Face au dépassement des limites planétaires et à la possibilité d’effondrement civilisationnel à court terme (1), de nombreuses personnes se demandent comment agir efficacement. C’est une question d’organisation et non technique. La technique n’est, au mieux, qu’un pansement pour s’attaquer à un symptôme du problème (2). S’il est avant tout question de sobriété, l’humanité a besoin d’un véritable changement de paradigme. Synthèse d’une présentation d’Arthur Keller, ingénieur en traitement de l’information, par Synthèse par Arnaud Perrin – Expert en Gestion de projets, qualité, sûreté de fonctionnement et maîtrise des risques.
D’un côté, les « petits gestes » du quotidien sont mis en avant (en particulier pour le climat ou les déchets), malgré les injonctions contradictoires venant de la publicité. D’un autre côté, ce serait aux entreprises, États et institutions d’agir, malgré une concurrence toujours plus forte, dans une société mondialisée guidée par la croissance économique. En réalité, l’humanité a besoin d’un véritable changement de paradigme, où toutes les entités doivent être impliquées tôt ou tard (populations, entreprises, États, institutions).
Un double objectif à atteindre
- Plan A : quitter la boussole de la croissance économique (et donc la croissance des flux, des extractions et des déchets), pour une société post-croissante (après une phase décroissante accompagnée d’une justice sociale). Objectif utopique ?…
- Préparer un plan B au cas où le plan A ne fonctionnerait pas. Pour cela, il s’agit de créer des résiliences territoriales et des systèmes socio-écologiques face aux risques systémiques déjà évoqués (3).
Pour opérer le changement vers ce double objectif, plusieurs catégories d’acteurs sont nécessaires : des penseurs, des faiseurs, des inspirateurs, des organisateurs et des facilitateurs
quel acteur du changement pouvez-vous et voulez-vous être ?
Chacun d’entre nous doit pouvoir se situer dans une ou plusieurs de ces catégories :
Nous pouvons commencer à agir en nous posant la question de notre rôle, par notre activité professionnelle, nos placements financiers, nos modes de vie, nos relations, etc. Nous pouvons par exemple bifurquer professionnellement vers un métier en phase avec nos valeurs, changer de banque, faire des dons à des ONG socio-environnementales, vivre sobrement, informer nos proches sur les enjeux, etc. Ces premiers leviers peuvent nous aider à trouver la place qui nous correspond.
Le hashtag#changement peut également provenir d’un soulèvement populaire massif, comme le déclare Camille Etienne (4). L’activisme dans les causes socio-écologiques permet une prise de conscience du peuple, pouvant ensuite faire pression sur les plus hautes institutions. Le changement sociétal prend nécessairement racine en bas, au niveau du peuple. L’ordre établi peut basculer à partir d’un % de population qui se soulève.
Comment mobiliser ?
Comme le signale Arthur Keller dans ses dernières conférences (5), certains clichés circulent :
- « Il faudrait que les récits soient positifs« . En réalité, pour mobiliser il faut être inspirant. Des choses déjà ressenties, pour de bonnes ou mauvaises raisons, sont plus inspirantes que du positif non vécu.
- « Il faudrait créer du désir« . Mais le désir n’étant pas universel, l’ensemble du public ne pourra pas être réceptif. Il faut développer de l’inter-culturel pour éviter l’entre-soi.
- « Il faudrait qu’il y ait de l’espoir« . Donner de l’espoir = promesses de politiciens. L’espoir doit être lucide. Et pour cela, il faut avoir réellement compris notre problème civilisationnel. Il faut aussi que la population puisse se projeter.
- « Il faudrait éviter de faire peur« . La peur ne paralyse pas mais mobilise (6). Elle est indispensable, mais insuffisante : seule, elle est catastrophique car source de folies. La peur doit être rationnelle, réfléchie. Donner aux gens l’occasion d’exprimer leur colère ou leur frustration dans des projets constructifs, vecteurs de sens, est très mobilisateur.
- « Il faudrait éviter le conflit« . Si on ne dérange personne, c’est qu’on ne change pas grand-chose. Nous avons besoin de remises en question profondes, et cela peut déranger et créer du conflit, les conflits pouvant être constructifs.
Notes et liens :
(1) Les limites planétaires (2022) : https://www.linkedin.com/posts/arnaud-perrin-a20b4a50_climat-biodiversitaez-ocaezans-activity-6958197918549856256-qMUq / mise à jour (Arthur Keller, 2023) : https://www.linkedin.com/posts/kellerarthur_vous-reprendrez-bien-un-peu-de-limites-activity-7108025866374258688-elA7
(2) Le piège du techno-solutionnisme, François Jarrige pour Metabolism of Cities (Aristide Athanassiadis) : https://www.linkedin.com/posts/arnaud-perrin-a20b4a50_5g-ia-a69-le-pi%C3%A8ge-du-techno-solutionnisme-activity-7181556233949085696-XBPv
(3) La résilience territoriale adaptée aux systèmes socio-écologiques (2023) : https://www.linkedin.com/posts/arnaud-perrin-a20b4a50_raezsilience-activity-7135978714227429376-3lf2
(4) Interviews de Camille Etienne : pour Brut. https://www.youtube.com/watch?v=CYx7L_VZwS8 et pour Metabolism of Cities (Aristide Athanassiadis) https://www.youtube.com/watch?v=l5uKmxIeGhI (en particulier les luttes : à partir de 29:35)
(5) Conférence d’Arthur Keller à l’Université de Technologie de Troyes (2024) : https://www.youtube.com/watch?v=ecJD3rTtaDs (démarrer à 14 min)
(6) Voir l’étude « Appealing To Fear: A Meta-Analysis of Fear Appeal Effectiveness and Theories » (2015)