Entretien avec Jean Jouzel
Le Président d’honneur d’Agir pour le Climat, le climatologue Jean Jouzel répondait fin Mars à un entretien du journaliste Yann-Armel Huet du journal Ouest-France. Merci au quotidien régional pour son autorisation à reproduire cet article, nous l’en remercions. L’épidémie fait baisser les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Vont-elles repartir en flèche dès la crise passée ?Lors de la crise économique de 2008, les émissions ont baissé… puis sont reparties rapidement en 2010. Je ne suis pas très confiant. Après, Emmanuel Macron a laissé entendre qu’on ne repartirait pas sur le même modèle. On peut espérer qu’il y ait un enseignement tiré de cette crise.Quel enseignement ?
Il faudra relocaliser les activités. En France, une personne produit 6 à 7 tonnes par an de gaz à effet de serre. Mais si l’on prend l’empreinte carbone – le bilan des importations et des exportations – on arrive à 11 tonnes par personne par an. On voit bien que la mondialisation est très négative en matière de lutte contre le réchauffement.Est-ce le début de la fin d’un consumérisme destructeur pour la planète ?
Cet espoir risque d’être déçu. On doit se poser des questions sur tous ces traités de libre-échange. Il ne s’agit pas de refermer les frontières. Mais si l’on repartait avec un modèle économique nous permettant de respecter les objectifs de la neutralité carbone à l’horizon 2050, ce serait déjà aller dans le bon sens.On parle de sommes astronomiques pour une future relance économique…
On parle de 45 milliards en urgence, de 300 milliards à moyen terme… Ce ne sont pas des montagnes d’argent qu’il faut mettre pour le climat. L’économiste Thomas Piketty dit que si l’on ne résout pas le problème social, on ne résoudra pas le problème climatique. Il a raison. Tous ces problèmes sont liés. Sans compter que la lutte contre le réchauffement climatique, ce sont des créations d’emploi à la clef et une meilleure qualité de vie.Cela ne vous désespère pas qu’on attende toujours d’être au pied du mur pour agir ?
Si, bien sûr ! Les politiques font des textes parfaits, la loi sur la transition écologique pour laquelle a beaucoup œuvré Nicolas Hulot est ambitieuse… Mais la réalité, c’est que les objectifs affichés ne sont pas respectés. On n’arrête pas de prendre du retard.
1000 milliards pour relancer un vrai projet européen
La boîte de pandore
Le 15 décembre 2018, le journaliste Boris Loumagne sur France Culture, s’appuyant sur les propos du professeur de médecine de l’Université Aix-Marseille, Jean-Michel Claverie, indiquait que la fonte du permafrost était « une boîte de pandore ». Le permafrost ou pergélisol désigne les vastes étendues de sol et de sous-sol continuellement gelées (au moins deux années consécutives). Il est constitué de glace et de matière organique produite par la décomposition partielle de végétaux. C’est un réservoir de carbone deux fois supérieur à l’atmosphère. Avec le dégel, l’activité bactérienne s’active métabolisant et transformant la matière organique en CO2, qui contribuera à l’augmentation de l’effet de serre. Mais cette fonte pourrait avoir d’autres funestes conséquences. En 2014, le professeur Claverie et son équipe ont découvert deux nouveaux virus, des virus géants, datés de 30 000 ans, dans le pergélisol sibérien. Ils ont réussi à les réactiver. Fort heureusement, ces micro-organismes-là sont inoffensifs pour l’Homme. Mais le chercheur, aussi directeur de l’institut de Microbiologie de la Méditerranée et du laboratoire Information Génomique et Structurale prévient : « Cette découverte démontre que si on est capable de ressusciter des virus âgés de 30 000 ans, il n’y a aucune raison pour que certains virus beaucoup plus embêtants pour l’Homme, les animaux ou les plantes ne survivent pas également plus de 30 000 ans. » En 2016, en Sibérie, dans la région de Yamalo-Nenets, la forte chaleur estivale inhabituelle, 5,6° C au-dessus des normales saisonnières, avait exhumé le cadavre d’un renne enfoui dans le sol gelé depuis 1941. Il était mort comme un grand nombre de ses congénères de l’infection par la bactérie du charbon, l’anthrax. Durant 75 ans, cet animal a hébergé le bacille du charbon redevenu actif après décongélation. Il a infecté les troupeaux de rennes et par absorption de leur chair près de 80 humains. Un enfant de 12 ans était décédé. Nous devons donc éviter à tout prix d’ouvrir la boîte de pandore. Au sortir de cette crise du coronavirus, nous devons rapidement, à l’échelle planétaire, saisir l’opportunité d’engager un Grand plan international pour changer nos sociétés en profondeur. La Cop 26 de Glasgow, quand elle pourra se tenir, doit être impérativement celle de l’engagement. Le 10 mars dernier, Petteri Taalas secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) présentait l’état du climat mondial. Tous les indicateurs sont au rouge. Il concluait en appelant « le monde à faire preuve de la même unité et de la même détermination à agir sur le climat et à réduire les émissions de gaz à effet de serre que pour contenir la pandémie de coronavirus ».Le Pacte Finance Climat expliqué en 2 minutes.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » s’indignait Jacques Chirac en 2002 à Johannesburg. Seize ans plus tard, les évènements climatiques extrêmes (sécheresses, ouragans, canicules, feux de forêt, inondations …) se multiplient alors qu’un grand nombre de scientifiques tirent la sonnette d’alarme: il ne nous reste plus que quelques années pour agir. Alors que la B.C.E a crée plus de 2.500 milliards en deux ans et demi et que l’essentiel est parti à la spéculation, comment imaginer qu’on ne puisse pas investir autant d’argent, voire plus, pour le climat qui est une question de survie de l’Humanité. En dirigeant la création monétaire vers l’économie réelle pour qu’elle finance, dans tous les Etats membres, les économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, le Pacte finance Climat propose, une solution pour:- Lutter radicalement contre le dérèglement climatique.
- Créer massivement des emplois.
- Eviter une nouvelle crise financière en revenant vers l’économie réelle.
- Donner un nouveau souffle au projet européen.
- Donner un nouvel élan à la coopération entre l’Europe et l’Afrique.