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Economie

Spéculation et crises : ça suffit !

L'appel d'un collectif d'économistes européens

Une crise de plus, une crise de trop ! Economiste, Jean-Marie Harribey explique dans Politis la démarche des auteurs[[Le collectif initiateur : – Elmar ALTVATER (Allemagne) – Philippe ARESTIS (Royaume-Uni) – Geneviève AZAM (France) – Riccardo BELLOFIORE (Italie) – Robin BLACKBURN (Royaume-Uni) – Jérôme BOURDIEU (France) – Mireille BRUYERE (France) – Alain CAILLE (France) – Claude CALAME (Suisse) – François CHESNAIS (France) – John CHRISTIANSEN (Suede) – Christian COMELIAU (France) – Laurent CORDONNIER (France) – Jacques COSSART (France) – Thomas COUTROT (France) – Renato DI RUZZA (France) – Gérard DUMENIL (France) – Cédric DURAND (France) – Miren ETXEZARRETA (Espagne) – Marica FRANGAKIS (Grèce) – Jean GADREY (France) – Susan GEORGE (France) – Robert GUTTMANN (Etats-Unis) – Bernard GUIBERT (France) – John GRAHL (Royaume-Uni) – Jean-Marie HARRIBEY (France) – Michel HUSSON (France) – Pauline HYME (France) – Esther JEFFERS (France) – Isaac JOSHUA (France) – Michael Krätke (Allemagne) – Matthieu LEIMGRUBER (Suisse) – Frédéric LORDON (France) – Birgit MAHNKOPF (Allemagne) – Jacques MAZIER (France) – Sabine MONTAGNE (France) – François MORIN (France) – Ramine MOTAMED-NEJAD (France) – André ORLEAN (France) – René PASSET (France) – Dominique PLIHON (France) – Christophe RAMAUX (France) – Gilles RAVEAUD (France) – Catherine SAMARY (France) – Jacques SAPIR (France) – Claude SERFATI (France) – Henri STERDYNIAK (France) – Daniel TANURO (Belgique) – Hélène TORDJMAN (France) – Eric TOUSSAINT (Belgique) – Aurélie TROUVE (France) – Stéphanie TREILLET (France) – Peter WAHL (Allemagne) – Frieder Otto WOLF (Allemagne)]] de la pétition européenne qui demande l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne, qui interdit toute restriction aux mouvements des capitaux. Il s’agit, avant tout, dit-il, d’un « acte politique ». Le collectif européen appellent es citoyens à soutenir massivement leur initiative.

Une crise de plus, une crise de trop ! logopolitis.gifpar Jean-Marie Harribey, Politis, n° 995, 27 mars 2008 “La crise financière confirme les analyses et les pronostics les plus pessimistes. C’est la plus grave crise depuis la seconde guerre mondiale, dixit Alan Greenspan, ancien président de la FED ! Est-ce étonnant ? Elle est l’aboutissement de l’évolution du capitalisme vers sa logique la plus pure et en même temps la plus sauvage : rendre de la valeur aux actionnaires, finalité suprême de la libéralisation du mouvement des capitaux, de la déréglementation, de la prolifération des produits financiers, de la titrisation et de la dépolitisation des banques centrales pour qu’elles servent mieux les marchés financiers. La planète financière, dont la prétendue autonomie par rapport au système productif ne visait qu’à dissimuler l’extraordinaire retournement du partage de la richesse produite en faveur du capital, est ramenée sur terre. Pour s’être illusionné sur la montée infinie de l’immobilier et avoir cru soutenir une croissance économique, non par la hausse des salaires des pauvres, mais par la magie du crédit à taux variable qui leur était consenti, le système bancaire américain a plongé l’ensemble du système bancaire et financier mondial dans le gouffre, et peut-être l’économie elle-même, c’est-à-dire au bout du compte ceux qui vivent de leur travail. Durant vingt-cinq ans, la courbe du chômage a suivi celle des dividendes. Le laminage de la protection sociale (assurance maladie et retraites) a pour but de drainer une épargne plus abondante vers des marchés ayant soif de liquidités. Le délitement des droits sociaux et du droit du travail rend la main d’œuvre plus malléable car plus insécurisée. Le FMI l’avait déclaré : « la retraite par répartition crée trop de sécurité dans le corps social ». Les patronats n’ont plus qu’à pousser leur avantage : « travailler plus pour moins que rien ». La financiarisation de l’économie est donc la cause de la dégradation de la condition salariale et aussi sa conséquence car il faut bien recycler tous ces profits distribués ! Nous disons : ça suffit. Stop à la spéculation, à l’asservissement des sociétés à la finance, à la marchandisation du monde, à la privatisation des profits et à la collectivisation des pertes. Nous proposons une pétition européenne ouverte à tous les citoyens, toutes les associations, tous les syndicats et tous les partis pour lesquels la notion d’intérêt général a encore un sens. Nous commençons par exiger l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne qui interdit toute restriction aux mouvements des capitaux. C’est un acte politique à partir duquel nous voulons montrer que des solutions existent pour retrouver la maîtrise de l’avenir. D’abord, remettre le système bancaire sous contrôle public, et notamment la Banque centrale européenne, au service de l’activité utile et de l’emploi, car on voit bien que les banques centrales voguent de Charybde en Scylla : ou bien elles restreignent le crédit pour juguler l’inflation et elles cassent l’économie ; ou bien elles le facilitent, et aussitôt les bulles repartent puisque les fonds spéculatifs empruntent pour jouer sur l’effet de levier et s’accaparer les fleurons de l’industrie. Ensuite, limiter drastiquement les revenus financiers par une fiscalité suffisamment élevée pour à la fois dissuader les actionnaires de renforcer en permanence l’exploitation du travail et leur enlever la majeure partie de leur pouvoir dans les entreprises. Nous en sommes arrivés à un point où l’aggravation des inégalités n’a d’égale que l’arrogance des puissants, dont la seule conscience est celle de leur classe. Comme ils n’entendront pas spontanément raison, au vu de leurs déclarations lénifiantes sur la capacité des marchés à s’auto-réguler, qui seraient presque risibles si elles n’étaient insultantes pour ceux qui pâtissent de leurs frasques, la seule voie possible est d’ordre politique : l’intervention des citoyens est désormais indispensable.”

Pétition « Spéculation et crises : ça suffit ! »

domino.jpg “La finance déréglementée détruit les sociétés. Silencieusement, au quotidien, quand les actionnaires pressurent les entreprises, c’est-à-dire les salariés, pour en extraire davantage de rentabilité, au Nord comme au Sud. A grand spectacle et avec fracas dans les crises aiguës où se révèlent brutalement les invraisemblables excès de la cupidité spéculative et leur contrecoup sur l’activité et l’emploi. Chômage, précarisation, accroissement des inégalités : les salariés et les plus pauvres sont voués à faire les frais soit de la spéculation, soit des nuisances du krach qui s’ensuit. Depuis deux décennies, le cours de la finance mondiale n’est qu’une longue suite de crises : 1987, krach boursier ; 1990, crise immobilière aux Etats-Unis, en Europe et au Japon ; 1994, krach obligataire américain ; 1997 et 1998, crise financière internationale ; 2000-2002, krach internet ; 2007-2008 enfin, crise immobilière et peut-être crise financière globale. Pourquoi une telle répétition ? Parce que toutes les entraves à la circulation des capitaux et à l’« innovation » financière ont été abolies. Quant aux banques centrales qui ont laissé enfler la bulle, elles n’ont plus d’autre choix que de se précipiter au secours des banques et des fonds spéculatifs en mal de liquidités. Nous n’attendrons pas la prochaine crise sans rien faire et ne supporterons pas plus longtemps les extravagantes inégalités que la finance de marché fait prospérer. Parce que l’instabilité est intrinsèque à la déréglementation financière, comment les dérisoires appels à la « transparence » et à la « moralisation » pourraient-ils y changer quoi que ce soit – et empêcher que les mêmes causes, de nouveau, produisent les mêmes effets ? Y mettre un terme suppose d’intervenir au cœur du « jeu », c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures. Or, au sein de l’Union européenne, toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier. C’est pourquoi nous, citoyens européens, demandons : – l’abrogation de l’article 56 du Traité de Lisbonne, qui, interdisant toute restriction à ses mouvements, offre au capital financier les conditions de son emprise écrasante sur la société. Et nous demandons également – la restriction de la « liberté d’établissement » (art. 48) qui laisse l’opportunité au capital de se rendre là où les conditions lui sont le plus favorables, et permettrait ici aux institutions financières de trouver asile à la City de Londres ou ailleurs. Si par « liberté » il faut entendre celle des puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance, d’asservir le reste de la société, disons immédiatement que nous n’en voulons pas. Nous préférons celle des peuples à vivre hors de la servitude de la rentabilité financière.” – Faites signer la version papierSigner la pétition en ligne stop-finance.org – Investir autrement : choisir la finance durable pour une épargne et des placements responsables et solidaires

 

Voici le texte de l’article 56 du Traité de Lisbonne dont les économistes demandent l’abrogation :

1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

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