renchérit Victoire Guillonneau qui rappelle qu’environ 87% des stocks de poissons dans le monde sont aujourd’hui surexploités ou pleinement exploités (FAO 2012[[FAO, La situation mondiale de la pêche et de l’aquaculture, 2012.]]). Un certain nombre de ces stocks sont pêchés à l’aide de méthodes destructrices, la plus brutale d’entre elles étant le chalutage de fond déployé dans les eaux très profondes de l’océan (jusqu’à près de 2000 mètres de profondeur), qui dévaste des écosystèmes constitués de coraux millénaires et de créatures souvent centenaires, sortes d’éléphants des océans. Pour cette raison, BLOOM a porté une attention particulière à l’approvisionnement en espèces profondes des groupes. Là encore, Casino et Carrefour arrivent en tête grâce aux mesures qu’ils ont prises vis-à-vis de certaines espèces profondes particulièrement vulnérables comme la lingue bleue. Toutefois, la fondatrice de BLOOM se dit « déçue » par des mesures qu’elle juge « largement insuffisantes et inadaptées à l’urgence de la situation des océans profonds », impactés de façon sans doute irréversibles par les navires de pêche industrielle. Intermarché, qui possède la plus grande flotte de chalutiers profonds industriels de France, est l’acteur de la grande distribution le moins éco-responsable et se situe de façon non surprenante en queue du classement. Pourtant, la note attribuée à Intermarché ne prend pas en compte le fait que le groupement des Mousquetaires possède des navires engagés dans la méthode de pêche décrite par les chercheurs comme la plus destructrice de l’histoire. L’étude de BLOOM révèle aussi que les marques les plus engagées dans la mise en œuvre de politiques respectueuses de l’environnement, Casino, Carrefour et Système U, communiquent très peu sur leur démarche, à l’inverse d’Intermarché, qui matraque les Français avec une opération publicitaire nationale destinée à « noyer le poisson » sur ses pratiques de pêche destructives et… à prendre des parts de marché à la concurrence. D’ici peu, une grande partie de la flotte d’Intermarché pourrait être interdite d’exercer car, en raison de son impact écologique disproportionné et de son modèle économique chroniquement déficitaire malgré d’importantes subventions publiques, la Commission européenne a proposé d’interdire le chalutage profond en Europe. La question est actuellement en cours de négociation à Bruxelles.Classement BLOOM des enseignes françaises
– Télécharger le Classement BLOOM 2013 des supermarchés françaisConférence de Claire NOUVIAN
Pourquoi il faut se mobiliser contre la pêche en eau profonde ? Conférence TEDx de Claire Nouvian, filmée le 28 mars 2013 à la Gaîté Lyrique :Pêche en eau profonde
Selon les océanographes, les océans profonds sont définis comme la zone s’étendant au-delà de 200 mètres de profondeur. Ils représentent à eux seuls 98% de l’espace dans lequel la vie peut se développer sur terre. Le milieu profond est très mal connu de la science et quasiment inexploré. Les océans profonds avaient été jusqu’ici épargnés des perturbations humaines mais ils sont dorénavant exploités à échelle industrielle, et ce depuis plus de 30 ans, alors qu’ils ne peuvent pas et ne devraient pas l’être, pour une raison simple : leurs caractéristiques biologiques ne le permettent pas. La faune profonde est caractérisée par une longévité extrême (bien souvent supérieure à 100 ans), une croissance lente, une maturité sexuelle et une reproduction tardives, une fécondité faible et une résilience globalement réduite : autrement dit, les poissons profonds sont les éléphants des océans. Comme pour les troupeaux d’éléphants, la biomasse des poissons profonds peut être importante à certains endroits, mais les premières captures suffisent parfois à décimer un stock pour plusieurs décennies ou siècles… Il existe un contraste violent entre l’immense efficacité technologique de l’outil industriel et l’excessive vulnérabilité de la faune et de l’environnement. La pêche en eaux profondes met en jeu le monde de la rapidité contre celui de la lenteur, le profit à court terme réservé à quelques-uns contre le bénéfice à long terme pour tous.A propos de BLOOM
BLOOM est une association à but non lucratif fondée en 2005 qui œuvre pour la conservation marine et la défense de la pêche durable à travers une démarche de sensibilisation et de médiation scientifique des problématiques environnementales, la production d’études indépendantes, ainsi que par la participation à des consultations publiques et des processus institutionnels. Ses actions s’adressent au grand public ainsi qu’aux décideurs politiques et acteurs économiques. – www.bloomassociation.org BLOOM est membre de la coalition « Deep Sea Conservation Coalition » qui regroupe plus de 70 ONG œuvrant pour la protection des océans profonds : – www.savethehighseas.orgContacts
– Patricia Roy – Claire Nouvian