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Financer la transition énergétique française : enjeux et solutions

Financer la transition énergétique française : enjeux et solutions
Financer la transition énergétique française : enjeux et solutions

Lors de la COP28 à Dubaï, le directeur général de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables s’est déclaré « très inquiet » quant aux capacités de financement de la transition énergétique mondiale. Un phénomène qui touche particulièrement la France, où nombre d’investisseurs se montrent frileux face au risque intrinsèque d’un secteur d’innovation, contraignant les entreprises à explorer des voies alternatives. Explications.

En novembre 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, rappelait les enjeux clés pour la France : « Nous avons un avenir si nous savons tenir ensemble trois grands objectifs : le climat, l’industrialisation et la souveraineté ». Pour cela, l’accompagnement des entreprises nationales engagées dans ce secteur est essentiel. Un rapport du Trésor du 5 décembre 2023 souligne que 110 milliards d’euros supplémentaires, en investissements tant publics que privés, seront nécessaires pour mettre en place la transition énergétique française. Un effort indispensable, les industriels français engagés pour la décarbonation rencontrant de plus en plus de difficultés pour financer leurs innovations.

Investissements bas-carbone en 2021 et 2030Le référentiel ABCDE des coûts d’abattement et exemple d’application à la rénovation énergétique

Le référentiel ABCDE des coûts d’abattement et exemple d’application à la rénovation énergétique

Bpifrance et l’Ademe proposent un certain nombre d’outils aux entreprises engagées dans la transition énergétique pour se développer. Cependant, malgré les promesses du président de la République, les temps sont durs. Paul-François Fournier, directeur innovation de Bpifrance rappelait en mai 2023 dans Les Echos que les 22 milliards d’euros investis en 2022 par son organisme n’étaient pas suffisants. « Le privé doit prendre le relais pour le financement de l'innovation en France », martelait-il. Un rapport de la cour des comptes daté de 2021 soulignait également les efforts à fournir par la France dans ce domaine, en dépit des progrès réalisés. Les magistrats se montraient presque inquiets des conséquences de ce manque d’investissement sur l’innovation : « La position de la France, un peu au-dessus de la moyenne européenne, ne saurait satisfaire alors même que la position de l’Union Européenne s’érode par rapport à ses compétiteurs et notamment la Chine ».

Evolution des aides publiques directes et des incitations fiscales à la R&D des entreprises entre 2006 et 2017 (en pourcentage du PIB)
Evolution des aides publiques directes et des incitations fiscales à la R&D des entreprises entre 2006 et 2017 (en pourcentage du PIB)

Le rendez-vous manqué du secteur bancaire

De son côté, le secteur privé réussit-il à compléter les investissements de l’Etat, comme le souhaite Paul-François Fournier ? Les financements classiques auprès des banques ne sont malheureusement plus aussi simples d’accès pour les entreprises engagées dans la transition énergétique… Alexandre Borgoltz, directeur général de DBT (Douaisienne Basse Tension), une PME pionnière dans les bornes de recharge pour véhicules électriques, expliquait récemment ses difficultés à financer son entreprise par ce biais malgré des perspectives de développement intéressantes. « Sur un marché qui n’était financièrement pas assez mûr, nous nous sommes retrouvés à sec au tournant des années 2020, explique ce chef d’entreprise. Or, quand vous êtes une PME qui traverse trois ans “dans le rouge”, il n’y a plus aucune banque pour vous soutenir ».

Le cas de cette entreprise est emblématique de son secteur, avec des besoins en financement souvent urgents, mais des perspectives de croissance plus lointaines, puisqu’il s’agit de cycles d’innovation… Une réalité qui effraie souvent les investisseurs privés. De plus, le secteur s’est doté de règlementations plus strictes depuis la crise des subprimes de 2008. Les accords de Bâle III, conclus en 2010, ont cherché à consolider le secteur bancaire en réduisant son exposition aux risques les plus élevés. Le revers de la médaille est qu’un certain nombre de PME et d’ETI, gourmandes en fonds propres, se sont retrouvés en difficulté pour poursuivre leur croissance, ou franchir les caps difficiles de leur business plan.

Ces difficultés à trouver des investissements “classiques” venant de partenaires publics ou privés sont un véritable fardeau pour l’économie française et sa compétitivité dans le domaine de l’énergie. Le rapport de la cour des comptes cité précédemment pointait ainsi les importantes limites des entreprises françaises en termes d’investissement en R&D. En 2020, la France avait consacré 2,2 % de son PIB à ce secteur essentiel à la compétitivité, loin de l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne et atteint par plusieurs pays, comme la Suède (3,27 % du PIB) ou l’Autriche (3,05 % du PIB).

Qu'est-ce qu'une OCABSA ?
Qu’est-ce qu’une OCABSA ?

La clef sous la porte… ou le recours aux OCABSA ?

Depuis plusieurs années maintenant, des financements alternatifs sont proposés pour pallier les défaillances des financements “classiques” publics et privés. Plusieurs types de solutions sont en effet envisageables selon que les entreprises sont cotées ou non : Crowdfunding, business angel, PACEO (Programmes d’Augmentation de Capital par Exercice d’Options) ou encore OCABSA (Obligations Convertibles en Actions avec Bons de Souscription d’Actions). Cette dernière option permet à une société cotée de sécuriser un financement sous la forme d'obligations convertibles au profit d’un investisseur. Une pratique qui n’est pas nouvelle sur le marché selon Edouard Narboux, PDG d’Aether Financial Services, entreprise spécialisée dans les transactions financières : « Ce type de financement alternatif a commencé au début des années 2000 avec les PACEO, une interprétation française des « equity line » réalisées aux Etats-Unis. Les OCABSA représentent une évolution de ce type de financement afin de répondre aux émetteurs dont le profil et les besoins ont évolué dans le temps ».

Plusieurs acteurs proposent aujourd’hui cette solution pour aider des entreprises dans l’impasse. Très engagés aux côtés des dirigeants, ces investisseurs ne craignent pas de se projeter vers des retours sur investissement pas immédiats, appuyés sur des business plans solides. C’est le cas d’Alpha Blue Ocean (ABO). C’est vers ce family office créé en 2017 qu’Alexandre Borgoltz s’est orienté lorsqu’il a cherché un financement alternatif : « En février 2020, nous avons signé un premier accord de financement avec Alpha Blue Ocean. Cela nous a permis d’honorer le carnet de commandes en cours et de « rebooster » toute l’activité. Je peux dire que ce partenariat financier nous a sauvé. Et c’est grâce à ce financement que nous pouvons afficher aujourd’hui de grandes ambitions ».

Frédéric Sutterlin, associé chez ABO, expliquait récemment les avantages liés aux OCABSA : « Nous nous substituons aux banques pour financer des activités risquées. Pour ces sociétés cotées, il est nécessaire de se financer par le marché. Nous proposons alors cette solution qui permet d’éviter que des sociétés déposent le bilan avant même d’avoir essayé de montrer leur potentiel ».

Si cet outil est décrié, car il a tendance à diluer les actionnaires, il reste une solution particulièrement intéressante pour ces derniers sur le moyen/long terme. Cyril Courtonne, président du conseil d’administration de Vergnet, groupe spécialisé dans la production d’énergie renouvelable, a également eu recours à ce mode de financement pour sortir l’entreprise d’une passe difficile. Il témoigne avoir été très clair avec ses actionnaires dès le départ : « Nous avions conscience de l'évolution du cours de bourse mais sans ce financement, la société, les emplois et le cours de l'action n'existeraient plus. Nous avions un double objectif : sauver le cours et la société. […] Nous avons scrupuleusement suivi et nous suivons toujours l'ensemble des recommandations de l'AMF pour informer le marché des caractéristiques et de l'effet dilutif de notre contrat de financement. L'actionnaire peut, de manière parfaitement éclairée, choisir d'investir ou non dans la société ». Une forme de pédagogie qui permet de profiter dans les meilleures conditions des avantages offerts par cet outil financier.

Le secteur des énergies nouvelles est de fait un terrain de rencontre favorable à une offre et à une demande de financement qui s’accordent au diapason du risque, autour de business plans solides ne courant pas après les bénéfices immédiats, mais proposant des solutions industrielles novatrices. Alors que se joue peut-être une guerre mondiale de l’énergie sous nos yeux, il serait malheureux pour la compétitivité française dans le domaine de la transition énergétique de manquer d’oxygène…

 

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