Un article du Journal de l’environnement
Par Sabine Casalonga
L’association de consommateurs UFC-Que choisir a exposé le 25 août ses propositions visant à renforcer la lutte contre la pollution de l’air intérieur dans le cadre du projet de loi Grenelle II, dont l’examen en première lecture devrait démarrer en septembre au Sénat.
«Nous passons 70 à 90% de notre temps dans les bureaux, les transports et les habitations. Or, plusieurs études ont montré que l’air intérieur était 5 à 10 fois plus pollué que l’air extérieur», rappelle Alain Bazot, président d’UFC-Que choisir. Une enquête conduite dans plus de 1.000 logements en 2001 et 2002 par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a montré que la majorité d’entre eux étaient très pollués, notamment à cause de l’émission de substances toxiques -composés organiques volatils (COV), fibres ou métaux- par les produits d’ameublement, de décoration (peintures, vernis) et de grande consommation (désodorisants, produits de nettoyage); mais aussi à cause d’une mauvaise ventilation.
Si la dangerosité pour la santé humaine de certaines substances est déjà démontrée, elle est seulement suspectée pour d’autres, fautes de données suffisantes. Certains COV seraient susceptibles d’entraîner des irritations de la peau et du système pulmonaire, des nausées, des maux de tête, voire des cancers, des altérations de la fertilité ainsi que des troubles du développement. En outre, l’effet «cocktail» d’une exposition simultanée à de multiples polluants est encore mal connu.
«Contrairement aux Etats-Unis ou à l’Allemagne, il n’existe pas de normes en France pour protéger la population», déplore Gilbert Rieu, administrateur national à l’UFC-Que choisir. La réglementation européenne Reach sur les substances chimiques représente le seul cadre juridique existant, jugé toutefois insuffisamment contraignant par l’association. «Reach ne s’applique qu’à 30.000 substances produites à plus d’une tonne par an sur plus de 100.000 substances commercialisées et l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) n’a pas le pouvoir de contraindre les fabricants à remplacer les substances toxiques», explique Christophe Le Guehennec, chargé de mission santé à l’UFC.
A l’occasion d’une conférence de presse, l’association a dévoilé hier les résultats d’une nouvelle enquête montrant que 5 modèles de moquette encollés sur 8 testés émettaient des substances nocives (formaldéhyde, toluène, éther de glycols) au-delà du seuil de 200 grammes par mètre cube (g/m3) 28 jours après la pose, seuil qui correspond à la norme américaine. En France, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) a fixé un seuil de 1.000 g/m3 à 28 jours pour les matériaux de construction. L’association précise que la substitution de la colle par des adhésifs doubles faces permet de supprimer l’émission de COV.
UFC-Que choisir demande la mise en œuvre immédiate des mesures votées dans la loi Grenelle I publiée le 3 août 2009. Son article 40 prévoit de soumettre les produits de construction et d’ameublement ainsi que les revêtements muraux et de sol, les peintures et vernis à un étiquetage obligatoire à partir du 1er janvier 2012, et d’interdire dans ces produits les substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2 (CMR 1 et CMR 2) au sens de la réglementation européenne.
Dans le cadre du projet de loi Grenelle II, l’association souhaite que ces mesures soient élargies aux produits de grande consommation. «Nous proposons d’interdire d’ici 3 ans tous les produits ou matériaux émettant des substances dangereuses [au sens de la classification européenne ou internationale ou de la liste des ‘substances prioritaires’ de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI)], et d’étendre cette mesure aux perturbateurs endocriniens», déclare Alain Bazot.
L’UFC préconise par ailleurs de traduire les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) en valeurs limites spécifiques pour le grand public, d’imposer aux professionnels des tests d’émission ainsi que l’étiquetage de leurs produits. Elle propose enfin des mesures incitatives (crédit d’impôt et prêt à taux zéro) pour l’installation de systèmes de ventilation à double flux (1) dans les logements, qu’elle souhaite rendre obligatoire pour les logements neufs et les bâtiments recevant du public.
L’ONG qui salue les recommandations du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) de janvier 2008 sur la pollution de l’air intérieur, espère leur traduction dans le Grenelle II.
(1) Un système qui permet de concilier renouvellement de l’air et économies d’énergies en réchauffant l’air froid entrant à partir des calories prélevées sur l’air chaud sortant.