Pour le Réseau ETAL (pour l’Encadrement et la Transparence des Activités de Lobbying), qui rassemble 20 associations et syndicats, les règles concernant les groupes d’intérêts décidées par le bureau de l’Assemblée nationale risquent d’institutionnaliser le lobbying sans le contrôler. L’encadrement du lobbying doit être mis en débat public et resitué dans un cadre plus efficace de procédures de démocratie participative, d’indépendance de l’expertise, de prévention des conflits d’intérêts.
Au moment des départs en congés, le bureau de l’Assemblée nationale a rendu publiques des « règles de transparence et d’éthique applicables à l’activité des représentants d’intérêts (lobbyistes) » à l’Assemblée nationale. Le réseau ETAL, par son « Appel citoyen pour un encadrement et une transparence des activités de lobbying en direction des instances de décision publique », avait formulé des propositions il y a près d’un an et demandé que les projets à l’étude soient mis en discussion de façon ouverte dans leur phase de préparation. Cela n’a pas été le cas. Le caractère flou et l’absence de moyens d’observation et de contrôle indépendants augurent mal de l’efficacité de dispositions très succinctes : badges d’accès d’une journée attribués aux « représentants d’intérêts publics ou privés » figurant sur une liste publique, et code de conduite associé. Yveline Nicolas d’Adéquations déplore que « Les règles de transparence particulièrement importantes pour la démocratie ne soient pas elles-mêmes élaborées de façon transparente et démocratique. Il est étonnant aussi qu’aucun critère officiel ne définisse précisément en quoi consistent des activités de lobbying et, surtout, de mettre sur le même plan des représentants d’intérêt publics ou privés. Ainsi, une administration, un service public sont mentionnés au même titre qu’une entreprise qui défend des intérêts financiers ». Pour Claude Layalle, d’ATTAC, « la formulation du code de conduite ne laisse pas d’inquiéter. Les groupes d’intérêts s’engagent à ne pas « utiliser du papier à en-tête ou le logo de l’Assemblée nationale », « s’abstenir de toute démarche en vue d’obtenir des informations ou des décisions par des moyens frauduleux », « induire les députés en erreur », etc. Des agissements aussi graves sont-il donc actuellement à l’œuvre ? Dans ce cas, l’éviction momentanée ou définitive de la liste, à l’appréciation d’un groupe composé d’une dizaine de parlementaires, peut-elle constituer une sanction suffisante ? » Les mesures proposées Selon le Réseau ETAL, l’Assemblée nationale doit prendre des mesures plus sérieuses : ==> Un système obligatoire d’inscription et de rapports d’activité des lobbyistes, mis à la disposition du public dans une base de données en ligne consultable et téléchargeable, reprenant les données comme : – la communication des noms des clients et des autres sources de financement à des fins de lobbying, et des noms des personnes approchées dans le cadre de chaque opération de lobbying, les dates des échanges, les sujets abordés ; – la communication des dépenses affectées à chaque opération de lobbying. ==> Un code de conduite des élu-es imposant des règles sur le lobbying, mais aussi sur la prévention des conflits d’intérêts : – La rédaction obligatoire de compte-rendus de réunions formelles ou informelles entre les députés et les personnes appartenant au monde des entreprises, y compris quand elles sont consultées sous couvert d’expertise, ces comptes-rendus étant disponibles sur un site ouvert au public ; – L’application effective des décrets relatifs à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions, et l’extension de ces dispositions au personnel politique élu. Même plus ou moins encadrées, les pratiques peu transparentes du lobbying dépendront toujours de facteurs inéquitables comme les moyens matériels et humains que peuvent y affecter les groupes d’intérêts et la proximité de ces acteurs par rapport aux décideurs. La meilleure façon de les contrôler durablement est en fait de réduire leur emprise même. Ainsi selon Jacques Testart, de la Fondation Sciences Citoyennes, « le rôle des pouvoirs publics, pour disposer d’informations objectives, est d’organiser des auditions pluralistes, d’instaurer des instances de négociation transparentes entre les acteurs économiques, sociaux, environnementaux, de publier toutes les positions et les argumentaires, de créer une Haute autorité indépendante de l’expertise et de l’alerte, de légiférer sur la protection des lanceurs d’alerte… » ==> Depuis mars 2009, un groupe de travail au Sénat prépare des propositions sur les groupes d’intérêt. Le réseau ETAL suggère que le Sénat et l’Assemblée nationale harmonisent leurs procédures d’encadrement vers le haut et se donnent les moyens de mécanismes d’observation et d’évaluation des activités de lobbying.