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Décryptage

Ecoblanchiment : quand les 4×4 sauvent la planète

Par Jean-François Notebaert et Wilfrid Séjeau aux Editions Les Petits Matins (LPM)

En anglais, on parle de « greenwashing » en français, d’écoblanchiment : une technique de marketing consistant à donner une image écolo à une entreprise quelles que soient ses pratiques. Cest ainsi que Monsanto promeut des pesticides supposés protéger les plantes, que Renault vante une voiture « allégée en CO2 », ou que le groupe Carrefour s’empare du vocabulaire de la décroissance. Les thèmes du développement durable gagnant en impact et en notoriété dans la société, les entreprises – mais aussi les politiques – usent et abusent de ce procédé trompeur. Les auteurs de ce livre, qui fera référence, analysent les ressorts de cette imposture et pointent l’antinomie qui existe entre les logiques marchandes actuelles et les impératifs environnementaux. Ils montrent également comment la résistance s’organise, par l’interpellation citoyenne, le boycott, voire des attaques en justice.

Références : Ecoblanchiment : quand les 4×4 sauvent la planète de Jean-François Notebaert et Wilfrid Séjeau – Editeur : Les Petits Matins (LPM) – Parution : 22/03/2010 – 190 pages – EAN13 : 9782915879681 – Prix public : 18 € – Achetez l’ouvrage « Ecoblanchiment. Quand les 4×4 sauvent la planète » chez notre partenaire Amazon.fr en cliquant ici.

Extrait : naissance de l’écoblanchissement

Par Jean-François Notebaert et Wilfrid Séjeau
Ecoblanchiment : quand les 4x4 sauvent la planète de Jean-François Notebaert et Wilfrid Séjeau - Editeur : Les Petits Matins (LPM) - Parution : 22/03/2010 - 190 pages - EAN13 : 9782915879681 - Prix public : 18 €
Ecoblanchiment : quand les 4×4 sauvent la planète de Jean-François Notebaert et Wilfrid Séjeau – Editeur : Les Petits Matins (LPM) – Parution : 22/03/2010 – 190 pages – EAN13 : 9782915879681 – Prix public : 18 €
« Il y a peu encore, les discours écologistes provoquaient surtout des sourires en coin et des railleries faciles. Cette attitude persiste d’ailleurs dans certaines publicités, comme celle de Volkswagen qui caricature, non sans humour, des écologistes retournant à la vie préhistorique pour réduire leurs émissions de CO2. Néanmoins, face aux scandales écologiques à répétition, la problématique environnementale a gagné du terrain. Le prix Nobel de la paix décerné conjointement en 2007 au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui a révélé la gravité du changement climatique en cours, et à Al Gore, pour son film Une vérité qui dérange, a montré de manière éclatante que l’écologie est devenue une question majeure de notre devenir. Longtemps, le monde économique s’est peu soucié des impacts écologiques de la production ; le développement de produits « verts » demeurait cantonné à de petites niches pour consommateurs militants, qui devaient fournir de réels efforts pour effectuer des achats en cohérence avec leurs aspirations. Pour promouvoir leurs marques, les publicitaires mettaient essentiellement en avant le prix des produits, parfois leur qualité, leur caractère « tendance », leur authenticité, leur praticité, mais presque jamais la protection de l’environnement. Les mentalités ont évolué et, aujourd’hui, l’impact des achats sur l’environnement est devenu un élément important de la décision [[Voir le rapport « Europeans’ attitudes towards the issue of sustainable consumption and production », consultable gratuitement à cette adresse : ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_256_sum.en.pdf.]]. Les fabricants de lessive sont probablement les premiers à avoir avancé, de façon timide, des arguments commerciaux écolos. Au début des années 1980, une publicité montrait un scientifique en blouse blanche dans un espace bucolique, qui disait : « Ce petit coin de nature est l’endroit idéal pour vous présenter le nouveau Le Chat machine. » Le Chat, appartenant au groupe Henkel, continue aujourd’hui d’utiliser l’argument écologique. Son slogan affirme : « L’écologie, c’est le moment d’en parler moins et d’en faire plus. » Et nous pouvons lire sur l’étiquette : « lessive écologique »… bien que l’emballage ne porte aucun label officiel. Alors, écolo, Le Chat ? Non ! Pour l’Observatoire indépendant de la publicité, « toute la mise en scène du produit laisse penser que ce dernier est écologique. Ce n’est pas le cas. Finalement, Le Chat n’aurait-il pas dû se taire ? Sans doute l’un des pires cas avérés de greenwashing. » Il est pourtant à noter que le Jury de déontologie publicitaire, qui statue sur les plaintes du public envers des publicités, a rejeté celle portée à l’encontre de cette marque le 16 juillet 2009 [[Voir http://www.jdp-pub.org/Henkel-Le-Chat.html.]]. L’argument écologique pouvant être utilisé sans risque, le thème de l’environnement et du développement durable dans les messages publicitaires ne cesse de progresser, comme l’indique le rapport d’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) publié en septembre 2009 [[Voir : www.arpp-pub.org/IMG/pdf/Rapport_DD_vdef.pdf (rapport sur l’utilisation publicitaire de l’argument écologique, dénommé « Bilan 2009 Publicité et Environnement »).]]. Il y est indiqué que, « d’année en année, le nombre de ces messages ne cesse de croître. En trois ans, il a plus que quintuplé » (entre 2006 et 2009). En effet, les arguments verts faisant vendre, ils sont largement utilisés. Aujourd’hui, 6 % des visuels diffusés usent de la thématique écologique. Or, selon l’Observatoire indépendant de la publicité [[Voir : http://observatoiredelapublicite.fr/.]] et diverses ONG spécialisées dans la protection de l’environnement, nombre de publicités employant de tels arguments sont trompeuses pour le consommateur. D’où l’emploi du terme greenwashing, traduit en français par « écoblanchiment » : le procédé consiste à donner à une entreprise une image écolo, privilégiant un développement durable, alors qu’elle fabrique et/ou vend des produits polluants ». L’art du double discours « La communication des grandes entreprises a évolué de façon paradoxale. Celles qui ont le plus à se faire pardonner en matière de dégradation de l’environnement sont souvent les mêmes qui ont le plus massivement investi le champ de la communication verte. Face à des citoyens et à des consommateurs de plus en plus sensibles à la protection de l’environnement, elles doivent corriger leur image pour conserver des clients qui savent désormais que le contenu de leur panier a une influence sur la qualité de vie des générations futures. Le pouvoir d’achat est désormais perçu, à juste titre, comme un pouvoir tout court. Et même si les campagnes de boycott à l’égard de certaines sociétés n’ont jamais provoqué d’engouement majeur en France, il n’en demeure pas moins que les décisions d’achat ne se font plus uniquement en fonction du prix. La demande de produits plus éthiques est en plein boom, et les entreprises qui traînent une image désastreuse en matière d’écologie se font du souci : il est urgent de mettre le paquet sur la com’ pour redresser une image de pollueur ou d’entreprise ennemie de l’environnement. Bref, pour éviter la fuite des porte-monnaie, la communication des entreprises a recyclé à sa manière le discours écologique. Certaines enseignes l’ont analysé, disséqué, puis intégré à leur stratégie de communication sur leur site Internet, dans leurs publicités (affichage, radio, télévision, presse…), sur leurs produits, etc. Pour savoir quelles sont les multinationales les plus prédatrices à l’égard de notre planète, il suffirait presque de relever le nom de celles qui investissent le plus dans la communication verte ! L’une des entreprises pratiquant l’écoblanchiment avec le plus d’audace est sans doute Total. Cette entreprise est reine de la dégradation des plages françaises, spécialiste du mazoutage des mouettes, elle a pollué à plusieurs reprises l’estuaire de la Loire [[Site Internet Novethic, « Raffinerie Total à Donges : troisième fuite en 18 mois », mis en ligne le 24 octobre 2008. En mai 2007, mars 2008 et octobre 2008, la raffinerie Total à Donges (Loire-Atlantique) a pollué trois fois l’estuaire de la Loire. Polluer un site aussi fragile, unique, que l’estuaire de la Loire en moins de dix-huit mois relève d’une incompétence remarquable. La région de la raffinerie, qui abrite de nombreux oiseaux, est classée zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique (Znieff), réserve de faune sauvage et Natura 2000.]]… mais elle communique vert. Dans l’une de ses campagnes intitulée « Communauté d’intérêts », elle interroge notamment : « Et si lutte contre le réchauffement climatique et satisfaction des besoins en énergie étaient indissociables ? » Une belle façon de brouiller les cartes : on en oublierait presque qu’il s’agit avant tout d’un groupe pétrolier et gazier. Comment dissocier l’information de la communication commerciale, le vrai du faux ? L’exploitation d’hydrocarbures n’est-elle pourtant pas le principal contributeur de gaz à effet de serre ? On pourrait en douter avec cette belle affiche illustrant l’osmose avec la nature ». Le même business, la bonne conscience en plus « D’autres entreprises sont passées maîtres dans l’art de l’écoblanchiment. L’industrie automobile va-telle arrêter de produire des 4×4 ? Non, elle nous fait croire que ces gloutons et polluants véhicules sont respectueux de l’environnement. EDF va-t-il cesser de produire des déchets radioactifs pour des centaines de milliers d’années ? Non, il communique sur les quelques éoliennes qu’il implante poussivement, avec des années de retard, sur notre territoire. Les chaînes d’hypermarchés vont-elles arrêter de proposer des produits qui ont parcouru des dizaines de milliers de kilomètres avant d’arriver dans les rayonnages ? Non, elles lancent une campagne reprenant des slogans proches de ceux du mouvement en faveur de la décroissance et saupoudrent quelques produits équitables en magasin. Il ne s’agit plus de se désintéresser du discours écologiste, mais de l’intégrer, de le digérer, pour continuer à faire le même business, la bonne conscience en plus. Changer de discours pour que rien ne change en réalité, voilà ce que nous proposent les « écoblanchisseurs ». Nous tenterons donc de comprendre comment et pourquoi se développent ces pratiques, et quelles en sont les conséquences pour la société et la planète. Pour cela, nous évoquerons quelques exemples frappants d’écoblanchiment, dont certaines tentatives tellement ahurissantes qu’elles en deviendraient cocasses si la crise écologique n’était si sérieuse. Les entreprises n’ont d’ailleurs pas l’apanage des faux nez écolos, comme en témoigne la colossale communication politique des élus des Yvelines, qui ont tenté d’associer l’idée de développement durable à un projet de circuit de Formule 1 sur une zone destinée à l’agriculture biologique. L’évocation de ces différents cas nous permettra de poser cette question fondamentale : est-il possible de concilier réellement économie et écologie ? Est-ce aux entreprises de prendre en charge la problématique de la protection de l’environnement ? Peut-on attendre autre chose du monde économique que des campagnes de communication ? Les logiques de profit à court terme, qui régissent actuellement le développement économique, sont-elles compatibles avec les idées du développement durable, de préservation des ressources de la Terre pour les générations futures ? Nous verrons également que les citoyens et le monde associatif ne restent pas sans réagir devant les mensonges de l’écoblanchiment. La résistance se développe sous des formes diverses. Selon le principe de l’arroseur arrosé, les tenants de l’écoblanchiment pourraient pâtir d’une défection de la frange la plus sensibilisée des citoyens-consommateurs, écoeurée par ces pratiques. Enfin – touche d’espoir –, nous montrerons que, pour certaines entreprises, le développement durable n’est pas qu’une affaire de communication. Des responsables s’engagent dans des productions réellement respectueuses de l’environnement, pour des raisons certes pragmatiques – il y a un marché en plein essor, soutenu par des acheteurs vigilants à qui on ne peut plus raconter n’importe quoi –, mais aussi en vertu de leurs convictions ». – Vous pouvez téléchargez cet extrait au format PDF en cliquant ici. – Achetez l’ouvrage « Ecoblanchiment. Quand les 4×4 sauvent la planète » chez notre partenaire Amazon.fr en cliquant ici.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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