Deux scientifiques de renommée internationale James Hansen et Mark Jaccard sont présents aujourd’hui à Paris dans le cadre d’une tournée européenne. Ils rappellent aux décideurs français et européens que la lutte contre le changement climatique ne peut attendre et qu’il est absolument nécessaire de renoncer à l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels. Alors que la multinationale française Total tient ce matin son Assemblée générale, une semaine après la visite européenne du ministre des Ressources naturelles du Canada, Joe Oliver, venu promouvoir les sables bitumineux canadiens, les Amis de la Terre demandent aux décideurs français et à Total d’engager une véritable transition énergétique et de cesser toute exploitation d’hydrocarbures non conventionnels.
AG Total et sables bitumineux : la voix de deux scientifiques internationaux contre les lobbies des pétroliers et du Canada
Votée en 2008, la révision de la Directive européenne sur la Qualité des carburants n’a toujours pas été mise en œuvre, alors qu’elle constituerait un outil inédit pour freiner l’importation de sources de carburants très polluantes [[Pour plus d’informations sur la Directive européenne sur la Qualité des carburants et la campagne des Amis de la Terre « Sables bitumineux : halte au pouvoir des lobbies ! » ]]. Elle permettrait donc de décourager leur production dans le monde entier, notamment dans des zones toujours plus fragiles comme à Madagascar ou au Congo[[Sur les projets de sables bitumineux à Madagascar, lire le rapport des Amis de la Terre France, Madagascar : nouvel eldorado des compagnies minières et pétrolières (novembre 2012)]]. Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France s’indigne : « Ce retard est dû au lobby féroce exercé par les compagnies pétrolières et le gouvernement canadien, qui s’entêtent à vouloir développer l’exploitation des sables bitumineux, plaçant leurs intérêts économiques et financiers avant le bien-être et les droits des populations locales, et avant la protection de l’environnement et du climat ». Invité mardi dernier par le Parlement européen pour une conférence, le climatologue James Hansen a alerté : « Si nous voulons sérieusement contenir le réchauffement climatique en deçà de 2 °C, ce qui provoquerait déjà une augmentation de 6 mètres du niveau de la mer, alors nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’exploiter les sables bitumineux ou d’autres hydrocarbures non conventionnels. Cela signifierait un « game over » pour le climat, et laisserait à nos enfants une situation incontrôlable de changements irrémédiables. Nos parents ne connaissaient pas l’impact de la combustion des énergies fossiles ; mais les preuves scientifiques sont maintenant claires : dans le futur, on ne pourra que « prétendre » que nous ne savions pas ». Des arguments auxquels Total fait la sourde oreille, se targuant au contraire de vouloir « Repousser les limites » : « Explorer des zones inconnues ou jusqu’alors difficiles d’accès, travailler sur de nouvelles thématiques géologiques prometteuses… C’est l’expression de la stratégie d’exploration plus ambitieuse de notre Groupe »[[- Total, L’essentiel 2012-2013, p.17 ]]. Quant à Mark Jaccard, scientifique canadien ancien membre du GIEC, qui intervenait à cette même conférence, il s’est dit outré du comportement du gouvernement de son pays, qui va jusqu’à menacer l’UE de déposer une plainte à l’OMC : « La directive européenne sur la Qualité des carburants va simplement étiqueter les carburants issus des sables bitumineux avec une valeur correcte d’émissions carbone, afin de rendre compte des quantités supplémentaires d’énergie utilisées pour les extraire du sol. Ce n’est ni une interdiction, ni une taxe à l’importation. Donc le lobby intense exercé actuellement par le gouvernement du Canada semble disproportionné[[Pour plus d’informations sur le lobby exercé par le gouvernement canadien en Europe, lire le dernier rapport des Amis de la Terre Europe, Keeping their head in the sands : Canada’s EU Fuel Quality Directive lobby diary (janvier 2013)]], qui plus est venant d’un pays qui est sorti de Kyoto et qui est sur la voie de manquer son propre objectif de réduction d’émissions carbone par plus de 20 %, en grande partie à cause de l’extraction des sables bitumineux ». Juliette Renaud conclut : « Nous réitérons notre demande à Total de cesser immédiatement ces projets d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, et que cette multinationale se responsabilise pour les dégâts qu’elle commet dans le monde entier. Les Amis de la Terre demandent aussi au gouvernement français d’être plus courageux que son prédécesseur[[Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la France n’avait pas voté en faveur de la proposition de la Commission européenne sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la Qualité des carburants. Pour plus d’informations, lire les communiqués de presse des Amis de la Terre : – Sables bitumineux : la France prête à céder aux lobbies canadiens et pétroliersAmsterdam, Bruxelles, Paris, le 22 février 2012 – Les représentants des gouvernements européens vont voter demain sur la directive sur la qualité des carburants, qui pourrait maintenir les sables bitumineux hors d’Europe. Les Amis de la Terre France, Europe et Pays-Bas demandent à l’Europe de résister aux pressions des lobbies canadiens et pétroliers, et de dire non aux formes les plus polluantes de pétrole non conventionnel. Les yeux seront rivés sur des pays comme la France, qui semblerait prête à céder en votant contre la proposition de la Commission européenne– Sables bitumineux : La France s’abstient à la dernière minute
Paris et Bruxelles, le 23 février 2012 – Les représentants des gouvernements européens se sont réunis aujourd’hui à Bruxelles pour voter sur les modalités de mise en œuvre de la directive sur la Qualité des carburants, qui pourrait maintenir les carburants polluants, tels que les sables bitumineux et les huiles de schistes, hors d’Europe. La forte pression des lobbies du Canada et de l’industrie pétrolière a mené à un blocage, aucune majorité qualifiée n’ayant émergée du vote. Le débat va maintenant se continuer à plus haut niveau et la résolution finale sera prise par le Conseil Environnement. Les Amis de la Terre France et Europe espèrent que cela représentera une opportunité de sursaut pour qu’une décision plus responsable soit prise en juin prochain.]], en ne cédant pas aux pressions de ces lobbies et en soutenant clairement les efforts de la Commission européenne en disant « non » aux sources de carburants polluantes comme les sables bitumineux et les huiles de schiste[[Un nouveau vote est attendu dans les prochains mois, au Conseil Environnement de l’Union européenne. Les Amis de la Terre ont donc lancé une pétition adressée à la ministre de l’Écologie Delphine Batho ]] ».
Contacts
– Caroline Prak, Les Amis de la Terre : 01 48 51 18 96 – Juliette Renaud, Les Amis de la Terre : 01 48 51 18 92Une étude d’Avril 2012 réfute les arguments de l’industrie
Depuis plus de deux ans, le gouvernement canadien et les lobbies de l’industrie pétrolière font pression contre la mise en œuvre de la directive européenne sur la qualité des carburants, aboutissant à un blocage à Bruxelles le 23 février dernier. Une nouvelle étude publiée aujourd’hui bat en brèche les déclarations de l’industrie selon lesquelles le nouveau règlement européen visant à abaisser les émissions de CO2 des carburants entraînerait une « charge administrative disproportionnée ». Les Amis de la Terre, France Nature Environnement et leurs partenaires européens appellent à approuver sans plus tarder et sans modifications les propositions d’application de cette directive. Cette étude [[Le rapport a été rédigé par trois experts indépendants (CE Delft, Carbon Matters et ECN). Sa version complète (en anglais) est disponible ici.]], commanditée par Transport & Environment (T&E), conclut que les coûts administratifs et de reporting induits par la mise en œuvre de la directive sur la qualité des carburants se traduiraient par une augmentation de moins d’un demi centime d’euros sur un « plein » moyen, ou encore un centime sur un baril de brut. Selon Nusa Urbancic, responsable de la campagne Carburants propres chez T&E : « L’industrie pétrolière a claironné partout que la nouvelle législation induirait des surcoûts de l’ordre de un dollar le baril et forcerait certaines raffineries à fermer leurs portes [[Voir le document présenté aux États membres par EUROPIA (European Petroleum Industry Association) en mars 2012.]] mais aucun résultat n’a été publié pour confirmer ces déclarations. L’étude indépendante révélée aujourd’hui le démontre : lutter contre le changement climatique ne coûte pas plus cher.» D’après Juliette Renaud, chargée de campagne sur les Industries extractives aux Amis de la Terre France: « L’Union européenne et l’industrie pétrolière ont tout intérêt à réaliser que, dès lors que l’on prend au sérieux les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport, les pétroles à haute intensité carbone, tels que les sables bitumineux et les huiles de schiste, n’ont pas d’avenir. Ce rapport montre une fois de plus que les arguments des pétroliers ne tiennent pas la route et ne sont que des excuses pour protéger leurs profits et continuer leurs projets climaticides, au prix d’impacts sociaux et environnementaux toujours plus grands. » Pour Jean-Baptiste Poncelet, chargé de mission Transports et Mobilité Durables à France Nature Environnement : « Réduire les émissions de CO2 des carburants est un des piliers de la politique climatique européenne en matière de transport. Dans un contexte de raréfaction des ressources en pétrole et de réchauffement climatique, il faut durablement renoncer aux hydrocarbures « non conventionnels ». La seule solution est de diminuer notre dépendance, unique condition pour éviter la tentation du pire. » Le 23 février dernier, une réunion des experts des États membres visant à trouver un accord sur les propositions d’application de la Commission européenne se soldait par un échec, imposant un nouveau retard. La pression des lobbies canadiens et des compagnies pétrolières avait en effet trouvé des soutiens surprenants de la part de pays tels que la France, qui se veut pourtant fer de lance de la lutte contre le changement climatique. Les Ministres de l’Environnement des 27 États membres seront appelés à prendre une décision dans les mois qui viennent. Les Amis de la Terre et France Nature Environnement attendent du nouveau gouvernement français qu’il ne cède pas aux lobbies et soutienne les efforts de la Commission européenne. – Une analyse des principales implications du rapport par T&E est disponible ici. – Un résumé du rapport est disponible ici. – Pour plus d’informations sur la directive sur la qualité des carburants, cliquez ici. – Pour plus d’informations sur le vote du 23 février 2012, cliquez ici.