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Plantes médicinales et principes actifs : le regard porte selon les médecines

Par le Docteur Yvette Parès

Les médecines oeuvrant à travers le monde, à l’exception de la médecine occidentale du 20e siècle, reposent sur une vision de l’univers propre à leur culture et sur une approche globale du patient dans ses trois dimensions, corps, âme, esprit.

Ainsi, la médecine chinoise considère l’être humain comme le point de convergence des énergies du ciel et de la terre. De là, naissent des circuits intérieurs que des énergies perverses peuvent dérégler. En médecine africaine, tout être vivant a une âme et les mondes visibles et invisibles sont étroitement liés. Pour les médecines amérindiennes, la Terre-Mère est sacrée et les chamanes recourent à des états de conscience modifiés qui leur apportent des connaissances applicables aux patients. Ils parlent de « l’esprit de la plante », notion étrange pour l’Occident, la clé pour le comprendre ayant, sans doute, été perdue. Le rationalisme poussé à l’excès est dessèchement et masque les réalités que d’autres esprits sont à même de percevoir. L’ensemble de ces médecines respectent profondément les plantes médicinales, herbacées, arbustes et arbres qui occupent une large part dans la thérapeutique. Mais il convient d’ajouter qu’interviennent aussi des éléments minéraux et animaux, des cérémonies et des rituels, de la musique et des chants de guérison. Un exemple concret, celui de la médecine africaine au Sénégal, permettra aux lecteurs qui ne la connaissent pas de découvrir l’attitude des thérapeutes envers les plantes médicinales, auxiliaires de la santé. Avant de procéder à la cueillette, le temps est pris d’une salutation intérieure et de courtes prières silencieuses. Lors de prélèvements difficiles, au niveau de grosses racines, des chants d’une grande beauté accompagnent les gestes requis. Dans certains cas, des offrandes sont déposées en signe de reconnaissance. Les éléments récoltés, feuilles, branchettes, fleurs, fruits, écorces, racines sont ensuite mis à sécher avec le plus grand soin, à l’ombre ou au soleil. Puis vient la préparation des médicaments dans un lieu calme où ne pénètrent que le thérapeute et ses aides, et qui avait reçu lors de sa mise en fonction initiale un rituel de bénédiction. Les médications consistent en mélanges de poudres, décoctions simples ou plus ou moins complexes et macérations prescrits par voie interne. Il s’y ajoute par voie externe, collyres, pommades, mélanges pour bains, inhalations et fumigations sur des charbons ardents. Il est important de noter qu’avec un matériel très simple: pilons, mortiers, marmites, trépieds ou fourneaux pour le feu, peuvent être préparés les remèdes pour les maladies des plus bénignes aux plus graves. Une exigence est imposée au thérapeute. Il doit avoir l’âme en paix, S’il est contrarié, il doit surseoir aux opérations pharmaceutiques jusqu’au retour du calme intérieur. Des prières entourent ces activités que l’on souhaite bénéfiques pour les patients. Ce comportement peut surprendre en Occident. Mais que savons-nous de l’influence des ondes émises par nos pensées, nos sentiments sur les êtres et le monde qui nous entoure? Tant d’inconnues restent à découvrir. Un autre cas peut, dans l’art pharmaceutique, mériter de retenir l’attention. Les plantes médicinales sont utilisées au maximum de leurs capacités. Lorsque les plantes sont pilées, on sépare , grâce aux tamis, les poudres fines et moyennes et l’on récupère les éléments grossiers qui demeurent en fin de tamisage. Ces trois parties auront chacune leur usage thérapeutique. Lors de décoctions, de plus ou moins longue durée, le décocté est recueilli. Les plantes restantes, les « mares », ne sont pas rejetées mais récupérées et mises à sécher. Ultérieurement, sous forme de poudres, elles interviendront dans des usages particuliers. Lorsqu’il s’agit de fruits secs, leurs graines connaîtront diverses utilisations, d’abord sous forme de poudres. Mises à germer, elles donneront des plantules qui, ayant atteint une certaine hauteur, seront introduites en divers traitements. Une autre partie sera disséminée dans la nature afin d’entretenir les ressources médicinales. Les plantes qui auraient été un peu trop longtemps stockées, sont brûlées et les cendres tamisées répondent à des indications particulières. Ce bref exposé montre le respect qui entoure les plantes médicinales et l’atmosphère sacrée qui les accompagne. De plus, toutes leurs vertus sont utilisées, excluant le moindre gaspillage. Il permet aussi d’entrevoir la richesse de l’art pharmaceutique africain au Sénégal et l’étendue des connaissances des praticiens traditionnels…trop souvent assimilés, en Europe, à des « sorciers ». Qu’en est-il pour l’Occident ? Quel est son comportement ? Deux attitudes se détachent nettement : – d’une part, le respect dont sont entourées les plantes médicinales de culture « bio » et destinées aux médecines dites alternatives. – D’autre part, le comportement de la médecine « scientifique » du 20e siècle et de ses supports des laboratoires pharmaceutiques qualifiés d’industrie. Matérialiste et sans vision de l’univers, elle ne considère que le corps du patient qui se voit amputé de son âme et de son esprit. La nature lui apparaît comme une étendue pourvoyeuse de végétaux « matières premières » dont on extrait par des opérations brutales des principes actifs réputés majeurs. Les laboratoires se comportent alors en véritables prédateurs, responsables d’hécatombes dans les peuplements médicinaux pour recueillir finalement des quantités très réduites de molécules pures qui seront prescrites comme médicaments. Ils causent par ailleurs de graves préjudices aux populations autochtones avec l’appauvrissement thérapeutique de leur environnement. Durant une longue période, ce comportement ne suscita aucune protestation. L’esprit scientifique très réducteur le présentait comme un progrès. Le médicament pouvait être dosé avec la plus grande précision. On échappait ainsi à la complexité non parfaitement quantifiable des plantes utilisées dans leur entier. Mais les désastres écologiques ainsi provoqués ont fait prendre conscience de l’aberration d’une telle attitude qui, certainement, frappera de stupeur les générations futures. Le culte de la science a finalement obscurci l’esprit, rendu aveugle et conduit la thérapeutique sur des chemins qui mènent à des impasses. De plus, le principe actif isolé, privé des accompagnants qui le modulent, exerce une action plus brutale, souvent accompagnée d’effets indésirabes. L’équilibre harmonieux est détruit et, en même temps, sont perdues les autres capacités des plantes médicinales toujours polyvalentes. « Le monde ruisselle d’intelligence » disait Einstein et les plantes médicinales, amies de notre santé, en sont des réceptacles. On ne peut que s’émerveiller de leurs prodigieuses capacités de synthèse. Dans les conditions les plus simples, avec les éléments du sol et de l’air et le concours des rayons du soleil, elles élaborent, sans bruit, sans pollution, les éléments salvateurs relevant de nombreuses familles : hétérosides, alcaloïdes, tannins, anthocyanes, flavonoïdes, terpènes, etc… En présence de ces richesses, les chimistes humains n’ont finalement apporté que pauvreté et qu’une proportion infime des vertus des plantes médicinales. De plus, les nombreuses manipulations mises en oeuvre concourent à la pollution de la planète et aboutissent à des médicaments de coût élévé, sources de substantielles entrées financières pour les laboratoires pharmaceutiques. Ainsi s’est progressivement installée la marchandisation de la santé au détriment des véritables intérêts des patients. En conclusion, médecines traditionnelles et médecine occidentale du 20e siècle portent sur les plantes médicinales et les principes actifs deux visions diamétralement opposées. Le moment serait venu pour la médecine « scientifique » d’un retour à la sagesse avec la redécouverte des vertus polyvalentes des plantes médicinales basée sur l’harmonieuse association de leurs principes bénéfiques. Ce revirement mettrait aussi un terme à la déprédation des ressources naturelles et aux préjudices causés aux peuples autochtones qui voient s’amenuiser les moyens thérapeutiques de leurs propres médecines. Le 21e siècle apportera sans doute de grands bouleversements qui viendront réparer les erreurs du passé. Août 2009 Dr Yvette Parès – Professeur à l’Université de Dakar de 1960 à 1992 – Dr ès-science – Dr en médecine – Directrice du centre de recherches biologiques sur la lèpre de 1975 à 1992 – Directrice de l’Hôpital traditionnel de Keur Massar (Sénégal) de 1980 à 2003 Su même auteur lire aussi : – Médecines vertes contre la grippe

 

Merci à Marie-France pour nous avoir transmis cet article. Médecin depuis 1973, elle anime un blog que vous pouvez consulter en cliquant ici.

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