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The Conversation France

Pourquoi bouder l’alimentation bio malgré la réduction de l’écart de prix avec les produits conventionnels ?

La réponse par Cindy Lombart, Olga Untilov (Audencia) et Didier Louis (Université de Nantes)

Choisit-on consciemment ce que l’on mange ? Chaque jour, nous favorisons, à travers nos choix alimentaires, un type d’agriculture plutôt qu’un autre. Les aliments ultra-transformés par l’industrie agro-alimentaire représentent une part toujours plus grande de notre alimentation. Et l’agriculture biologique est confrontée à un paradoxe, soulevé par les chercheurs en économie et gestion Cindy Lombart, Olga Untilov (Audencia ) et Didier Louis (Université de Nantes) pour The Conversation France.  Le label AB a mieux résisté à l’inflation que le modèle industriel et a désormais des prix plus proches des produits conventionnels, mais il est de plus en plus boudé par le consommateur. 

L’alimentation bio toujours boudée malgré la réduction des écarts des prix avec les produits conventionnels

Les produits bio ont subi une nette perte de popularité en 2023. monticello/Shutterstock

Cindy Lombart, Audencia; Didier Louis, Université de Nantes et Olga Untilov, Audencia

Le constat est sans appel : les Français délaissent les produits biologiques. En 2023, leurs ventes ont baissé en volume (-11,3 %) et en valeur (-3,1 %), dans les enseignes bio, type Biocoop, La Vie Claire (-8,6 %), ainsi qu’en grandes et moyennes surfaces (-4,6 %). Pourtant, les écarts de prix entre produits alimentaires bio et conventionnels se sont réduits. Alors comment expliquer cette perte de succès des produits labellisés AB ?

Les raisons de cette chute ?

Le prix du caddy reste le nerf de la guerre. Et dans leur grande majorité (71 %), les consommateurs perçoivent les prix des produits biologiques comme trop élevés, par rapport aux bénéfices qu’ils apportent et aux prix des produits conventionnels. Dans les faits, les produits biologiques sont généralement de 20 à 30 % plus chers. Cette différence de prix est encore davantage un frein à l’achat des produits biologiques pour les consommateurs occasionnels et pour les consommateurs fortement préoccupés par leur pouvoir d’achat.

Ensuite, les consommateurs ne semblent plus nécessairement convaincus par les promesses fondatrices des produits biologiques : bon pour leur santé et bon pour l’environnement. Ils ne sont que 17 % à penser que manger sainement signifie manger des produits biologiques. L’apparition d’autres labels environnementaux, tels que Label Naturel, Haute Valeur Environnementale (HVE), a également brouillé les perceptions des consommateurs. Ces derniers ne savent pas ce que recouvrent ces différents labels avec leurs points de différences et de similarités.

Enfin, d’autres promesses plaisent plus aux consommateurs, telles que la promesse de produits locaux. Une grande majorité de consommateurs (86 %) déclare faire davantage confiance à un produit local qu’à un produit biologique. Et cela pour plusieurs motifs : meilleure qualité, prix plus justes, levier de soutien de l’économie locale et de protection de l’environnement. Dès lors, certains consommateurs compensent la consommation de produits biologiques par la consommation de produits locaux. D’autres privilégient le bio local dont les ventes sont en croissance de 3,9 %

Les produits locaux bénéficient eux d’une bonne réputation auprès des consommateurs. SvetlanaSF/Shutterstock

L’impact de l’inflation sur les prix des produits biologiques

Les taux d’inflation à 2 chiffres (11,9 %) en 2023 (vs 3,1 % début 2024) ont marqué les esprits des Français autant que les étiquettes de prix. Les prix ont fortement augmenté. Le pouvoir d’achat est ainsi devenu la 1ère préoccupation des Français (77 %) et ils ont davantage pris l’habitude de comparer les prix (62 %).Or, plus les individus sont préoccupés par leur pouvoir d’achat, moins ils achètent de produits biologiques.

Les prix des produits biologiques n’ont certes pas été épargnés par l’inflation. Mais l’écart avec les produits conventionnels est resté stable ou, pour certains produits, a pu diminuer. Par exemple, le beurre bio a vu son prix passer de 10 euros/kg en janvier 2021 à 11 euros/kg en décembre 2022 quand le beurre non bio a vu son prix passer de 8 euros/kg à 10 euros/kg.

Les produits bio ont de fait mieux résistés à l’inflation que les produits conventionnels, car ils n’ont logiquement pas été impactés par la hausse des coûts des produits phytosanitaires, principalement produits en Russie. Quant aux produits bio locaux, ils ont été moins impactés par les fluctuations des cours sur les marchés mondiaux, liées à la guerre en Ukraine.

Mais malgré la réduction des écarts de prix entre les produits bio et les conventionnels, un cercle vicieux s’est mis en place. Les consommateurs ont acheté moins de produits biologiques et les enseignes, surtout les grandes et moyennes surfaces, ont fait des coupes dans leurs assortiments en défaveur des produits biologiques (-10,9 %). Les espaces dédiés en magasins, qui ne proposaient que des produits biologiques, ont été supprimés.

Les produits biologiques sont, pour la plupart, retournés dans les rayons de leurs catégories de produits d’origine, près des produits conventionnels, non biologiques. Un déplacement loin d’être anodin, qui a de fait contribué à rendre les produits biologiques moins visibles et attractifs, et qui a rendu la comparaison entre produits biologiques et conventionnels encore plus simple, notamment aux niveaux des prix, les produits étant à nouveau côte à côte. Les consommateurs ont dès lors davantage noté le différentiel de prix entre produits conventionnels et biologiques, en défaveur des produits biologiques.


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Des constats à relativiser !

Ce désengouement apparent des consommateurs français pour les produits biologiques est cependant à relativiser en fonction de différents profils de consommateurs. D’après la fondation Jean-Jaurès et Circana, la surconsommation de produits biologiques est la plus importante pour les conso-style « hyper urbains cosmopolitains » et « quartiers bourgeois ». Donc, même si les produits bio sont en moyenne plus chers, ce ne serait pas pour autant le revenu qui expliquerait cette surconsommation localisée, mais davantage un niveau de diplôme plus élevé ainsi qu’un degré d’urbanité plus important. Un constat qui rejoint celui de l’Agence Bio et de l’Obsoco qui indiquent que les consommateurs convaincus par le bio (29 %) sont des CSP +, diplômés. Ces conclusions posent cependant la question de la démocratisation des produits biologiques afin de toucher plus de profils de consommateurs et des consommateurs regardant avant tout les prix.


Aliments ultra-transformés : comment ils modèlent notre agriculture

L’industrie agro-alimentaire qui produit un très grand nombre d’aliments ultra-transformés (AUT) vendus en masse dans nos super et hypermarchés reste sans visage médiatique. Si le grand public a de plus en plus conscience que ces produits sont néfastes pour la santé, il est sans doute plus ignorant de la façon dont les aliments ultra-transformés modèlent notre agriculture.


Une notion à intégrer : celle de prix juste

Cette question du prix est bien plus vaste que la seule étiquette finale apposée sur le produit. Car elle correspond rarement à ce qu’on appelle le prix juste, c’est-à-dire

« le prix raisonnable et justifié aux yeux des consommateurs prend en compte de façon exhaustive l’ensemble des coûts (économiques, environnementaux et sociaux) engendrés tout au long du cycle de vie du produit.

Il garantit une valeur au consommateur et une transparence, ainsi qu’une répartition équitable des coûts et profits entre tous les acteurs de la chaîne de valeur ».

Autre divergence notable : celle entre le prix indiqué et le véritable coût d’un produit, si l’on inclut les coûts cachés (les impacts environnementaux et sanitaires de la production, comme de la consommation). En 2020, aux États-Unis, il était estimé qu’en incluant le montant des coûts cachés de l’alimentation, on arrivait à près du double des dépenses alimentaires. En Allemagne, certains supermarchés ont décidé d’expliciter cette différence en affichant côte à côte le prix de vente et le coût environnemental d’un produit.

En France, plus de la moitié des consommateurs (62 %) ne comprennent pas bien, pour les prix des produits alimentaires, ce qui revient à chaque acteur de la chaîne de production.

Il est important que les consommateurs perçoivent le prix des produits biologiques comment étant justes. Car ces prix justes leur permettent d’être davantage satisfaits, d’avoir davantage confiance et d’acheter davantage de produits biologiques.

Une solution ponctuelle : les promotions

Les promotions, en plus d’éventuels prix bas ou petits prix selon les appellations, pourraient être un moyen de recruter de nouveaux consommateurs et de baisser les prix, de façon ponctuelle. La majorité des consommateurs (55 %) attendent qu’un produit soit en promotion pour l’acheter. Quel que soit leur niveau de préoccupation pour leur pouvoir d’achat, les consommateurs vont davantage acheter des produits biologiques en promotion, par rapport aux mêmes produits conventionnels qui ne sont pas en promotion.

En revanche, quand les consommateurs les plus fortement préoccupés par leur pouvoir d’achat ont le choix entre des produits biologiques en promotion et les mêmes produits conventionnels en promotion, ils vont davantage acheter les produits conventionnels. Autrement dit le signal de la promotion profite davantage aux produits conventionnels qu’aux produits biologiques. De surcroît, cette technique marketing, qu’est l’offre de promotions, pose la question, pour les consommateurs plus fidèles, de sa justesse et d’une potentielle dégradation de l’image responsable des produits biologiques, au bénéfice de leur image prix.

Une solution pérenne : les affiches en magasins et/ou en rayons

Si les promotions semblent ainsi n’être qu’une solution ponctuelle, la mise en avant des produits bio, en utilisant des affiches en magasins et/ou en rayons, pourrait s’avérer plus efficace. En effet, rendre les produits bio plus « visibles » permettrait à certains non-consommateurs (22 %) de développer le réflexe d’acheter et de consommer ces produits. Les affiches en magasins et/ou en rayons pourraient mettre en avant des éléments liés à l’impact sur la santé de l’agriculture biologique et/ou l’impact environnemental de celle-ci, car seulement la moitié de Français considèrent avoir suffisamment d’informations quant à ces aspects.

Cindy Lombart, Professeure de marketing, Audencia; Didier Louis, Maître de conférences, techniques de commercialisation, IUT de Saint-Nazaire, Université de Nantes et Olga Untilov, Professeur assistant en marketing, Audencia

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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