Dans un nouveau rapport, dévoilé aujourd’hui à la Maison du Zéro Déchet, Zero Waste France, le Réseau National des Ressourceries et Recycleries et les Amis de la Terre France pointent l’emballement de la production dans l’ameublement et la décoration. Les associations demandent au gouvernement de prendre des mesures pour encadrer les pratiques du secteur et soutenir les alternatives, comme le réemploi et la réparation.
Un surinvestissement de la maison désastreux pour l’environnement
Entre 2017 et 2022, le nombre d’éléments d’ameublement mis sur le marché en France a augmenté de 88%, passant de 269 à 505 millions d’unités mises sur le marché. Le nombre de déchets d’éléments d’ameublement (DEA) collectés a quant à lui été multiplié par un peu plus de 2 entre 2014 et 2020, selon l’Ademe.
MISES SUR LE MARCHÉ D’ÉLÉMENTS D’AMEUBLEMENT
PAR CATÉGORIES, EN MILLIERS DE TONNES
Aujourd’hui, les éco-organismes dédiés collectent 1,3 million de tonnes de déchets d’ameublement, soit seulement 42% en tonnage des éléments mis sur le marché. Près de la moitié de ces déchets collectés sont non-réutilisables, non-réparables et non recyclables. Ainsi, ils sont purement et simplement brûlés en incinérateur et en cimenterie, ou enfouis en décharge.
Fast-fashion, fast-déco : même combat
Au-delà des quantités astronomiques de meubles et d’éléments de décoration mis sur le marché, d’autres facteurs attestent de l’émergence d’un système de fast-déco reposant sur les mêmes pratiques que la fast-fashion : renouvellement rapide des collections, conditions de travail parfois contraires à la dignité humaine, dumping environnemental et social, prix très bas et promotions permanentes, utilisation des réseaux sociaux et “gamification”…
Aujourd’hui, une enseigne milieu de gamme comme Maisons du Monde commercialise chaque année 3 000 nouvelles références, parmi les 15 000 proposées. De nouveaux acteurs, comme Shein et Action, ont fait irruption sur le marché de la déco low-cost, en s’appuyant sur des communautés très actives sur les réseaux sociaux, friandes de “hauls” et d’”unboxing”. Résultat : 46 % des acheteur·ses de produits de décoration renouvellent au moins une fois par an des éléments de leur pièce à vivre.
Le réemploi et la réparation, des alternatives qui ont besoin de soutien
Il existe des alternatives efficaces pour limiter l’impact des meubles et de la décoration, comme le réemploi et la réparation. Selon une estimation de RREUSE, réseau européen des entreprises sociales du réemploi, les activités de ses membres ont permis en 2022 de détourner environ 1 million de tonnes de marchandises et de matériaux de sites d’enfouissement où ils auraient dû finir leur vie, et d’étendre la durée de vie d’environ 214 500 tonnes d’objets grâce au réemploi. Cette activité compense ainsi chaque année les émissions annuelles de CO2 de plus de 108 000 citoyen·nes européen·nes.
Mais bien que le réemploi et la réparation soient légalement prioritaires sur le recyclage et l’incinération, ces activités restent marginales. Par exemple, le taux de meubles réemployés, parmi ceux collectés par les éco-organismes, est en baisse constante depuis 2017 et n’a jamais dépassé 3%.
En particulier, le réemploi des meubles se heurte à de nombreuses difficultés, du fait de la baisse de qualité des objets collectés, du manque de foncier pour gérer ce flux particulièrement consommateur d’espace, du risque de détérioration des objets pendant la collecte, mais aussi du manque de financement du réemploi et de la réparation.
Les propositions des associations pour mettre la fast-déco au placard
Zero Waste France, Les Amis de la Terre France et le Réseau National des Ressourceries et Recycleries demandent des mesures contraignantes pour :
- réduire les quantités de meubles et éléments de décoration commercialisées en France, afin de respecter la limite de +1,5°C fixée par l’Accord de Paris.
- doubler les montants investis pour le développement du réemploi dans le secteur de l’ameublement et de la décoration, sous l’impulsion de l’Etat.
- soumettre les éléments de décoration au principe du pollueur-payeur à travers la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) dédiée, au même titre que les éléments d’ameublement.
- limiter et encadrer les pratiques marketing et la publicité incitant à la surconsommation.
- faire baisser le coût de la réparation des meubles et éléments de décoration sous le seuil psychologique de 33% du prix neuf, grâce à des aides adaptées (“bonus réparation”).
- interdire ou a minima mettre en place des pénalités fortement dissuasives dès 2025 pour les produits non recyclables ou fabriqués avec des ressources non gérées durablement, comme les fleurs en plastique.