La ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, avait commandité cet hiver un rapport sur l’économie du Nouveau monde, celle de l’après-pétrole. Coordonné par l’ancienne députée européenne Corinne Lepage, le texte propose une centaine de mesures pour passer à l’après-pétrole : nouvelles réformes fiscales et économiques pour favoriser la croissance grâce à l’environnement. Il attribue l’échec des renouvelables en France à la toute-puissance des géants de l’énergie comme EDF, Engie et Areva.
Introduction
L’économie du Nouveau Monde : une utopie en voie de réalisation Parler de l’économie du Nouveau Monde dans un pays en proie au pessimisme, à un chômage qui ne cesse de croître, à un manque de confiance en lui-même, qui doute de son avenir comme de ses institutions pourrait apparaître comme un dérivatif, une utopie dont il n’est même pas sûr qu’elle soit souhaitable et qui, en tout cas, apparaît irréalisable. Il n’en est rien. La transformation accélérée dans laquelle nous nous sentons emportés est le fruit de la mondialisation, de la révolution digitale et des défis planétaires dont le changement climatique est le plus emblématique. Ce que nous ne percevons pas ou ne voyons pas assez, c’est l’aspect positif de cette transformation dont la France peut devenir un acteur majeur si elle le décide. Le XXIème siècle voit en effet émerger une nouvelle économie qui repose sur un changement complet de paradigme dans lequel le numérique rend le marché plus productif, plus compétitif, davantage basé sur de nouvelles valeurs d’échange et de partage, de réappropriation de l’environnement et de l’économie locale. Dans cette nouvelle économie, « le capital social est aussi vital que le capital financier, l’accès est aussi important que la propriété, la durabilité remplace le consumérisme, la coopération est aussi cruciale que la concurrence et la valeur partageable sur les communaux collaboratifs vient de plus en plus souvent compléter la valeur d’échange sur le marché capitaliste » (Jérémy Rifkin). Il ne s’agit pas du tout d’un rêve idéaliste qui serait totalement déconnecté des exigences de compétitivité et d’insertion dans une économie mondialisée. Il s’agit tout simplement de la description du monde qui vient et qui constitue un formidable projet de société pour autant que les valeurs humanistes et l’économie de bien-être soient au coeur de ce projet. C’est une économie beaucoup plus efficace en ce qu’elle améliore le rapport coût-bénéfice, très économe des ressources, créatrice d’activités et donc d’emplois, relocalisée puisque les consommateurs peuvent redevenir des producteurs. Certes, nos générations subissent de plein fouet ce changement érodant, voire ravageant le monde depuis la fin de la deuxième révolution industrielle. Mais ce sont également celles qui peuvent profondément innover et investir pour assurer la transformation complète de nos économies et nos sociétés afin qu’elles puissent devenir durables, connectées, décentralisées, faisant sens et donc porteuses d’espoir. Et c’est là où précisément notre pays, au sein de l’Union européenne, dispose d’atouts considérables. La nature a en effet doté la France d’un patrimoine exceptionnel en terme de sources d’énergies renouvelables et d’espaces naturels (sols, forêts, espaces maritimes) et nous sommes bénéficiaires d’un capital culturel remarquable, tant par les valeurs et l’histoire que nous portons que par le talent de nos innovateurs. Ces atouts se situent au sein du continent européen, zone qui porte encore un certain leadership dans les domaines énergétiques, agricoles, industriels et culturels même si les grands émergents voient chaque jour, leur part croître dans la transition économique. Nous avons tout pour réussir. Notre pays peut faire état de centaines de réussites à son actif, menées par des citoyens, des entreprises (surtout petites et moyennes) et des territoires qui ont parfaitement analysé ce qu’est le Nouveau Monde et la manière de s’y insérer, quel que soit le territoire considéré. Nous pouvons faire beaucoup mieux, c’est à dire changer d’échelle et faire de la transition vers cette nouvelle économie un projet de société à part entière, capable de réunir, bien au-delà des divisions partisanes, et dans le sillage de tous les pionniers, de très nombreux acteurs qui ne demandent qu’à le soutenir. Pour y parvenir, il convient de neutraliser les obstacles considérables que les acteurs de l’Ancien Monde ont su créer dans notre pays pour maintenir leur pouvoir et leurs rentes en s’opposant à de nouvelles règles du jeu, établies pourtant dans le souci de l’intérêt général. Cet objectif appelle à créer de nouvelles synergies entre tous les acteurs de la transition vers le Nouveau Monde et à mettre en place une feuille de route pour y parvenir.Résumé
L’économie du Nouveau Monde est déjà là. Une économie libérée des énergies fossiles et fissiles, connectée, relocalisée et au service de l’humain. Partout dans le monde, la transition énergétique est en marche. Les réussites citoyennes, entrepreneuriales, territoriales, se multiplient. Et la France n’est pas en reste ! Nous avons sous nos yeux la preuve vivante qu’une économie efficace, pourvoyeuse d’emplois, au service du bien commun et inscrite dans la durée est non seulement possible, mais capable de créer l’enthousiasme et la confiance. En regroupant ces réalisations, en les transposant à grande échelle, un nouveau modèle économique est possible. Des synergies se développent en ce sens en France. Mais malheureusement la bascule n’a pas encore eu lieu. (1ère partie) Pourquoi ce blocage ? Certaines causes sont diffuses : méfiance, crainte du progrès, modèle entrepreneurial figé, frilosité face à l’innovation et dysfonctionnement de la recherche. D’autres sont plus spécifiques : emplois en mutation, comptabilité publique inadaptée, blocages au niveau du financement des petites entreprises innovantes et des startup, normes obsolètes et favorisant les rentes, refus de l’État de passer aux énergies renouvelables. L’État reste bloqué sur une économie du XXe siècle et ne croit pas vraiment à la troisième révolution industrielle. (2ème partie)

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