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La Source des femmes : un plaidoyer pour l’égalité

Ode à la femme et à sa beauté, La Source des femmes a conquis les cœurs dès sa présentation au festival de Cannes 2011. Radu Mihaileanu signe une fable féministe et universelle, un appel joyeux et chaleureux à la tolérance porté par des actrices inspirées et émouvantes. Le réalisateur nous emmène ainsi dans un petit village du monde arabo-musulman, où, des femmes décident de se refuser à leur mari tant qu’ils ne prendront pas en charge la corvée d’eau. Cette idée devient le fer de lance d’une lutte pour l’égalité entre les sexes qui appelle à revisiter la répartition des taches, la question de l’éducation des femmes, leur rôle d’épouses ou encore la vision religieuse de leur place dans la société.

Pour imaginer le scénario de son cinquième long-métrage, le cinéaste Radu Mihaileanu a puisé à deux sources : un fait divers lu dans le journal sur la révolte des femmes d’un petit village de Turquie, et l’argument d’une pièce de théâtre vieille de plus de vingt-cinq siècles (Lysistrata d’Aristophane), qui raconte la grève de l’amour qu’entreprennent les femmes d’Athènes pour convaincre leurs maris d’arrêter la guerre contre Sparte.
Un film de Radu Mihaileanu au cinéma le 2 novembre 2011
Un film de Radu Mihaileanu au cinéma le 2 novembre 2011
« Conte oriental » comme le proclame le réalisateur, mais ancré dans une réalité contemporaine, La Source des femmes assume cette dualité : multipliant les références au monde d’aujourd’hui (lors de sa présentation au dernier Festival de Cannes, on a pu voir dans le film un écho au « printemps des peuples arabes »), il vise pourtant une vérité plus intemporelle. A l’instar des précédents films de Radu Mihaileanu (Train de vie, Va, vis et deviens, Le Concert), il cherche à transcender les contingences de l’histoire par la puissance de la fable. Plus encore que ceux-ci, il tire son originalité d’un mélange entre le réalisme et l’univers du conte. Si le film s’ouvre par un carton qui annonce d’emblée que l’on se situe dans l’univers du conte, c’est pourtant par leur âpre réalisme que frappent les premières séquences : le film s’attarde sur la dureté des tâches auxquelles sont astreintes les femmes (le tissage des tapis, la lessive, le transport de l’eau), sur les souffrances qu’elles endurent (notamment à travers l’enfantement). Il insiste sur le retard de ce village enclavé par rapport au monde moderne, retard dont les femmes sont les principales victimes : si certaines disposent de téléphones portables, elles manquent du confort le plus élémentaire (l’eau courante et l’électricité) ; si elles se pâment devant les séries mexicaines à l’eau de rose, elles n’ont pas accès à la contraception. On pourrait ainsi lire La Source des femmes comme un vibrant plaidoyer pour l’égalité des sexes. Sans jamais être démonstratif, le film de Radu Mihaileanu passe en effet en revue les différents aspects de la « domination masculine », de la naissance à la mort : la préférence donnée aux garçons à la naissance, l’inégalité dans l’accès à l’éducation, les mariages forcés, parfois très précoces, l’inégale répartition des tâches domestiques, les violences conjugales, l’absence de contraception… et plus généralement, cet ensemble de croyances et de valeurs qui valorisent l’homme et vouent la femme à un statut congénital d’infériorité. La première séquence du film met ainsi en parallèle le courage des femmes (dans le labeur et l’enfantement), et une dévalorisation de leur sexe, qu’elles-mêmes ont intégré : « Tu es bénie, c’est un garçon ! » répètent-elles rituellement à la parturiente, sans même plus saisir la violence du propos. Il n’y a que le personnage Vieux fusil, de par son statut de veuve, qui peut dire les choses franchement : « Un jour, un français m’a demandé : Quels ont été les moments les plus heureux de ta vie ? J’ai répondu : Jusqu’à l’âge de 14 ans. Vous savez toutes pourquoi. A 14 ans, on m’a mariée. Je l’ai découvert la nuit de noces. Pas avant. Et comme vous toutes, je ne l’ai vu que le lendemain matin, quand il a ouvert les volets. La nuit, je ne l’ai pas vu, il faisait noir, il m’a juste violée. Il avait 40 ans et déjà deux enfants. Je suis devenue, à 14 ans, mère d’enfants de mon âge ». Pourtant, malgré le caractère dramatique de certaines situations, La Source des femmes évite de tomber dans les travers du misérabilisme ou de l’édification. C’est au contraire un film plein de chants et de rires, porté de bout en bout par l’énergie et l’humour de ses héroïnes. A la force brute et à la violence, qui sont l’apanage des hommes, les femmes opposent ainsi l’intelligence et la ruse : elles se dérobent, composent, elles retournent contre les hommes leurs propres armes : le chant et la danse. L’eau, métaphore de l’amour C’est que le film de Radu Mihaileanu se place à un autre niveau que celui de la seule revendication féministe : les inégalités dont souffrent les femmes sont aussi le symptôme d’un manque de respect et d’amour… Si les femmes font la grève de l’amour c’est que l’amour s’est tari (« Vos coeurs sont aussi secs que vos champs »), et que ce tarissement —comme celui de l’eau dans les champs— menace la vie-même (cette grève du sexe est aussi une grève de l’enfantement). C’est d’ailleurs l’amour entre Leila et Slim qui permettra à la situation de se dénouer : et le film, qui s’ouvre par une fausse couche, se clôt par une nouvelle naissance. Si la première scène invite à lire le titre du film de manière très concrète (en faisant allusion à la corvée d’eau contre laquelle les femmes se révoltent), la suite s’attache à l’enrichir d’une forte dimension métaphorique que le chant final explicitera : « La terre dit qu’elle ne peut donner la vie sans eau. La source divine des femmes, ce n’est pas l’eau, la source des femmes c’est l’amour. » Comme dans les contes, la fin du film orchestre un retour à l’harmonie, un rétablissement de l’équilibre. Grâce à l’intervention d’un deus ex machina, le film réconcilie les deux sexes : il n’y aura ni gagnants ni perdants, les hommes étant contraints, pour ne pas perdre la face, à s’associer à la victoire arrachée par leurs épouses. Radu Mihaileanu se montre ainsi fidèle à deux des thèmes qui parcourent sa filmographie : l’utopie du collectif (Le Concert racontait comment un orchestre de bras cassés se transcendait pour offrir un concert de génie), et la force du destin individuel (le héros de Va, vis et deviens était contraint à s’inventer une identité pour survivre). Voilà pourquoi je vous recommande chaudement ce film en salles ce mercredi. La « Convention pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif » mise en place par l’Éducation nationale en 2006 encourage à tout niveau d’enseignement la diffusion de ce film qui permet de réfléchir avec les élèves sur la place des hommes et des femmes dans la société. Ainsi :
  • En Éducation civique, ce film répond au thème de l’égalité du programme de la classe de Cinquième.
  • En Géographie et aborde la question de l’accès à l’eau dans le monde, traitée dans le cours dee Seconde
  • En Français, La Source des femmes peut être exploitée à partir de la Troisième au collège et en Seconde dans le cadre d’une séquence argumentative sur les relations homme-femme, en complément par exemple de l’étude d’une pièce telle que L’Ecole des femmes de Molière.
Enseignants, un dossier pédagogique a été réalisé pour vous. Vous pouvez le télécharger en cliquant ici (Format PDF – 39 pages). Le voyage et la réflexion se poursuivent également dans un livre publié aux éditions Glénat où l’on retrouve les images et les thèmes du film de Radu Mihaileanu, pleins de vie, de lumière et d’humanité. Les photos sont celles du tournage, des comédiens – Leïla Bekhti, Hafsia Herzi, Sabrina Ouazani, Biyouna, Saleh Bakri… – dans leurs personnages, mais aussi celles du village de Warialt, dans le Moyen Atlas marocain, de ses habitants qui ont inspiré et enrichi le film. Puisse ce livre vous donner envie de mieux connaître ces êtres et ces contrées que l’équipe de La Source des femmes a eu la chance de rencontrer.

 

Sortie salles: 02/11/2011 – Comédie dramatique de Radu Mihaileanu avec Leïla Bekhti, Hafsia Herzi et Sabrina Ouazani.

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