L’association Ville & Aéroport a récemment formulé des propositions visant à assurer la mise en application du principe de développement durable au système aéroportuaire francilien. Plafonnement des mouvements et couvre-feu à Roissy, création d’un troisième aéroport au nord de la Région parisienne, report du trafic nocturne sur Vatry, harmonisation des périmètres des PEB et PGS… retour sur les principales solutions proposées.
En préambule des vingt propositions formulées lors d’une conférence de presse en date du 14 novembre 2006, Ville et Aéroport [[L’association Ville et Aéroport est un regroupement national d’élus qui a pour objet de promouvoir le développement durable des aéroports, d’améliorer la qualité de vie des populations soumises aux nuisances aéroportuaires, et de favoriser une plus juste répartition des retombées économiques générées par l’activité aéroportuaire. Son président, Jean-Pierre Blazy, est maire de Gonesse et député du Val d’Oise.]] dresse un état des lieux de la situation propre à la plateforme aéroportuaire de Roissy Charles-de-Gaulle. Actuellement, les prévisions de croissance du trafic de l’aéroport se situent entre 4,5 et 5,5% par an pour les vols commerciaux et entre 5 à 7% par pour le fret d’ici à 2015. Suite à la mise en service de la troisième tour de contrôle en 2005, l’utilisation optimale à venir des deux doublets de pistes est programmée. L’association juge les mesures de restriction des vols de nuit nettement insuffisantes (le trafic de nuit a proportionnellement doublé par rapport au trafic de jour depuis 1997 ; avec 162 mouvements enregistrés en moyenne chaque nuit entre 22h et 6h, Roissy-CDG est d’ailleurs l’aéroport européen le plus « noctambule »). Quant à l’indicateur global mesuré pondéré, censé servir de seuil de plafonnement de la gêne sonore, Ville & Aéroport le juge incapable de limiter actuellement l’augmentation du nombre de mouvements.
Pour Ville & Aéroport, l’accueil du transport aérien dans le grand Bassin Parisien, d’ici 20 ans, doit reposer sur trois grandes orientations conjointes : l’application de restrictions pour maîtriser les nuisances aériennes à Roissy et à Orly ; la création d’un complément d’infrastructure fonctionnant en bipôle avec Roissy et situé au Nord du grand Bassin Parisien ; le rééquilibrage du trafic parisien fondé sur une organisation en système Roissy-Orly-Vatry à court terme et Roissy-Orly-Vatry-3ème aéroport d’ici 15 ans.
Quelles sont les principales restrictions préconisées par Ville & Aéroport pour Roissy ? Un plafonnement du nombre de mouvements annuels, et l’instauration progressive d’un couvre-feu la nuit pour, à moyen terme, atteindre un couvre-feu total sur une période de huit heures consécutives, entre 22h et 6h. Compte tenu du trafic actuel à Roissy (530 000 mouvements environ seront enregistrés en 2006), ce plafond devrait, selon l’association, se situer dans une fourchette comprise entre 550 000 et 600 000 mouvements par an, soit l’équivalent de 55 millions de passagers. En comparaison, on notera avec intérêt que, en 1996, la déclaration d’utilité publique de 1996 formulée au moment de l’extension de l’aéroport de Roissy-CDG estimait que, à l’horizon 2015, le trafic aérien y avoisinerait 490 000 à 495 000 mouvements. Une autre proposition concerne les restrictions des vols de nuit les plus bruyants à Roissy-CDG: l’indice événementiel de nuit à 85 dB(A), seuil recommandé par l’Acnusa [[Recommandation de l’Acnusa émise en 2002 : « Entre 22 heures et 6 heures, tout survol engendrant un niveau sonore supérieur à 85 dB (A) mesuré en LAeq (1s) relevé à 4,5 km de l’extrémité de piste la plus proche, fera l’objet d’un procès-verbal et pourra être sanctionné. »]] pour limiter dans la zone C le bruit des avions, est jugé insuffisant pour véritablement réduire le nombre de vols de nuit. Ville & Aéroport préconise un seuil plus dissuasif de 80 dB(A) qui s’appliquerait à un plus grand pourcentage d’avions.
Pour compenser ces restrictions, il est proposé de reporter le trafic nocturne (fret express, fret tout cargo et vols charters) sur des aéroports dédiés aux vols de nuit implantés dans des zones faiblement peuplées, tels que Vatry. Plutôt que l’option du troisième réseau aéroportuaire adoptée par Gilles de Robien à l’automne 2003, Ville & Aéroport estime que l’Etat doit décider d’un complément d’infrastructure fonctionnant en bipôle avec Roissy CDG et situé au nord du grand Bassin Parisien. Où précisément ? Les sites de Chaulnes ou Montdidier en Picardie ont montré, selon l’association, leur pertinence lors de la mission DUCSAI (Démarche d’Utilité Concertée pour un Site Aéroportuaire International) menée en 2001 dans le cadre de la Commission nationale du débat public.
Concernant les courts trajets à l’intérieur de la France métropolitaine, Ville & Aéroport donne clairement sa préférence au transport ferroviaire, estimant que la « mise en œuvre d’un programme ambitieux de TGV permettra un report de l’avion vers le train pour les relations internes au territoire français et entre la France et les régions européennes limitrophes ».
Du côté de la protection des riverains, l’intensification de la fiscalité écologique est privilégiée : il est proposé tout d’abord d’internaliser les coûts environnementaux du transport aérien afin de relever de manière significative la Taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) qui finance le dispositif d’aide à l’insonorisation des logements riverains ; en complément, il est suggéré la création d’une taxe spéciale de solidarité, additionnelle à la TNSA, payée par les entreprises bénéficiant de l’activité aéroportuaire et versée à la communauté aéroportuaire.
A l’heure où la révision du Plan d’exposition au bruit (PEB) de Roissy fait l’objet d’une enquête publique (qui s’achèvera le 8 décembre 2006), Ville & Aéroport propose d’harmoniser les deux dispositifs existants PEB et PGS (Plan de gêne sonore), et d’instituer des « Plans d’exposition au bruit des aérodromes » (PEBA) aux deux fonctions suivantes : prévenir l’urbanisme au voisinage des aérodromes et réparer, c’est-à-dire insonoriser les logements et les équipements publics en zone C. En d’autres termes, tout riverain exposé au bruit des avions aurait automatiquement droit à la réparation ; en contrepartie, l’urbanisme dans ces zones d’exposition/réparation serait strictement maîtrisé. Enfin, Ville & Aéroport rappelle la pertinence des communautés aéroportuaires comme outil de gouvernance à l’échelle régionale et locale, compétente en matière d’urbanisme, de transports, d’emploi, d’environnement et d’information, mais déplore l’absence de ressources suffisantes pour assurer la pérennité de ces structures créées par la loi du 23 février 2004. La contribution obligatoire des entreprises bénéficiant de l’activité aéroportuaire, des gestionnaires d’aéroports, des collectivités territoriales est préconisée.
A noter que Ville & Aéroport a organisé le 27 novembre dernier son colloque annuel. Intitulé « Développement aéroportuaire, aménagement du territoire et développement durable : quelle(s) décision(s) pour 2007? », ce colloque s’est notamment articulé autour de la question de savoir s’il convient de créer de nouveaux aéroports ou de développer les aéroports existants.
Source : infobruit.org