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Vote du projet de loi OGM au Sénat : les écologistes dénoncent l’enterrement du Grenelle

Le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) qu’a adopté le Sénat, vendredi 8 février, a été vivement dénoncé par les écologistes. Adopté par 186 voix, contre 128 – celles de la gauche–, le texte vise à clarifier les conditions de mise en culture de plantes transgéniques et de leur coexistence avec les productions conventionnelles, dans le respect d’une directive européenne de 2001, que la France aura longtemps tardé à transcrire en droit national. Pour Greenpeace, « le pire est arrivé : le texte voté ce vendredi soir impose des OGM partout, jusque dans les parcs nationaux, et en cachette ».

La fin du Grenelle ?

Selon les Verts, les amendements adoptés par les sénateurs reviennent littéralement à « enterrer l’esprit du Grenelle » de l’environnement, selon les mots de Cécile Duflot, secrétaire nationale du parti écologiste, qui estime que « c’est extrêmement déprimant » (Le Monde du 8 février). Pour le sénateur vert Jacques Muller, c’est clair. Il confie à Libération (édition du 9 février) : «Le Grenelle a été abattu en plein vol : on est passé de la liberté de produire et de consommer sans OGM à celle de consommer « avec ou sans OGM »… comme s’il n’y avait pas une dissymétrie entre ces cultures !» Le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, affirmait en concluant les débats que le texte était «dans l’esprit du Grenelle» : «Je suis navré de dire, à ceux qui ont essayé de mettre en scène un conflit, que je n’ai rien trouvé d’autre dans nos discussions que des interrogations et des différences d’appréciation.» Pourtant, le socialiste Jean-Marc Pastor a noté «à neuf reprises un désaccord entre le groupe majoritaire et le gouvernement». De fait, pendant trois jours, Jean-Louis Borloo et sa secrétaire d’Etat, Nathalie Kosciusko-Morizet, n’ont guère reçu de soutien des sénateurs UMP, surtout après le départ de Jean-François Le Grand [[Le sénateur UMP, ex-président du groupe OGM au Grenelle de l’environnement, avait fait savoir qu’il retirait tous ses amendements. Après la soirée de mardi, où il n’a cessé d’être isolé par ses collègues de l’UMP, le sénateur de la Manche a arrêté les frais. «Je préfère ne pas être un sujet de focalisation, expliquait-il. Ça n’enlève rien à mes convictions, ni à mon combat.» (Libération édition du 8 février 2008)]]. L’UMP Dominique Braye a résumé ainsi sa vision du Grenelle : «On a donné une tribune et une audience à des gens qui ne représentent pas grand-chose, et ils ont cru que le Parlement se contenterait d’être une chambre d’enregistrement !» Il n’y a pas qu’eux qui l’ont cru : Nicolas Sarkozy a toujours affirmé que les engagements du Grenelle seraient tenus… rappelle Guillaume Launay dans Libération (édition du 9 février 2008).

Le détricotage de l’équilibre scientifiques/société civile au sein du Haut conseil

Les associations écologistes sont également montées au créneau. « Il est sidérant de voir des sénateurs UMP se trouver en telle opposition avec le gouvernement, note Greenpeace. Durant ce débat, c’est bien l’opposition PS et Verts qui a soutenu des propositions en accord avec le Grenelle de M.Sarkozy ! » Arnaud Apoteker, responsable de la campagne anti-OGM de Greenpeace, déonce encore « une véritable catastrophe » qui « organise une contamination génétique de l’ensemble du territoire de l’agriculture française et de notre alimentation ». Il critique également la création du « Haut Conseil des biotechnologies », venu remplacer la « Haute Autorité sur les organismes génétiquement modifiés », qui redonne, selon lui, une prééminence à la science dure sur la société civile [[Le Sénat a adopté, dans la nuit du mardi 5 au mercredi 6 février, plusieurs amendements modifiant la future Haute Autorité, rebaptisée Haut Conseil, qui évaluera les risques sanitaires et environnementaux des OGM. Elle sera constituée de deux comités : l’un de scientifiques, l’autre de représentants de la société civile. Ses avis seront élaborés sur la base des réflexions des deux comités. Sur proposition du rapporteur Jean Bizet (UMP, Manche), les sénateurs ont adopté un amendement établissant une hiérarchie entre l’avis des scientifiques et les simples « recommandations » du comité de la société civile, les deux « n’ayant pas la même légitimité », selon M. Bizet. Un autre amendement stipule que le président du Haut Conseil sera « un scientifique choisi en fonction de ses compétences ».]].

Le délit de fauchage

Un autre amendement a également été adopté par les sénateurs créant un « délit de fauchage » de champ OGM, passible de deux ans de prison et de 75 000 euros d’amende [[Cet amendement du rapporteur Jean Bizet (UMP), adopté au terme d’un long débat passionné, prévoit deux ans de prison et 75 000 euros d’amende, en cas de destruction ou de dégradation d’une parcelle de culture de plantes transgéniques. L’amendement prévoit des circonstances aggravantes lorsque la destruction porte sur un essai de recherche, la peine pouvant alors être portée à trois ans de prison et 150 000 euros d’amende. La gauche a vivement protesté contre cette disposition qui, s’est étonné l’ancien ministre socialiste Michel Charasse, revient à distinguer pénalement la destruction d’un champ d’OGM de celle d’un champ de culture conventionnelle.]]. « Un cadeau fait aux lobbies », selon la secrétaire nationale des Verts.

Une récolte contaminée à 0,9% sera considérée comme sans OGM

Contrairement au mandant de la directive 2001/18 (article 26 bis) et de toute justification scientifique, c’est ainsi le seuil d’étiquetage européen (0,9%) qui a été entériné au mépris complet de l’avenir des filières agricoles conventionnelles et de qualité en France.

Transparence et information du public

Pas d’étiquetage des produits animaux nourris aux OGM, pas d’information des mairies, des partenaires agricoles, pas non plus d’information des voisins en temps et en heure, protection du secret industriel, refus de l’implication des collectivités locales… Les cultures d’OGM peuvent donc s’implanter partout et dans le secret. Si l’information se fera bien au niveau de la parcelle, il n’existe aucune garantie que celle-ci se fera à temps, c’est-à-dire avant les semis. On ne donne pas même à la victime la possibilité de prendre ses ruches ou ses champs et d’aller voir ailleurs !, ironise Greenpeace.

Un régime de responsabilité défaillant entériné

L’agriculteur conventionnel ou bio devra se débrouiller seul. Le champ de la responsabilité « hors champ » (transport ou stockage) n’est pas entériné. Le niveau d’indemnisation prévu, basée sur la dépréciation du prix, est ridicule par rapport à la réalité des contaminations : coûts écologiques, coûts liés à la traçabilité. Le projet de loi doit maintenant être examiné les 3 et 4 avril par les députés. En attendant, les écologistes entendent maintenir la pression. « Il faut vraiment que les députés comprennent que les citoyens ne veulent pas des OGM et que l’avenir de notre agriculture passe par la production de qualité, et qu’accepter les OGM avec aussi peu de restrictions et de précautions que c’est fait aujourd’hui va vraiment tuer l’avenir de l’agriculture française », lance Arnaud Apoteker. « Pas de conformité avec la directive européenne, pas de conformité avec l’opinion publique, pas de conformité avec le Grenelle ! déclare encore Arnaud Apoteker dans un communiqué de presse de Greenpeace. Le texte voté est une triple trahison. On est pour l’instant bien loin de la loi de protection des producteurs et des consommateurs attachés au sans OGM que tout le monde attendait en France. Si protection il y a, c’est celle des OGM. On a donc une loi qui protège le fort contre le faible». Guillaume Launay (Libération édition du 9 février) conclut : A en juger par les propos, très pro-OGM, tenus par plusieurs députés UMP, et notamment par le président Bernard Accoyer, la partie ne sera pas facile non plus pour le gouvernement. Mais les municipales seront passées par là et auront peut-être chamboulé les équilibres. D’ici là, il n’y aura pas de culture commerciale en France au printemps : la procédure de clause de sauvegarde doit être notifiée à Bruxelles avant lundi et l’arrêté de suspension (sans date limite) du maïs Mon-810, le seul OGM autorisé, doit être publié ce samedi au Journal officiel. Le ministre de l’Agriculture a en revanche souhaité que des essais scientifiques en plein champs puissent reprendre dès cette année.

Projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés

Texte n° 149 (2007-2008) de M. Jean-Louis BORLOO, Ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, déposé au Sénat le 19 décembre 2007 – Travaux de la commission des affaires économiquesRapport n° 181 (2007-2008) de M. Jean BIZET, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 29 janvier 2008 – Amendements déposés sur ce texteCompte rendu intégral des débats en séance publique (5 et 7 février 2008) ; compte rendu analytique du 8 février 2008 – scrutins publics – Petite loi

 

Sources : Le Monde (éditions du 6, 7 et 8 février 2008) – Libération (éditions du 8 et 9 février 2008) – Communiqué de presse de Greenpeace France du 8 février 2008 – Sénat

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