La conférence de Cancun accouche, sous les applaudissements des pays rassemblés, d’un texte qui fait la quasi-unanimité. Ceux qui croyaient assister à la mort des négociations mondiales sur le climat en sont pour leurs frais. Bangladesh, Guyane, Zambie, Suisse, Brésil, Etats-Unis, Algérie, Union Européenne, Chine, Maldives… les uns après les autres, les délégués ont pris la parole en séance plénière pour dire «oui», avec force, au texte qui se veut le meilleur compromis possible sur les dossiers abordés.
La principale vertu du texte, adopté en dépit de l’opposition de la Bolivie, est d’inscrire dans le marbre de nombreux points de l’accord politique de Copenhague, qui n’a jamais été adopté par la convention de l’ONU, et de les décliner de façon plus précise et concrète. Le texte prévoit en particulier la création d’un Fonds Vert pour aider les pays en développement à lutter contre et s’adapter au réchauffement climatique. Les pays développés avaient promis à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020, mais l’origine de ces fonds n’a pas encore été identifiée. C’est la banque mondiale qui servira d’administrateur intérimaire pour le Fonds durant trois ans. Pour autant, les observateurs de cet accord feront valoir qu’il y a une absence de contraintes notamment envers les pays parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Les rapports produits par les grands pays émergents comme la Chine ou l’Inde sur leur émission de GES seront soumis à des consultations et analyses internationales (ICA), « non intrusives », « non punitives », et « dans le respect de la souveraineté nationale ». Certes, le climat n’a pas été sauvé ce samedi à Cancún, mais l’arène des négociations a été renforcée et la confiance rétablie. La Présidence mexicaine y est pour beaucoup. Par son organisation tempérée et sa volonté de transparence du début à la fin, elle a favorisé un climat propice au compromis. Nathalie Kosciusko-Morizet a souhaité saluer le travail exceptionnel de la Présidence Mexicaine qui a réussi à établir un dialogue transparent et ouvert à tous les pays pour parvenir à cet accord. « Alors que certains prédisaient un échec des négociations à Cancun, je suis très heureuse que la détermination et la volonté partagée par tous les pays d’avancer aient permis de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’accord obtenu comporte des avancées concrètes notamment en matière de lutte contre la déforestation, de transfert de technologies et de financement. Il lance une vraie dynamique en vue de la conférence de Durban l’année prochaine. Enfin et surtout, il sauve le système multilatéral de lutte contre le changement climatique de l’enlisement et de la faillite ». « L’Union européenne est venue à Cancún avec l’espoir d’arriver à un paquet (de décisions) équilibré », a déclaré la Commissaire européenne au Climat Connie Hedegaard. « Nous y sommes parvenus », a-t-elle poursuivi. « Ce texte, s’il n’est pas parfait, est incontestablement une bonne base pour aller de l’avant », a déclaré, de son côté, le négociateur américain Todd Stern. Pour Gaël Virlouvet, administrateur de France Nature Environnement (FNE) : « Cancun marque le retour de la confiance dans la démarche mondiale de lutte contre le changement climatique. Un pas nécessaire vient d’être franchi. Il reste évidemment de nombreux autres pas à faire, pour concrétiser les engagements et viser des objectifs plus ambitieux. Mais aujourd’hui, nous saluons l’élan collectif retrouvé. » Quelques progrès comme la lutte contre la déforestation… Un mécanisme de réduction des émissions issues de la destruction des forêts tropicales est enfin établi. Il inclut des mesures visant à préserver les droits et intérêts des communautés forestières ainsi que la biodiversité. De plus, la référence controversée au marché du carbone est pour l’instant abandonnée. Eglantine Goux, chargée de mission Forêt Internationale à France Nature Environnement, résume : « il y aura du travail en 2011 pour améliorer le dispositif REDD (qui concerne la déforestation), mais le pire a été évité, notamment l’entrée des forêts dans le marché du carbone. » Un coup d’accélérateur est aussi donné à la question de l’adaptation aux impacts du changement climatique pour les plus vulnérables. Cancún a permis la création du comité pour l’adaptation qui aura pour mission de mettre en cohérence les actions et d’assurer un soutien technique aux pays du Sud. …bien loin des mesures impératives « A Cancún, les pays signataires du Protocole de Kyoto ont reconnu que leurs engagements de réduction d’émissions ne permettent pas de maintenir l’augmentation des températures en deçà de 2°C d’ici à 2100. Selon le GIEC, ils doivent être compris entre -25% et -40% d’ici à 2020. Il faut maintenant dépasser le constat, et passer à l’acte ! » constate Karine Gavand de Greenpeace. « De plus en plus de pays européens se disent prêts à faire ce pas en avant, et soutiennent un objectif de 30% de réduction des émissions européenne d’ici à 2020, sans conditions. Ce n’est pas le cas de la France. En cette année 2010, qui bat des records de températures, il est grand temps que Nicolas Sarkozy cesse de freiner les ambitions climatiques européennes ! » « Alors qu’il était vital de sécuriser une deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto, ici à Cancún, rien n’est acquis », s’inquiète Sébastien Blavier du Réseau Action Climat. « Aucun calendrier n’a été fixé pour renouveler les objectifs de réduction des pays industrialisés alors que le premier cycle d’engagements prend fin en 2012. » « Cancún a abouti à la création du fonds climat que nous demandions et qui devra se concentrer sur l’adaptation des plus vulnérables aux conséquences du changement climatique, élément aujourd’hui délaissé. La France elle-même est loin de montrer la voie puisqu’elle ne consacre en 2010 que 10% de ses financements climat aux activités d’adaptation dans les pays pauvres et émergents » rappelle Romain Benicchio d’Oxfam France. « Par ailleurs, sans progrès sur la question des sources de financements en 2011, au G20 ou à la COP 17 de Durban, ce fonds restera une coquille vide. » Les mexicains ont débarrassé la communauté internationale du spectre d’un éclatement né à Copenhague. Le prochain rendez-vous est fixé à l’année prochaine à Durban (Afrique du Sud) où un accord à la mesure des enjeux pourra – et devra – être trouvé. En effet, s’il ébauche une architecture sur nombre de dossiers, le texte de Cancun n’apporte aucune nouveauté sur le niveau de réductions des émissions, jugé unanimement trop faible pour atteindre l’objectif des deux degrés.
COP 16 à Cancun : Un accord mondial sur le climat à portée de main.
Cancun, Mexique : Les gouvernements réunis depuis 2 semaines pour la COP 16 à Cancun sont arrivés, ce samedi matin, à un accord provisoire pour lutter contre les changements climatiques en prenant un certain nombre d’engagements.
Les gouvernements ont convenu d’un ensemble de décisions qui favoriseront les discussions au cours de la prochaine année, avec pour objectif, un accord final à l’issue de la COP17 à Durban, en Afrique du Sud.
« Après Copenhague, nous espérions que Cancun verrait naître un accord mondial sur le climat. A l’issue de ces deux semaines de négociations, nous pouvons mesurer des progrès dans de nombreux domaines, il reste cependant encore beaucoup de travail et de grand défis politiques à relever. » a déclaré Gordon Shepherd, Leader de la Global Climate Initiative WWF.
Prorogation du protocole de Kyoto : un processus en marche pour Durban
Alors que la deuxième phase du protocole de Kyoto semblait compromise, un processus a tout de même été mis en place en vue de la COP 17 qui se déroulera l’an prochain à Durban en Afrique du Sud.
Le Japon et la Russie devront alors faire face à la pression montante de la communauté mondiale concernant la prorogation de ce protocole.
Les Etats ont reconnu qu’il était impératif de diminuer les émissions de GES de 25 à 40 % d’ici à 2020 pour pouvoir atteindre une limitation de la hausse des températures de 2°C. L’enjeu à Durban sera de taille pour pouvoir garantir ces accords.
Des mécanismes pour lutter contre les changements climatiques
Point fort de l’accord préliminaire établit à Cancun : la création d’un fond vert et la mise en place de mesures de protection des forêts tropicales devant aider les pays en développement à lutter et s’adapter face aux changements climatiques.
« La décision de s’attaquer aux émissions dues au déboisement ne comprend pas tout ce que nous espérions, mais fournit déjà une base solide pour aller de l’avant et une crédibilité au processus REDD » a ajouté Gordon Shepherd. « Mais les négociateurs ont encore beaucoup à faire dans les prochains mois pour obtenir un accord mondial l’année prochaine à Durban ».
Il est impératif que l’Union Européenne et d’autres pays comme l’Inde et la Chine, prennent le leadership pour garantir un accord juridique contraignant. L’UE et les autres pays doivent également accroître leurs engagements d’atténuation pour réduire l’écart entre les émissions actuelles et les engagements pris, afin d’atteindre l’objectif des 2°C.
Les États-Unis doivent s’engager dans un processus clair de réduction de ses émissions de GES et prendre la voie d’une économie d’énergie propre. A Durban, ils devront rejoindre les pays présents et appuyer la mise en place d’un accord juridique contraignant.
Les 194 Etats présents à Cancun doivent maintenant élaborer des plans nationaux pour lutter contre le changement climatique et renforcer ainsi le processus international pour parvenir, l’année prochaine en à un accord significatif.
« Cancun a préservé le processus unosien de négociations. Les générations futures pèsent sur les consciences déléguées des 194 pays présents à Cancun. Un feu vert est donné à des propositions concrètes qu’il va falloir déterminer avant Durban en 2011. C’est pour cela que ce qui devra être réalisé par chaque pays, dont la France, pour atténuer les effets du péril climatique, sera essentiel. » a déclaré Serge Orru, Directeur général du WWF-France.
Les décisions de la conférence de Cancun sur le climat (COP16) par Christian Brodhag
Résultats des travaux du Groupe de travail ad hoc sur le long-terme au titre de la Convention.
Projet de décision -/CP.16 (sommaire en français traduction non officielle)
I. Une vision partagée pour une action concertée à long terme
II. Action renforcée pour l’adaptation
III. Action renforcée pour l’atténuation
A. Engagements d’atténuation ou des actions appropriées au niveau national
B. Mesures d’atténuation appropriées au niveau national par les pays en développement Parties
C. Approches politiques et incitations positives sur les questions relatives à la réduction des émissions résultant du déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement, et le rôle de la conservation, la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement
D. Diverses approches, y compris les possibilités de recours aux marchés, visant à améliorer le rapport coût-efficacité et à promouvoir des mesures de réduction, compte tenu des différentes caractéristiques des pays développés et en développement
E. Les conséquences économiques et sociales des mesures de riposte
IV. Finances, technologie et renforcement des capacités
A. Finances
Les finances à mise en oeuvre rapide
Le financement à long terme
Fonds vert pour le climat
Comité permanent
B. Développement technologique et transfert
Programme de travail du Groupe de travail spécial sur la coopération à long terme au titre de la Convention en 2011 sur le développement et le transfert technologique
C. Renforcement des capacités
V. Examen
VI. Autres questions
Parties visées à l’annexe I de la Convention qui sont en transition vers une économie de marché
Parties visées à l’annexe I de la Convention dont les circonstances spéciales sont reconnues par la Conférence des Parties
VII. Extension du Groupe de travail ad hoc sur l’action concertée à long terme
Annexe I : Orientations et de garanties pour des approches politiques et des incitations positives sur les questions relatives à la réduction des émissions résultant du déboisement et de la dégradation des forêts dans les pays en développement, et le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement
Annexe II : Programme de travail de l’Organe subsidiaire de Conseil scientifique et technologique sur les approches politiques et les incitations positives sur les questions relatives à la réduction des émissions résultant du déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement, et le rôle de la conservation, la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestiers dans les pays en développement
Annexe III : Termes de référence pour la conception du Fonds vert pour le climat
Annexe IV : Composition et le mandat du Comité exécutif de la technologie
Vous trouverez également dans le dossier d’actualité réalisé par Médiaterre l’ensemble des retransmissions en vidéo des interventions des représentants des délégations qui se sont exprimés en français à la tribune de l’ONU.
Dossier Médiaterre sur la COP16