Entre les « climato-sceptiques » et les tenants du réchauffement appartenant au Groupe International d’Experts sur le Changement Climatique (GIEC), le public s’interroge : est-il possible de trancher avec certitude ? Et quelle est la part des activités humaines dans le réchauffement annoncé ?
En s’interrogeant sur les conditions qui devraient présider à un débat informé, et en dénonçant sans concession les Tartuffes politiciens du climat, le philosophe Pascal Acot questionne une idée hérétique en apparence : l’issue du débat est-elle si importante que l’on veut nous le faire croire ? Les changements climatiques brutaux, quels qu’ils soient, n’ont-ils pas tous des effets identiques sur les populations les plus fragiles dans les pays les plus pauvres ? Si c’était le cas, une mutation énergétique sans précédent s’imposerait plus que jamais : le passage des sources fossiles vers des sources renouvelables. La question du développement des pays les moins avancés se poserait aussi de manière nouvelle : éviter de commettre les mêmes « erreurs » que les pays industrialisés est une nécessité majeure et pas seulement en matière climatique. De même qu’il est urgent pour l’avenir de la planète de mettre un terme au pillage du tiers-monde. Et de combattre le caractère meurtrier de la mondialisation.Extrait : La pauvreté du débat sur le changement climatique
Les cachalots compensent largement leur empreinte carbone grâce à leurs excréments riches en fer, qui stimulent la croissance du phytoplancton […] Chacun produisant environ 50 tonnes de fer par an, les 12 000 cachalots de l’océan Antarctique contribuent dans le même temps à l’absorption de quelque 400 000 tonnes de carbone. Soit deux fois la quantité qu’ils diffusent en expirant. Le Monde, 17 juin 2010. ArcelorMittal : des emplois contre des droits à polluer. Le sidérurgiste est prêt à rouvrir un haut-fourneau, dans la banlieue de Liège, si on lui garantit en échange des quotas de CO2 jusqu’en 2012. Le Monde, 24 janvier 2008. La juxtaposition des deux extraits qui précèdent jette une lumière cruelle sur l’état actuel du débat climatique. D’un côté une multinationale exerce un chantage à l’emploi qui donne la nausée puisqu’il s’agit d’obtenir le droit de polluer sans payer de contrepartie. Ce marché honteux a été proposé dans l’indifférence du public, qui oscille entre deux peurs : celle du chômage, et celle de ce qu’on lui présente comme une apocalypse climatique. De l’autre côté, une anecdote de plus qui donne, par la marge, l’impression au lecteur que le débat scientifique n’est pas sérieux. On songe aux hilarantes flatulences des troupeaux d’herbivores africains… Et au milieu de tout cela, des gens simples qui s’interrogent, inquiets, disent-ils, pour l’avenir climatique de leurs enfants et pour celui de la planète. D’autres considèrent que la question climatique n’a pas lieu d’être posée, ou que le réchauffement et ses effets sont surestimés. Dans tous les cas, comme on le verra, le débat n’est ni serein, ni honnêtement informé. Cela avait pourtant commencé sérieusement : en juillet août 2003, une immense région anticyclonique s’est établie sur l’Europe. Des masses d’air chaud et sec provenant d’Afrique ont entraîné une canicule exceptionnelle provoquant la mort de 35 000 personnes. En France, on a dénombré officiellement 14 802 décès surnuméraires, soit une augmentation de 60 % par rapport à la moyenne des années précédentes non marquées par une canicule (mais il s’agit d’un chiffre largement inférieur à la réalité puisqu’il ne tenait pas compte des nombreux morts de juillet). Un peu plus de quatre ans auparavant, à la fin du mois de décembre 1999, deux tempêtes, baptisées par les météorologues allemands Lothar et Martin, avaient ravagé la France et commencé d’inquiéter sérieusement le public en matière de changement climatique. Les inondations qui suivirent, dans sept départements français (Vaucluse, Ardèche, Rhône, Loire, Haute-Loire, Bouches-du-Rhône et Gard), furent la conséquence du fort réchauffement de la Méditerranée consécutif à la canicule : les masses d’air très chargées d’humidité poussées par les vents sur les pentes des Cévennes se condensèrent en altitude provoquant des précipitations catastrophiques et des désastres humains liés au bétonnage, à l’étalement urbain, à des zones déclarées constructibles avec beaucoup de légèreté et à des digues de protection insuffisantes, déjà. Plusieurs épisodes climatiques intenses et qui émurent l’opinion s’ensuivirent : le cyclone Katrina ravage la Louisiane en août 2005. La tempête Klaus, le 24 janvier 2009, provoque de très importants dégâts dans le Sud-Ouest de la France et, plus récemment, la meurtrière tempête Xynthia a dramatiquement frappé le Grand Ouest de la France. Réchauffement climatique et catastrophes « naturelles » Le public a été indigné par l’absence de réactivité des responsables. On se souvient de Jean-François Mattei, ministre de la Santé lors de la canicule, démentant le chiffre de 5 000 morts le 17 août 2003, mais revenant sur cet intenable déni dès le lendemain ! On se souvient de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, appelant à la « prudence » le 20 août, alors que 14 802 personnes avaient déjà perdu la vie. Ou encore des mesures dérisoires préconisées par Roselyne Bachelot, alors ministre de l’Écologie : préférer les douches aux bains, garer sa voiture à l’ombre plutôt qu’au soleil (sic) et ne pas utiliser son sèche-linge ! Elle est maintenant tombée dans l’excès inverse : la manière démesurée dont la crise de la grippe A (h1n1) a été gérée, avec des dizaines de millions de doses de vaccin non utilisées, a exaspéré les Français. Tout comme la précipitation brutale avec laquelle il a été décidé de raser les maisons en zones possiblement inondables suite aux tragiques événements provoqués par Xynthia. Ou encore la suppression brutale et irréfléchie de plus de 65 000 vols commerciaux après l’éruption du volcan islandais Eyjafjöll le jeudi 15 avril 2010. Et au fil des lignes qui précèdent, nous voici insensiblement passés d’événements strictement climatiques à tout autre chose : une grippe, une éruption volcanique… Déjà, j’avais été étonné, après le tsunami du 26 décembre 2004, par le nombre de questions qui m’étaient posées sur cette tragédie totalement étrangère au réchauffement climatique. Mais l’amalgame est devenu fréquent en quelques années : sur un site Internet consacré aux « alertes-météo », une série de photos est consacrée aux cyclones dans l’île de La Réunion ; l’une d’entre elles représente cependant l’éruption volcanique du Piton de la Fournaise, le 15 mars 1998. D’ailleurs, les « micro-trottoirs » qui, faute d’informations véritables, occupent désormais une place de choix dans les nouvelles diffusées sur les stations « de grande écoute » sont éloquents : depuis le tsunami d’Asie du Sud, les catastrophes dont il vient d’être question (la tempête Xynthia, et le « nuage de cendres d’Islande », en particulier) ont fait basculer les représentations du public en matière de catastrophes naturelles. Jusqu’alors, celles-ci étaient identifiées et relativement différenciées : on ne confondait pas une éruption volcanique avec les effets du réchauffement climatique officiellement annoncé. Aujourd’hui, c’est « la Nature qui reprend ses droits » et qui nous donne des « leçons de modestie » ! Nous devrions donc prendre conscience du fait que « nous sommes tout petits » et surtout fragiles, car la technologie surpuissante et mondialisée des pays avancés placerait désormais les êtres humains qui l’ont conçue et réalisée en situation de dépendance. Après le spectacle navrant donné par les responsables politiques lors de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique, l’opinion donne l’impression d’avoir perdu ses repères (qui a raison ? le GIEC ou les « climato-sceptiques » ?). Mais peut-être les gens sont-ils simplement lassés par le triste spectacle que donnent les acteurs du débat climatique ? On trouvera dans ce livre des jugements sans complaisance. Je regrette d’y être contraint : mes derniers livres sur la question climatique s’achevaient par des interrogations où, certes l’optimisme ne prédominait pas, mais il s’agissait tout de même d’interrogations sur un avenir encore flou. Désormais, les choses ont changé et, d’inquiétante, la manière dont les problèmes climatiques sont aujourd’hui débattus et traités est devenue difficilement supportable. […] Pour lire la suite, vous pouvez télécharger l’intégralité de l’introduction de ce livre au format PDF en cliquant ici.Sommaire
Introduction : La pauvreté du débat sur le changement climatique : Réchauffement climatique et catastrophes « naturelles » – Le GIEC n’a pas mérité son actuel président – La pétition des 600 -Le navrant débat climatique. 1. Le scientisme, maladie infantile de la climatologie : Préhistoire – Naissance de la climatologie – La fin des chronologies courtes – La découverte de la circulation atmosphérique mondiale – Petite histoire du refroidissement climatique – L’expertise scientifique, boussole affolée de la politique climatique – Que peuvent les scientifiques ? 2. Un débat climatique de qualité est-il possible ? : Climato-sceptiques contre réchauffistes… – Faire un geste, pour la planète ou pour des actionnaires ? – Le poids des écologistes médiatiques – Quelques souverains poncifs – « Faire dégorger du cash » – L’échec prévisible de la conférence de Cancun. 3. L’inversion ruineuse des rapports nature-société : Le climat est un processus – La nature chez les romantiques allemands – Le romantisme allemand… en Amérique du Nord – L’éthique de la terre – La nature de l’humanité La nature n’a pas de droits mais nous avons des devoirs envers elle. 4. L’avenir de la planète au plus offrant : Le WWF et ses étranges « partenaires de conservation » – Quand McDonald’s France lutte « contre le réchauffement climatique » – La multiplication des marchés financiers « écologiques » – Le trafic poids lourds côté en Bourse… – Masdar : éco-urbanisme climatique ou paradis fiscal ? – Notre avenir climatique à la corbeille. 5. Rompre avec les illusions politiciennes : L’empreinte écologique – Les Tartuffes du réchauffement – Le discours d’investiture de Barack Obama – Le « Grenelle Environnement ». 6. Des « solutions » inquiétantes : La petite vertu du capitalisme vert – Goldman Sachs, bienfaiteur de l’environnement ! – Taxe carbone : faire payer les pauvres – Le principe « acheteur-payeur » – Le capitalisme ne peut s’autoréguler. Conclusion : Peut-on sortir de l’impasse ? : Il n’y a pas de bourse des valeurs morales… – Un processus majeur est déjà amorcé – Les promesses de « l’écologie industrielle » – Développer l’architecture et l’urbanisme écologiques – En finir avec le pillage du « tiers-monde » – Pour une approche politique de la question climatique. Postface de Pierre LévyRéférences
Climat, un débat dévoyé ? de Pascal Acot – Éditeur : Armand Colin – Date de parution : 13/10/2010 – 160 pages – EAN13 : 9782200255589 – Prix public : 16,50 €