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Une note d'Irstea

Préserver la biodiversité : une nécessité économique et sociale

pour l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture

La biodiversité est menacée par la surexploitation, la destruction et la fragmentation des habitats, l’introduction d’espèces envahissantes et les pollutions. La préservation et la restauration des écosystèmes, fondées sur la reconnaissance de leur apport économique et social, sont au cœur du projet du gouvernement qui veut renforcer et renouveler les politiques publiques en faveur de la biodiversité. L’objectif du projet de loi biodiversité, qui sera examiné au Parlement au cours de l’été, est de renouveler, en posant de nouveaux principes fondamentaux, la vision de la biodiversité, des services qu’elle rend à l’homme et les principes d’actions qui doivent permettre sa protection et sa restauration. Ce projet de loi introduit ainsi pour la première fois la notion de services écosystémiques, c’est à dire les services rendus par les écosystèmes, indispensables aux activités humaines. La biodiversité est non seulement une richesse patrimoniale à protéger mais est envisagée désormais comme une nécessité économique et sociale. Institut de recherche finalisée spécialisé dans l’analyse des interactions entre les questions environnementales et les politiques publiques, Irstea a depuis longtemps placé les enjeux liés à la biodiversité comme prioritaires dans son agenda de recherche.

Irstea, l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture
Irstea, l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture
Irstea travaille depuis plus de trente ans sur les enjeux relatifs à la conservation de la biodiversité. Ses travaux scientifiques récents reliant la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes, et les activités humaines ont participé au changement de regard porté sur ce domaine : la préservation et la valorisation de la biodiversité assure la durabilité des « biens et services » dont dépend le bien-être des sociétés humaines. Menant des recherches en appui aux politiques publiques, avec une approche originale croisant sciences biophysiques et sciences humaines et sociales, Irstea a pour objectif de dresser un diagnostic et une vision prospective de la biodiversité sur un territoire donné sous contrainte d’activités humaines, notamment en prenant compte des interactions entre dynamiques écologiques et dynamiques socioéconomiques.
Irstea a obtenu, le 30 janvier 2014, le label « Engagement reconnu pour la stratégie nationale pour la biodiversité ». Décerné par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ce label reconnaît les actions entreprises dans les 9 centres de l’Institut en faveur de la préservation de la biodiversité.
Irstea a obtenu, le 30 janvier 2014, le label « Engagement reconnu pour la stratégie nationale pour la biodiversité ». Décerné par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ce label reconnaît les actions entreprises dans les 9 centres de l’Institut en faveur de la préservation de la biodiversité.

Maintenir la biodiversité forestière : une nécessité

Le bois représente à lui seul 46 % des énergies renouvelables produites en France. Or le maintien de la biodiversité est indispensable au fonctionnement optimal des écosystèmes. Ainsi, face aux objectifs gouvernementaux concernant le bois-énergie (23% d’énergies renouvelables dans la consommation totale d’énergie d’ici 2020), il semble primordial d’avoir une gestion des forêts de production intégrant au mieux les problématiques de biodiversité. Une partie des recherches d’Irstea dans ce domaine vise à étudier les multifonctionnalités forestières de sorte à produire plus de bois, en préservant mieux la biodiversité. Ces recherches permettent de modéliser la croissance et la dynamique de systèmes forestiers, aux peuplements mélangés ou irréguliers, afin d’apporter aux gestionnaires des conseils et des éléments d’aide à la décision pour la gestion des forêts de plaine (mode de sylviculture, éclaircies, régénération et végétation du sous-bois…). Ainsi, ces recherches ont pu montrer qu’on pouvait définir un mélange optimal d’essences maximisant à la fois la production de bois et la biodiversité en forêt. Les travaux menés à Irstea ont aussi pour but d’étudier le lien entre biodiversité, gestion et naturalité en comparant des parcelles exploitées à des parcelles non-exploitées depuis au moins 20 ans (Réserves Biologiques Intégrales ou parties de Réserves Naturelles). L’étude de la composition et du fonctionnement de ces réserves intégrales a permis à Irstea de préciser l’effet de l’exploitation sur la structure forestière et la biodiversité. En effet, cette étude a révélé que la date de la dernière exploitation avait plus d’impact sur les variations de biodiversité que le mode même d’exploitation forestière. En effet, on s’aperçoit que le bois mort et les gros arbres s’avèrent être de hauts lieux de biodiversité qui peuvent potentiellement abriter des cortèges fongiques, floristiques et faunistiques remarquables, qui jouent un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes forestiers. Il apparaît donc important de préserver non seulement une grande quantité de bois mort mais aussi une diversité dans les types, les dimensions et les stades de décomposition afin de garantir une continuité du bois mort sur le long terme. Irstea étudie également les conséquences de l’intensification des prélèvements de bois en forêt en futaie régulière de chêne (les essences choisies, chênes sessile et pédonculé, sont largement répandues en Europe). Afin d’obtenir un rendement maximal des exploitations tout en préservant la richesse des sols, Irstea modélise la variation de biodiversité nécessaire en fonction des caractéristiques du peuplement, du climat lumineux, de la disponibilité en eau et de la température, afin d’en généraliser les résultats, à l’échelle de la France et de l’Europe. La préservation de la biodiversité ne doit donc pas être perçue comme un frein à l’exploitation, ni se résumer à la «sanctuarisation» de zones forestières, mais plutôt comme une assurance de résilience des écosystèmes face aux changements futurs.

La biodiversité comme outil d’aide à la régulation des écosystèmes

Les travaux en ingénierie écologique placent l’usage de la biodiversité au cœur des opérations de restauration des écosystèmes et de génie environnemental. De nombreux travaux sont conduits notamment en ce qui concerne le contrôle des processus érosifs des sols marneux et des bords de cours d’eaux par des approches de génie écologique. Il s’agit d’utiliser les propriétés écologiques et mécaniques de certaines espèces végétales qui peuvent servir de pionnières en stabilisant les sols et ainsi permettre l’arrivée de nouvelles espèces qui vont permettre d’une part de réhabiliter les écosystèmes et d’autre part de jouer un rôle de protection des populations (stabilisation berges, protection contre les phénomènes d’érosion torrentielle…).

Etudier l’intégration des enjeux liés à la biodiversité à travers les pratiques des forestiers et des agriculteurs

Les recherches d’Irstea en sciences économiques et sociales portent aussi sur l’appropriation des enjeux liés à la biodiversité ou de certaines mesures de politiques publiques (Trame Verte et Bleue, Mesures Agro-Environnementales) par les agriculteurs et par les forestiers (propriétaires et gestionnaires). Ces recherches permettent de comprendre les transformations induites dans leur organisation du travail (ex : complémentarité alpage – exploitation en zone de montagne) et dans leurs pratiques (travail des sols, conduites des prairies…). Ces travaux permettent aussi d’identifier des pratiques efficaces de gestion des exploitations en système herbagé extensif qui peuvent faire l’objet d’un transfert vers d’autres agriculteurs.

Evaluer économiquement la demande en matière de biodiversité au travers des services écosystémiques

Les recherches menées visent à rendre compte de la complexité et de l’hétérogénéité de la « demande de nature » de nos concitoyens (en termes de préférences, de motivations ou de valeurs attribuées à la biodiversité). La méthode des expériences de choix (Choice experiment) est ici utilisée : cela consiste à proposer aux individus de choisir entre plusieurs scénarios fictifs de protection de l’environnement caractérisés par différents niveaux d’attributs de biodiversité et différents prix. Ces recherches sont élaborées dans une perspective d’aide à la décision publique et d’estimation du bénéfice généré par une politique publique forestière (passage d’une forêt intensive à une biodiversité forestière). Concernant la biodiversité forestière, ces recherches se sont ainsi intéressées à l’impact que peut avoir une information spécifique donnée au public sur les composantes de la biodiversité : donner une telle information affecte les préférences et les consentements à payer, en particulier lorsqu’il s’agit de la sensibilisation à la cause environnementale et de la connaissance de la forêt à partir de ses usages. Cela implique que l’éducation à l’environnement peut avoir une véritable plus-value sociétale, mesurable empiriquement.

Evaluer l’action publique en matière de politique de la biodiversité

La mise en œuvre des Mesures Agro-environnementales Territorialisées (MAET), qui sont des instruments financiers du second pilier de la PAC visant à inciter les agriculteurs à adopter des pratiques favorables à l’environnement, fait l’objet d’analyses économiques sur le rôle joué par les institutions, les réseaux d’acteurs et les collectivités territoriales dans leur efficacité et notamment sur le niveau et la répartition des coûts de transaction associés. Ainsi les recherches menées sur l’adoption des MAET « prairies fleuries » mettent en évidence le rôle d’institutions telles que les Parc Naturels Régionaux dans la réduction de ces coûts privés de transaction (accès à l’information, durée de mise en place du dispositif, négociations des clauses, …) supportés par les agriculteurs avant et après la contractualisation. Ce dispositif MAET est soumis à des exigences de résultats, sur la base d’une compensation financière des surcoûts et des manques à gagner. Selon le contexte territorial il est alors plus ou moins adopté par les agriculteurs au-delà des exigences environnementales réglementaires.

Analyser l’incidence de l’émergence du concept de biodiversité dans l’élaboration et le changement de l’action publique environnementale

Ces travaux en sociologie et sciences politiques éclairent les transformations et les trajectoires de changement de l’action publique environnementale sous trois dimensions ; la mise à l’agenda politique de la biodiversité, érigée en problème public, mettant l’accent sur les enjeux particuliers du processus (relations quotidiennes à l’environnement, rôle des scientifiques, relations aux gestionnaires de la nature, etc.) ; l’élaboration et le changement de l’action publique environnementale en lien en particulier avec le travail de réforme des parcs nationaux français et la mise en place d’une gouvernance globale de la biodiversité; les usages politiques des sciences dans la transformation de la gouvernance globale de la biodiversité et de la restauration des écosystèmes (marins, estuariens et forestiers).

A PROPOS DE

Stratégie Nationale de la Biodiversité (SNB)

Réponse politique face à l’érosion de la biodiversité, la stratégie nationale pour la biodiversité, mise en place en 2004, a trois objectifs : renforcer notre capacité à agir ensemble pour la biodiversité, aux différents niveaux territoriaux ; mobiliser et utiliser les données, informations relatives à la biodiversité afin de les rendre accessibles au plus grand nombre; faire face à l’émergence des questions nouvelles, notamment relatives au changement climatique et aux services rendus par les écosystèmes. Irstea siège au conseil national de la SNB en tant qu’acteur majeur de la recherche dans ce domaine. Par ailleurs, l’institut a obtenu en janvier 2014 le label « Engagement reconnu pour la stratégie nationale pour la biodiversité ». Décerné par le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ce label reconnaît les actions entreprises par l’Institut en faveur de la préservation de la biodiversité: renforcement de la recherche en biodiversité, communication et formation sur ce sujet et gestion écologique des 9 centres Irstea.

La Trame Verte et Bleue (TVB)

Irstea est fortement impliqué dans la TVB : l’institut anime la cellule d’appui Scientifique et Technique à la TVB pour le MEDDE ; à ce titre, il fournit au ministère des synthèses bibliographiques sur l’état de l’art et des avis techniques. Irstea conduit par ailleurs des travaux sur l’identification des continuités écologiques dont les objectifs sont d’une part de mettre en évidence la réalité fonctionnelle des continuités écologiques, mais également de définir de nouveaux outils pour identifier les trames vertes et bleues.

Les Mesures Agro-Environnementales Territorialisées (MAET)

Les dispositifs de MAE territorialisées visent la préservation ou la reconquête de la qualité des eaux et des milieux aquatiques, comme de la biodiversité terrestre. Ces mesures visent surtout à protéger des paysages ruraux, les cours d’eau, la faune et la flore. La notion de mesures agroenvironnementales recouvre toutes les mesures mises en place dans l’Union européenne dans le cadre de la politique agricole commune, en contrepartie de versements aux agriculteurs volontaires. C’est une des solutions prises pour faire face aux impacts écologiques de l’intensification de l’agriculture. Pour exemple, la MAET « prairies fleuries » consiste à encourager par des obligations de résultats les agriculteurs à semer des variétés de fleurs de montagne dans leurs prairies : préservation de la biodiversité des paysages et amélioration de la qualité du lait en cause.

Focus sur certaines recherches en cours à Irstea

Projet FORGECO (ANR SYSTERRA 2009-2013, coordination IRSTEA/EMGR) Le projet propose d’élaborer une démarche de projet forestier territorial fondée sur les principes de gestion intégrée des écosystèmes qui puisse accompagner et organiser l’augmentation des prélèvements de la ressource et une meilleure préservation de la biodiversité et de la qualité des sols. Le projet privilégie une approche participative et adaptative d’expertise de la gestion forestière et de ses vulnérabilités écologiques et socio- économiques, d’élaboration et d’évaluation de scenarii d’intensification de la gestion forestière (sylviculture, récolte). – Projet ARANGE (Advanced multifunctional management of European mountain forests, 2012-2015, coordination Pr. Manfred J Lexer, Université de Vienne, Autriche). Le projet porte au niveau européen les préoccupations du projet FORGECO à savoir, comment mieux prendre en compte les multiples fonctions environnementales des forêts de montagne et envisager les modes de gestions futurs dans le contexte des changements globaux. Le projet ARANGE est un vaste projet qui implique plus de 16 partenaires de 11 pays. Il ambitionne de proposer des modes innovants de gestion des forêts de montagne et proposer les outils permettant leurs mises en œuvre (plus d’information http://www.arange-project.eu/) – Projet GNB (Gestion Naturalité et Biodiversité forestière, Projet labellisé Biodiversité 2010, Financement Programme « Biodiversité et Gestion Forestière » GIP/ECOFOR, coordination IRSTEA/EFNO). L’étude a été réalisée sur 213 placettes installées sur 15 massifs initialement. Sous l’impulsion du MEDDE, et dans le cadre de la mission d’intérêt général de l’ONF, 5 nouveaux massifs complèteront ce dispositif d’ici fin 2014. Dans le cadre du projet GNB, l’étude de la composition et du fonctionnement des réserves intégrales (réserves biologiques intégrales et parties intégrales de réserves naturelles) a permis une première approche de l’effet de l’exploitation sur la structure forestière et la biodiversité. – Projet IMPREBIO (Financement MEEDDE/DEB, 2011-2013, coordination IRSTEA/EFNO) Il vise à étudier les conséquences de l’intensification des prélèvements de bois en forêt sur différents compartiments de la biodiversité en futaie régulière de chêne et d’en modéliser la réponse en fonction des caractéristiques du peuplement, du climat lumineux, de la disponibilité en eau et de la température, afin d’en généraliser les résultats. Les essences choisies (chênes sessile et pédonculé) sont largement répandues en Europe et les résultats pourront donc avoir une plus grande portée que la simple échelle nationale. – Projet PASSAGES (Financement MEEDE/DIVA 2011-2014, coordination Irstea/Isara) Cette recherche pludisciplinaire s’est attachée à la mise en œuvre du dispositif TVB aux échelles régionales et territoriales, qui au-delà de la seule planification, interroge les projets de territoires, la place de l’agriculture au sein de ces projets et les stratégies des agriculteurs au sein de leurs exploitations. Concernant la contribution de l’agriculture, le projet s’est intéressé à la production d’éléments constitutifs de la trame verte par l’activité agricole et à la façon dont les agriculteurs les envisagent dans leurs pratiques, leurs connaissances et leurs valeurs. – Projet MOUVE (Financement ANR Systerra 2011-2014, coordination Inra-Irstea-Cirad) Le projet a pour objectif de produire des connaissances sur les formes et les conditions d’une intensification écologique de l’élevage d’herbivores dans des territoires contrastés quant aux dynamiques de l’élevage et aux pressions qui s’exercent sur la production et l’environnement. La recherche tend à montrer que l’intensification écologique et la production de services écosystémiques ne saurait être déconnectée des attentes vis-à-vis de l’élevage formulées par les acteurs du territoire, ni se réduire à un simple processus de changement technique et d’usage des espaces sans lien avec d’autres considérations comme les identités professionnelles des éleveurs. – Projet EFFIJIE (Financement ANR SOCENV 2014-2018, coordination Irstea) Le projet vise à mieux caractériser une forme d’inégalité environnementale liée à l’effort environnemental engendré par des politiques publiques de préservation des ressources naturelles. Il se propose de vérifier l’hypothèse selon laquelle cet effort serait différencié selon les populations et les territoires concernés par deux politiques publiques de protection : protection et gestion de la biodiversité (les dispositifs concrets étant deux parcs nationaux et leurs mesures de gestion) ; gestion de la qualité de l’eau destinées à la consommation humaine (mesures agro-environnementales avec compensations financières et de protection de captages sur quatre terrains, trois en France métropolitaine et un à la Réunion).

Engagement de l’Irstea dans la SNB

 

Irstea, mai 2014

Irstea est l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

– www.irstea.fr / @irstea

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