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L’Europe veut-elle vraiment sauver le thon rouge ? L’analyse du WWF sur le texte de l’accord européen

WWF France
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Après avoir pris connaissance du texte précis de l’accord européen conclu mercredi 10 mars au soir à Bruxelles, et l’avoir fait analyser par les meilleurs spécialistes, le WWF-France est sceptique sur la volonté européenne d’interdire réellement le commerce international du thon rouge. En effet, une clause ajoutée à la demande des Etats méditerranéens jette le doute sur la possibilité d’une entrée en vigueur avant la prochaine réunion des Parties de la CITES[[Convention internationale sur le commerce des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction]] dans 3 ans. « Le diable se cache toujours dans les détails et après une lecture approfondie du document, on peut se demander sincèrement si les pays qui ont introduit cette clause veulent vraiment une interdiction du commerce international de l’espèce » a déclaré Charles Braine, responsable du Programme pêche durable au WWF-France.

Une clause suspensive qui change tout en terme de délais d’entrée en vigueur.

En effet, les pays méditerranéens ont obtenu un délai pour l’entrée en vigueur de la décision, prévue dans l’accord européen pour mai 2011. Mais cette date peut, par une procédure suspensive non prévue par la Convention, être facilement repoussée jusqu’à la prochaine conférence des parties. Ainsi le thon rouge serait bien inscrit à l’Annexe I… mais l’interdiction du commerce international pourrait ne pas entrer en vigueur dans les 3 prochaines années ! Cette clause vise à tenir compte des résultats de la prochaine réunion de l’ICCAT[[Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique]] à l’automne 2010. Le texte de la CITES permet cette prise en compte par une procédure de déclassement avant la prochaine réunion des Parties, mais il ne prévoit en aucun cas la possibilité de suspendre l’entrée en vigueur d’une décision. Là est tout le problème.

Une clause suspensive qui risque de faire capoter l’inscription du thon rouge à l’Annexe 1.

De l’avis de beaucoup d’observateurs internationaux et de fins connaisseurs du fonctionnement de la CITES, la proposition d’interdiction du commerce international du thon rouge n’a pas la moindre chance d’obtenir l’approbation des 2/3 des 175 Etats présents si elle contient la fameuse clause suspensive européenne. La délégation européenne va donc se retrouver dès demain, à l’ouverture de la Conférence à Doha, avec un mandat étroit et n’aura que peu de marge de manœuvre pour trouver une position commune avec Monaco, les Etats-Unis et les autres défenseurs de l’inscription du thon rouge – opposés à la clause européenne. Le WWF-France appelle donc les Etats méditerranéens, et la France au premier chef, a libéré le mandat européen de cette clause afin d’éviter un nouvel échec environnemental au niveau international. « Alors que la Colombie, le Costa Rica et la Suisse viennent de se rallier à la proposition de Monaco, l’Europe ne peut pas se permettre d’être responsable d’un échec à Doha après les annonces successives de la France, du Parlement Européen et de la Commission Européenne de soutenir l’inscription du thon rouge à l’Annexe I de la CITES » a ajouté Charles Braine.

DOHA : explications d’un échec

Mise à jour du 18 Mars 2010 Les Etats membres de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ont choisi – sur proposition insistante de la Libye – de voter aujourd’hui sur la proposition d’inscription du thon rouge à l’Annexe I.L’opposition de principe d’inscrire une espèce marine à haute valeur commerciale à la CITES Beaucoup d’Etats se sont opposés par principe à ce qu’une espèce marine à haute valeur commerciale soit inscrite à la CITES estimant que la gestion durable de ces espèces relèvent des organisations régionales de gestion des pêches. Pour le thon rouge, il s’agit de la Commission Internationale pour la Conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT). C’est justement parce que l’ICCAT a failli dans sa mission depuis 40 ans, amenant le stock au bord de l’épuisement, que Monaco a décidé de proposer son inscription à la CITES. « Malgré des rapports scientifiques accablants, les échecs répétés de l’ICCAT et un ralliement progressif d’un grand nombre d’Etats, la communauté internationale a décidé de sacrifier le thon rouge sur l’autel des intérêts économiques à court terme, sans même prendre le temps d’un véritable débat » s’insurge Charles Braine, responsable du programme Pêche durable au WWF-France. – Les tergiversations européennes : 6 mois de perdu pour arriver à une position ambiguë Cet échec est en partie dû aux tergiversations de l’UE qui a mis 6 mois à s’accorder sur une position et n’y est parvenue que 3 jours avant le début de la conférence. Qui plus est, cette position européenne, largement portée par la France, multipliait les conditions pour que l’UE soutienne l’Annexe I, afin qu’il puisse être tenu compte des résultats de la prochaine réunion de l’ICCAT à l’automne 2010. C’est ce que, selon l’AFP, déclarait encore ce matin Bernard Kouchner en visite au Japon. Les conditions posées par l’Union européenne incluaient des procédures non prévues par le texte de la CITES ce qui a jeté un trouble à Doha où une partie des Etats craignaient la création d’un précédent. C’est ce que n’a pas manqué de souligner le Japon lors du débat qui a précédé le vote : le thon rouge aurait ainsi pu être inscrit à l’Annexe I mais avec une entrée en vigueur différée qui elle-même aurait pu être suspendue jusqu’à la prochaine conférence des Parties… « L’Union européenne, on le voit bien, était divisée et sa position finale n’était en rien convaincante. Or, comme dans toute négociation internationale, la diplomatie est essentielle : il faut aller convaincre les Etats un par un, comme l’a fait le Japon et comme n’a pas pu le faire l’Union européenne, divisée et porteuse d’une position qui manquait pour le moins de clarté et de détermination. Après Copenhague, c’est de nouveau le signe de l’incapacité de l’Europe à être un acteur international efficace » explique Serge Orru, Directeur Général du WWF-France. Or l’Union européenne aurait pu arrêter sa position depuis le 21 septembre dernier, mais les 6 Etats méditerranéens avaient alors rejeté un soutien à l’annexe I. Lire aussi sur le même sujet : – Thon rouge : un pas important de la France … mais rien n’est résoluLe thon rouge est proche de l’extinction : l’appel du WWF au Président de la RépubliquePêche au thon rouge : un stock au bord de l’effondrementThon rouge : vers une interdiction internationale de commerce de l’espèceRapport du WWF sur la surpêche au thon rouge en Méditerranée

 

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1 COMMENTAIRE

  1. Réaction du WWF France suite au vote de la CITES sur l’inscription du thon rouge à l’annexe 1
    « C’est une funeste journée pour la biodiversité marine. Aujourd’hui, nous vivons un véritable tsunami d’inconsciences. En pleine année internationale de la biodiversité qu’une espèce aussi emblématique que le thon rouge soit sacrifiée au profit d’intérêts économiques de court terme est une véritable honte. C’est une injure que l’on fait au vivant !! Une fois de plus les instances internationales accouchent d’un échec malgré les avis scientifiques. Après Copenhague, ce nouveau fiasco montre la fracture qui est en train de se créer entre les opinions publiques qui sont de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux et des lobbyes d’une irresponsabilité flagrante. Nous appelons l’ensemble des citoyens à une mobilisation générale pour sauver le thon rouge ».

    Isabelle Autissier, Présidente du WWF-France et Serge Orru, Directeur Général du WWF-France.