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Le développement durable au temps du coronavirus : Episode n°1

La crise du Coronavirus montre les dérives hasardeuses d’un monde devenu dangereux, tournant le dos aux principes d’un développement durable s’inspirant d’une soutenabilité forte à laquelle il serait sain de revenir.

Pandémie du coronavirus, catastrophe sanitaire : l’humanité est confrontée à ce danger concret et omniprésent non anticipé. Notre immense savoir scientifique, notre appareil de production mondialisé surpuissant sont mis en défaut pour nous protéger : pénuries de tests de contamination, de masques de protection, mise en tension extrême des infrastructures de soins, absence de parade médicamenteuse, vaccinale.

Sont mis ainsi au jour les dégâts de politiques de court terme, guidées par le souci d’économies dans la gestion des biens communs, oublieuses du principe de précaution, de la nécessité d’organiser la résilience face aux multiples alertes environnementales et sociales. La mondialisation des « chaînes de valeurs » aboutit à notre incapacité à faire face à des besoins évidents comme les masques ou les médicaments, nous sommes devenus dépendants de la production dans des pays lointains. Le néolibéralisme et ses dogmes, la libre concurrence qui a conduit aux délocalisations, la dérégulation, la délégation aveugle aux mécanismes de marché pour satisfaire tous les besoins humains, sont mis en échec, Ils ont même favorisé la diffusion d’un coronavirus qui ne connait ni les frontières, ni les équilibres géopolitiques ni les aspirations personnelles mais qui, malheureusement, frappe, en particulier, les plus vulnérables socialement.

« La destruction écologique à laquelle se livre notre économie extractiviste depuis plus d’un siècle partage avec cette pandémie une racine commune » explique Gaël Giraud (CNRS) : « nous sommes devenus l’espèce dominante de l’ensemble du vivant sur Terre. Nous sommes donc capables de briser les chaînes trophiques de tous les autres animaux mais nous sommes aussi le meilleur véhicule pour les pathogènes. En termes d’évolution biologique, il est beaucoup plus “efficace” pour un virus de parasiter l’humain que le renne arctique, déjà en voie de disparition à cause du réchauffement ». C’est pourquoi les scientifiques renouvellent leur avertissement, nous ne sommes pas à l’abri d’autres catastrophe de cette nature à l’avenir.

Nous voilà confinés, et de ce fait de grands pans de l’économie sont à l’arrêt. Cela rend encore plus criantes les injustices et aberrations de nos sociétés. Ce sont les personnes les moins payées qui prennent les risques pour assurer notre quotidien voire notre survie : caissières de supermarchés, camionneurs et tous ceux qui contribuent à la chaîne d’approvisionnement alimentaire, éboueurs, infirmières, aides-soignantes, facteurs, policiers, … On redécouvre le caractère vital de services publics démantelés et parfois vilipendés.

Dans ce confinement on peut aussi malicieusement apercevoir les bienfaits d’une pause dans l’hystérie productiviste et consommatrice. La systématisation du télétravail rendrait nos villes plus respirables. La pollution atmosphérique et sonore des villes a disparu, on y peut apprécier le chant des oiseaux et le printemps qui arrive, la nature respire. Les magasins alimentaires proposent des « paniers », fini l’hyper choix entre une vingtaine de plaquettes de beurre. Les magasins de producteurs font recette, tant pis si on doit cuisiner les mêmes légumes de saison le long de la semaine. Le temps gagné sur le « shopping » fait redécouvrir les bienfaits de la lecture, de la conversation en famille. On consent enfin à mettre à l’abri les sans domicile, les migrants, quoique parfois dans des conditions indignes. L’idée controversée d’un revenu universel prend consistance avec, en France et dans d’autres pays du monde, les aides pécuniaires inconditionnelles octroyées aux chômeurs, aux bénéficiaires de minima sociaux, aux salariés victimes de la fermeture de leur entreprise ou aux indépendants contraints à l’inactivité. A contrario ces mesures autoritaires de confinement, celles qui se dessinent de traçage électronique de nos déplacements, si elles se prolongeaient, pourraient augurer d’une nouvelle étape dans le recul des libertés publiques.

Mais cet état de confinement ne peut être que provisoire car le sauvetage de nombreuses entreprises et emplois mis à mal par cette crise va devenir un problème prioritaire et urgent. On annonce (tribune d’Alain Trannoy le Monde du 6 avril 2020, pronostic de Christine Lagarde BCE) une baisse de 12% du PIB, soit 12% de nos revenus monétaires en moins, c’est proprement impossible, compte tenu des inégalités abyssales de revenus, pour les plus fragiles d’entre nous. Des plans de sauvetage massifs sont annoncés partout dans le monde, injection de liquidités par les banques centrales 1000 Mds € annoncés par la BCE, 2000 Mds $ aux USA, en Europe une augmentation des déficits budgétaires est annoncée avec la facilité d’aller au-delà des 3% PIB : 150 Mds € en Allemagne soit 4,5 % du PIB, 45 Mds € en France soit 1,9% du PIB. « L’Eurogroupe » vient de décider d’une mise à disposition de ses membres 500 Mds €. Ces premières mesures d’urgence destinées à gommer les effets de la panne économique devront être complétées.

Une plus grande coopération internationale est indispensable si l’on ne veut pas voir la pandémie repartir de plus belle car les « sorties de confinement » s’échelonneront dans le monde. Elle est également indispensable pour aider les pays les plus pauvres, souvent les plus inégalitaires, à participer à l’arrêt de la pandémie. Le mutisme de l’ONU est à cet égard consternant.

Les moyens financiers dégagés à l’occasion de la pandémie doivent servir à nous doter d’infrastructures sanitaires à la hauteur des risques, à reconstruire un tissu agricole et industriel qui garantisse notre sécurité et à planifier l’indispensable transition énergétique, environnementale et sociale. Une véritable sélectivité dans l’octroi de ces soutiens doit être mise en œuvre, fondée sur les nombreux indicateurs d’atteinte à l’environnement élaborés récemment à l’instar de la taxonomie verte européenne (classification des activités économiques en fonction de leur empreinte écologique).

La reconstruction d’économies mises à mal par la seconde guerre mondiale s’est faite en France au moyen d’une planification démocratique, de même l’urgence à réparer les dommages de la pandémie et à prévenir les dommages environnementaux et sociaux en cours et annoncés appelle une action discriminante et organisée des pouvoirs publics sur les activités économiques. Les tribunes de Gaël Giraud dans le magazine Reporterre esquissent un programme d’actions. Bien entendu il faudra garantir les moyens d’une co-construction des arbitrages rendus à travers les choix stratégiques de cette planification, la pérennisation de la convention citoyenne peut être un tel instrument, dialoguant avec un CESE transformé en parlement des générations futures ?

Il est difficile, aujourd’hui de deviner ce que sera demain et notamment les conditions de la relance économique, il est possible que ce soit une déception, avec une relance hyper-carbonée (‘à la Trump’ avec un allègement des contraintes environnementales). Mais les opinions publiques et mobilisations citoyennes doivent peser de tout leur poids pour parer les risques auxquels seront confrontés les jeunes générations. La relance doit s’inspirer des principes d’une durabilité forte.

Cet éditorial ne fait qu’ouvrir le débat au sein de l’Encyclopédie du Développement Durable. Chacun des lecteurs est invité à réagir en fonction de ses sensibilités en écrivant à : contact@encyclopedie-dd.org.

Ces réactions seront publiées sur le site de l’Encyclopédie du Développement Durable

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