Le Conseil européen des Chefs d’Etat était la dernière chance pour que l’Europe adopte une stratégie commune de négociations avant de rejoindre les « poids lourds » des négociations à Barcelone. Au lieu de faire bloc face à la Chine et aux Etats-Unis dont les émissions cumulées représentent près de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les européens ont montré leurs divergences sur les financements nécessaires pour aider les pays en voie de développement à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts dévastateurs du changement climatique.
La semaine passée, le Conseil des Ministres de l’Environnement a pourtant confirmé de belles avancées, en affichant un objectif de 80 à 95% de réduction des émissions d’ici à 2050, et 30% d’ici à 2020 pour les pays européens, engagements repris à leur compte aujourd’hui par les Chefs d’Etat. Les -30% restent conditionnés à des engagements « comparables » des autres blocs de la négociation, mais le chiffre de la fourchette basse (-20%) a au moins disparu du dernier texte. Le Conseil a aussi réaffirmé l’engagement de l’Europe pour obtenir à Copenhague un traité juridiquement contraignant, mettant fin à la confusion ambiante engendrée par des déclarations opportunistes sur la mort du Protocole de Kyoto et son remplacement par une simple déclaration de bonnes intentions. Mais le bât blesse quand il s’agit de mettre des moyens financiers sur la table pour atteindre ces objectifs. Sur le montant global de l’enveloppe financière, au moins 100 milliards d’euros par an pour aider les pays du Sud, l’Union Européenne ne dit plus rien de combien elle est prête à payer. Le « gâteau » est toujours divisé en trois parts : l’aide internationale Nord/Sud, les financements privés et marché carbone, et les financements des pays du Sud eux-mêmes. L’Europe s’engage à payer une part équitable du gâteau, mais à vous de deviner combien ! La raison de ce flou artistique vient du fait que les européens peinent à se mettre d’accord sur une clef de répartition interne des efforts à fournir pour chaque pays. Les mexicains leur avaient pourtant soufflé la réponse, en proposant une clef équilibrée, basée sur la responsabilité des pays (émissions), et leur capacité à payer (revenu). Mais les français veulent tout miser sur les émissions, les Allemands sur le revenu, pendant que les Polonais et autres pays de l’Est ont protesté en voyant leurs propres subventions fondre comme neige au soleil. Pour Elise Buckle, Responsable Energie- Climat au WWF France, « la solidarité Est-Ouest ne doit pas faire de l’ombre à la solidarité Nord-Sud, car le problème du changement climatique ne s’arrête pas aux frontières de l’Europe. Si elle le veut, l’Europe peut atteindre ses objectifs de réduction des émissions, elle en a les moyens. Le vrai problème se situe en-dehors de l’Europe, du côté des émergents dont les émissions vont exploser, et du côté des pays les plus pauvres qui paient le prix fort des dégâts causés par le changement climatique. Et quand on voit le prix du sauvetage des banques, qui se chiffre en trillion d’euros, et la nouvelle baisse d’impôts annoncée par Mme Merkel, qui se chiffre à 24 milliards d’euros par an pour la seule Allemagne, on ne nous fera pas croire qu’il n’y a pas d’argent. C’est une question de priorité politique.» Le Ministre de l’Environnement Jean-Louis Borloo a pourtant fait de belles promesses aux pays les plus vulnérables, avec les plans « Energizing Africa » et « Vision pour le monde », mais s’il n’y a pas d’argent, ce ne sont que des effets d’annonce. Rappelons aussi que la France ne garantit toujours pas que les financements climat seront nouveaux et additionnels et pas seulement de l’aide publique au développement recyclée sous le label climat. L’hypocrisie se retrouve aussi sur le volet de la déforestation. Selon Gilles Moynot, Responsable Forêt au WWF France : « il est temps de se faire l’écho des pays en développement qui critiquent violemment les artifices comptables utilisés par les pays développés pour masquer leurs émissions liées au développement massif des bioénergies ». L’ensemble des émissions liées à la dégradation de la biomasse doit être comptabilisé. Le climat vaut mieux que des faux en écriture visant à créer de nouveaux triangles des Bermudes, où les émissions et les financements disparaissent toujours en fumée.