Les Assises chrétiennes de l’écologie ont eu lieu à Saint-Etienne les 11, 12 et 13 novembre 2011. Au programme, sensibilisation aux enjeux de la crise écologique et réflexion sur les perspectives et pistes d’action qui s’offrent à nous. Par la qualité et la renommée des intervenants présents, ces assises ont mobilisé un grand nombre de personnes.
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Synthèse
Par Roland Gérard Elle affronte les multinationales, il inspire les faucheurs volontaires, il dénonce l’oligarchie et en appelle au réveil démocratique, Marie-Monique Robin, Jean-Baptiste Libouban, Hervé Kempf… en voilà trois, il y en avait beaucoup d’autres ; des précurseurs comme Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi ou Bernard Durel…, des moins connus de nos cercles mais connus d’autres et tous pleins d’une conviction : c’est l’heure de l’action. Il y avait 1300 participants aux assises chrétiennes de l’écologie à Saint- Etienne les 11, 12 et 13 novembre, on pouvait y vivre un authentique moment d’EEDD.« Soit on mange des pommes bio, soit on ne mange pas de pomme »
La conférence de Marie-Monique Robin et de Claude Aubert a été un des temps forts de ces Assises. « Savoir, c’est pouvoir » c’est ça qui l’anime la journaliste qui vient de publier « Notre poison quotidien ». Nous étions plus de 500 à l’écouter et beaucoup de bras se sont levés quand elle a demandé : « Qui a vu ou lu le monde selon Monsanto ? ». Impressionnant comme son travail a une répercussion dans l’opinion et impressionnante sa conviction, sa précision, sa détermination. Si certains dans le combat ont besoin de trouver une héroïne, ils peuvent regarder de ce côté. Dans sa bouche le politiquement correct n’a pas sa place : « l’industrie chimique a systématiquement caché la toxicité de ses produits », « en sortant d’ici vous devez tous jeter vos sucrettes ! ». Pratiquement tout le monde a levé la main quand elle a demandé qui connaissait une femme ayant eu un cancer du sein. MMR n’hésite pas à nous donner des lignes de conduite : « soit on mange des pommes bio, soit on ne mange pas de pomme ».L’irritabilité des enfants
Ce qu’elle dénonce est tout simplement effarant, études bidons, experts des agences de sécurité alimentaire en plein conflit d’intérêt, tant nombreux sont ceux qui ont des liens avec l’industrie chimique. Elle nous dit des mots que nous devons tous connaître maintenant, c’est une haute exigence : « aspartam », « perturbateurs endocriniens », « effet cocktail »… Quand elle a demandé combien de personnes avait encore du Roundup chez elles, je n’ai vu que deux timides mains se lever, dans l’erreur peut-être, mais courageux les gars ! Claude Aubert en a rajouté une louche avec calme et précision : « d’années en années de plus en plus de fruits et légumes présentent des résidus de pesticides », jusqu’à l’irritabilité des enfants qui est liée à la dose de pesticides qu’ils absorbent ! Il faut savoir qu’aux Etats-Unis la courbe d’espérance de vie est devenue plate. L’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans en France, elle n’a pas augmenté depuis plusieurs années et diminue dans plusieurs pays d’Europe.« Notre métier c’est de fabriquer des cigarettes et du doute »
Dans le jeu des questions réponses avec la salle, MMR a dit : « il y a un système qu’on appelle la fabrique du doute ». En effet quand une étude montre quelque chose d’ennuyeux pour le business, l’industrie chimique va financer une autre étude montée de telle sorte, qu’elle va la relativiser ou la contredire. Ce n’est en fait pas très compliqué, il faut juste avoir les moyens financiers. Elle cite un cigarettier américain qui a carrément dit : « notre métier c’est de fabriquer des cigarettes et du doute ». Autre énormité dénoncée, ce grand mensonge présenté comme une vérité, mais qui ne repose sur rien : « Si on n’interdit les pesticides, il y aura 40% de nourriture en moins ». C’est dit partout et c’est faux. MMR va fort, elle dit : « les plats préparés sont des poisons », « les industriels de la chimie sont des criminels ». On se demande comment on peut en arriver là dans une démocratie ? D’ailleurs elle dit : « j’ai des ennemis très puissants qui ne me lâchent pas ». Elle prépare un nouveau film pour voir si on pourrait nourrir tous les humains, sans chimie dans l’agriculture, elle fait une souscription pour ça afin d’être totalement indépendante.« Spiritualité » demeure un mot suspect
L’atelier sur l’éducation à l’environnement animé par Mario Veziant-Rolland des Eclaireurs Unionistes a réuni une dizaine de personnes. Très participatif, nous avons travaillé en petit groupe, sur les objectifs de l’EEDD. Aucun décalage avec le reste du monde de l’EEDD… Créativité, esprit critique, citoyenneté, nature, terrain… sauf sans doute le mot « création » assez présent dans les propos lors de ces assises et là aussi dans cet atelier. Un mot qu’on ne rencontre jamais dans les affaires de l’EEDD et qui surprend un peu. Il serait bon d’en débattre. La conférence de Jean-Marie Pelt a du réunir quelque chose comme 800 personnes franchement impressionnant de voir ce gymnase de collège archi bondé. Nous ne rapporterons pas là le propos de JMP que nous connaissons bien. Il regrette que « spiritualité » demeure un mot suspect. Il dénonce le règne de l’argent, en appelle au partage. Il dit que nous avons gardé la vieille mentalité coloniale. Il parle aussi de l’affaire de l’incendie de « Charlie hebdo » qu’il juge intolérable, mais dit aussi qu’il faut éviter de froisser.La désacralisation de la nature
On a beaucoup entendu le mot « nature » dans ces assises et bien plus que dans tous les colloques auxquels j’ai participé dernièrement. La nature est là vécue comme respectée et reconnue comme grand moyen de ressourcement. L’atelier de Bernard Durel qui démarrait par l’évocation de la conférence de Stockholm était très intéressant, il permettait de comprendre les sources de la « deep ecology » qui remonte aux travaux d’écosophie d’Arne Naes dans la Vienne des années 30. BD s’appuie sur un article de Lynn White « Les racines historiques de notre crise écologique« . L’origine de la crise écologique est trouvée dans l’occident chrétien aux Xème et XIème siècles dans les liens entre l’activité des monastères et les progrès techniques. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité apparaît la désacralisation de la nature. BD dit qu’au siècle dernier on trouvait encore en Allemagne des bûcherons qui faisaient des rites avant d’abattre un arbre. Le constat c’est que la désacralisation de la nature aboutit au monde qui est le nôtre, à méditer. BD dit qu’il faut « réexaminer la religion de l’occident », « trouver une nouvelle religion ou repenser l’ancienne », « nous ré-enraciner dans les peuples de la nature ». Il parle des indiens, des bouddhistes, de Gandhi, des pensées où l’homme n’est pas au centre. Les chrétiens d’orient n’ont pas suivi cette voie et sont restés plus fidèles aux pères de l’église. François d’Assises fait figure d’exception en occident et Bernard Durel invite à s’emparer de cette opportunité pour trouver une nouvelle voie.Grand respect pour le bouddhisme
Rentrer chez soi et se sentir moins seul dans la lutte pour l’écologie, c’est ce qu’ont du ressentir bon nombre de participants. Nous pourrons retenir que les chrétiens rassemblent et qu’ils ont un réel talent d’organisateur ; frais de participation peu élevés, logement chez l’habitant très efficace et sympa et tout qui commence et qui finit à l’heure, il y a les temps de l’échange entre tribune et salle… très professionnel. Nous pouvons dire qu’ils y vont et ne font pas mine en donnant la parole à des acteurs très engagés, connaissant bien les tribunaux comme Jean-Baptiste Libouban, la dimension de l’engagement est là. Marc Stenger, évêque de Troyes, prend des positions non ambiguës dans le n° de novembre de la revue « Prier », coorganisatrice des assises. Il dit : « nos sociétés doivent impérativement changer de cap ». Il déclare essayer de manger moins de viande, et dit « nous voyons bien que nous devons aller vers plus de frugalité… » . Il propose de : « passer d’une économie de la possession à une économie de l’usage » et dit que la « publicité nous accable ». A noter aussi que règne un grand respect pour le bouddhisme qui a été évoqué à de multiples reprises. Il régnait une très bonne ambiance avec beaucoup de sourires ce qui prédispose bien à l’échange. Nous retiendrons aussi un bon esprit d’ouverture, des dizaines de plaquettes du Réseau Ecole et Nature et du CFEEDD ont été diffusées. A signaler aussi l’intervention d’Elena Lasida économiste qui parle de DD en essayant de trouver des alternatives qui s’appuient sur la « capacité créatrice de l’humain ». Son livre : « Le goût de l’autre. La crise, une chance pour réinventer le lien ».Mandala
Ces assises ont rappelé un peu à certains les assises de Caen : documentaire version 2011 de Hubert Reeves, réalisé et commenté par son fils Benoît (en rajoutant le mot écologie dans le titre); Claude Aubert était déjà présent, etc. Le colibri aussi…et puis des amis du mouvement scout, une adhérente du réseau… Ceux qui étaient encore là le dernier jour ont pu récupérer une poignée de graines du mandala de Françoise Robert. Des liens se créent, des portes s’ouvrent, peut-être même que des préjugés tombent. Allez savoir ! Roland Gérard – Réseau Ecole et Nature : L’éducation à l’environnement pour comprendre le monde, agir et vivre ensemble