La notion de développement durable connaît, à l’évidence, un succès sans précédent. Collectivités comme entreprises semblent plébisciter ce concept qui leur attire les sympathies. Dans ce contexte, la communication destinée à populariser cette notion et à la rendre plus accessible du grand public prend tout son sens. Entreprises comme collectivités territoriales l’ont bien compris, qui manient l’idée du développement durable à tour de bras, soucieuses de l’image environnementale qu’elles dégageront. Mais sont-elles pour autant certaines de toucher leurs cibles respectives ?
Cet ouvrage essaie de proposer des pistes et des exemples pour rendre plus partagé l’objectif d’une communication efficace et porteuse de sens comme de valeurs. Si la communication reste tributaire de l’existence de véritables démarches – elle ne peut pas tout ! -, la manière dont le message sera diffusé contribue incontestablement à son efficacité. – Texte intégral de l’entretien avec Cyrille Souche publié pages 83 à 86 : “1/ Comment définiriez-vous les objectifs liés au fait de communiquer sur le développement durable ? Pour une collectivité territoriale ? Pour une entreprise ? Sont-ils différents dans ces deux cas ? Je les définirai comme une urgence d’intérêt public et privé Urgence, car tout nous rappelle la pression insoutenable que notre mode de développement fait peser sur l’équilibre de tous les écosystèmes vivants dont l’être humain dépend pour survivre. La croissance de la population mondiale et, donc, de la production industrielle, des transports et de l’hyper-consommation conduisent tous nos indicateurs à virer dangereusement au rouge de l’alerte : température, déchets, pollution, climat, énergie … Pourtant, si l’urgence d’une prise de conscience planétaire est avérée, rares sont encore celles et ceux qui communiquent ouvertement pour un développement durable. D’intérêt public, parce que les collectivités territoriales qui communiquent sur une charte environnement, un agenda 21 ou un plan de développement durable sont engagées dans une démarche de progrès, dans l’intérêt général des habitants. Les collectivités ont ainsi un rôle d’exemple, un devoir de concertation et une mission de service public : communiquer sur les engagements pris, sur les projets engagés et sur les résultats atteints est un de leurs objectifs. Devenir éco-responsable dans ses achats, ses dépenses et la gestion de ses ressources humaines, énergétiques ou naturelles nécessite de favoriser la communication interne entre les services puis de s’ouvrir à la concertation avec toutes les parties prenantes pour permettre aux agents comme aux usagers d’apporter leur participation citoyenne. D’intérêt privé aussi car si la durabilité d’une entreprise se mesure à la confiance qu’elle inspire à ses parties prenantes, une communication simple et rassurante, à défaut d’être toujours honnête et transparente, devient indispensable pour anticiper les risques. Risques d’accidents, de grèves, de boycott, de pollution, de procès, … qui peuvent avoir un impact sur la réputation et donc sur la valeur de l’entreprise. Distinguons cependant ce que j’appelle les pionniers du développement durable, comme Nature & Découvertes en France, dont le projet d’entreprise est un moyen de construire dès à présent le monde désirable et durable de demain de tous les nouveaux acteurs du développement durable. Parmi eux, certains sont de véritables acteurs de terrain qui appliquent déjà au quotidien les principes de responsabilité, d’équité et d’efficacité comme ProNatura ou Rapunzel, deux entreprises installées en Vaucluse, et n’ont pas besoin de communiquer pour gagner la confiance de leurs parties prenantes. Plus nombreux sont les comédiens qui jouent un rôle de responsable environnemental ou social et font parler d’éco-développement plus qu’ils n’en respectent vraiment tous les principes. La communication devient marketing, l’information devient message publicitaire à sens unique et les supports des médias pour la répétition … 2/ Quelles préconisations sont les vôtres pour être efficace dans ce type de communication. Quelles sont les recommandations les plus importantes dans une démarche locale de ce type ? Etre simple, honnête et positif : en un mot humain Simple avec une approche humaine évitant les caricatures stéréotypées et la langue de bois. Le temps nous manque, les sollicitations sont innombrables et les moyens de s’informer directement avec l’Internet changent en profondeur notre niveau d’exigence à l’égard des supports de communication en général : plaquette, affiche, spot et événement peuvent aujourd’hui être analysés, comparés, détournés, dénoncés sur les forum, blogs et autres espaces d’expression citoyenne et libre. La communication doit donc s’adresser au citoyen en veille derrière chaque responsable d’une fonction : communiquer à l’humain derrière l’acheteur, le consommateur, le décideur ou l’électeur. Honnête avec une politique de transparence : les consommateurs comme les marchés financiers sont soucieux de santé autant que de pérennité. L’information sur les produits pour le client, sur l’entreprise pour le collaborateur, sur les résultats pour l’actionnaire, sur l’engagement environnemental et social pour l’état sont autant de formes de communication qui nécessitent l’indépendance des audits et la responsabilité des communiqués. Positif avec une action cohérente et créatrice d’alternative ou de valeur ajoutée : choisir du papier issu de forêt certifiée ou produit par recyclage pour support de communication est un moyen de conjuguer le fond et la forme : c’est l’éco-communication d’après un guide réalisé par l’Ademe. Privilégier l’affichage à la diffusion de publicité non sollicitée, préférer l’envoi d’une lettre d’information papier ou électronique sur abonnement à l’envoi de mailing et spam, favoriser la fidélisation à la conquête de nouvelles cibles, choisir de communiquer l’essentiel pour informer et présenter une action, un produit ou une solution éco-responsable … Les démarches locales dépendent d’une bonne communication pour emporter l’adhésion de la majorité des habitants sur un territoire donné. Quels que soient les outils et supports de communication utilisés, rien ne remplacera un échange régulier entre les parties prenantes pour constater, diagnostiquer et proposer des solutions en concertation. La gouvernance ou la participation des habitants gagnera à s’appuyer sur des moyens de communiquer, de s’informer et de prendre part au débat démocratique local. 3/ A l’inverse, y a-t’il des écueils à éviter absolument ? Oui, sans doute, vouloir lancer un Agenda 21 pour préparer les élections municipales, substituer la réunionite à la concertation et les promesses aux engagements … Bref, rester dans la communication sans passer à l’action au lieu de faire de l’action une source d’informations à communiquer . 4/ L’entrée éco-citoyenne souvent privilégiée car accessible vous parait-elle suffisante pour élargir le « cercle des initiés ». Y ‘ a-t’il un type de discours ou de communication à privilégier ? Si l’écocitoyenneté tisse, comme à Marseille, un réseau d’acteurs socio-éducatifs avec des parcours pédagogiques pour les jeunes générations, alors elle participe à un travail d’éducation progressive de l’enfant vers l’adulte : l’éducation à l’environnement pour un développement durable devrait devenir une matière enseignée dans nos écoles dès le plus jeune âge ! Et pour capter l’attention des plus jeunes d’entre nous, les discours sont impuissants … 5/ Quels outils faut-il privilégier ? Il faut privilégier l’expérience personnelle par l’exploration in situ et le travail artistique, créatif ou ludique. Des parcours de découverte, des ateliers de création par recyclage, des expositions multimédia, des jeux favorisant la coopération ou l’apprentissage … Ces programmes d’éducation à l’environnement pour un développement durable à destination des plus jeunes permettent aussi de sensibiliser les parents et d’intégrer de nouveaux gestes simples à la maison comme au travail dans les pratiques personnelles et professionnelles.”