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Et si le « backlash écologique » en Europe était une conséquence de l’accord de Paris ?

Par Malo Jan de Sciences Po

C’était le grand mérite de l’accord de Paris en 2015 : transformer les déclarations d’intention diplomatiques sur le climat en engagements nationaux. Dix ans plus tard, l’ambition écologique se heurte désormais à un retour de bâton en Europe, où l’action climatique, au lieu de rassembler, polarise les débats et nourrit les divisions politiques.

On assiste aujourd’hui à une réaction politique généralisée en Europe contre les politiques de transition, qui en freine la mise en œuvre et en fragilise la légitimité. AndryDj / shutterstock

Par Malo Jan, Sciences Po


La COP30 marque les dix ans de l’accord de Paris et l’heure est au bilan. En 2015, les États s’étaient engagés, lors de la COP21 à Paris, à contenir le réchauffement en dessous de 2 °C, avec l’ambition d’atteindre 1,5 °C. Dix ans plus tard, les émissions continuent d’augmenter – bien qu’à un rythme moins élevé – et l’objectif de 1,5 °C semble désormais hors de portée, révélant les limites du cadre diplomatique fixé à Paris.

L’accord de Paris, en demandant à chaque État de se fixer des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de se donner les moyens de les atteindre, a profondément transformé les débats politiques en Europe. On assiste aujourd’hui à un « backlash » (retour de bâton) écologique. C’est-à-dire, une réaction politique généralisée en Europe contre les politiques de transition, qui en freine la mise en œuvre et en fragilise la légitimité.

Ce phénomène peut être compris comme une conséquence indirecte de Paris. En ramenant le climat au cœur des débats nationaux, l’accord a rendu plus visibles les arbitrages économiques et sociaux qu’implique la transition et les conflits qu’elle suscite. C’est précisément cette dynamique, le passage d’un enjeu longtemps consensuel à un objet de conflictualité, que j’étudie dans ma thèse, en analysant comment les partis européens adaptent leurs stratégies face aux tensions nouvelles engendrées par la mise en œuvre des politiques climatiques.

Détricotage des politiques écologiques : le grand retour de bâton. Entretien avec François Gemenne
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Accord de Paris et nationalisation de l’action climatique

Là où le protocole de Kyoto (1997) fixait des objectifs contraignants à un nombre limité de pays industrialisés, l’accord de Paris a marqué un tournant dans la gouvernance climatique. Il confie désormais à chaque État la responsabilité de définir puis de réviser régulièrement ses propres engagements.

Ce passage d’un système d’obligations internationales à un modèle fondé sur la responsabilité nationale a déplacé le centre de gravité de l’action climatique de l’échelle internationale au niveau national. Or, ce changement a profondément modifié la place du climat dans le débat politique. Longtemps cantonné à la scène diplomatique des négociations internationales, il est devenu, depuis l’accord de Paris, un enjeu domestique majeur.

En Europe notamment, les engagements pris à la COP21 ont ouvert un espace inédit de contestation face à l’inaction des gouvernements. En 2018 et en 2019, dont les étés ont été marqués par des vagues de chaleur exceptionnelles, les marches pour le climat ont rassemblé des centaines de milliers de personnes dénonçant le décalage entre les promesses de l’accord de Paris et les politiques mises en œuvre. Dans le même temps, les contentieux climatiques se sont multipliés, comme en France avec l’Affaire du siècle, confrontant les États à leurs responsabilités.

Manifestante à Paris, en 2021, appelant à une loi Climat plus ambitieuse. Christophe Archambault/AFP

Sous la pression des engagements pris à Paris et des critiques de militants quant à l’inaction des pouvoirs publics, la question climatique s’est imposée dans la compétition politique, c’est-à-dire comme un enjeu central des stratégies électorales. À partir de 2018, la plupart des partis européens ont intégré le climat à leurs programmes pour gagner en crédibilité face à l’urgence climatique. Les élections européennes de 2019 l’ont bien illustré, avec une « vague verte » voyant une progression inédite des listes écologistes dans plusieurs pays.

Cette dynamique a favorisé l’adoption de nouvelles politiques publiques plus ambitieuses, européennes (comme le Pacte vert) puis nationales, visant la neutralité carbone. Au niveau national, elle s’est traduite par la multiplication des « lois Climat », parmi lesquelles la loi Climat et résilience qui, en France, fait figure d’exemple emblématique. Ces textes inscrivent dans le droit national les objectifs et les moyens censés permettre le respect des engagements pris à Paris.

Si leur ambition fait débat, ces politiques ont déjà contribué à infléchir, au moins partiellement, les trajectoires d’émissions dans plusieurs pays, comme la France. On ne peut donc les qualifier d’inefficaces.

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Un nouveau terrain où s’expriment les clivages politiques

Lors de sa ratification, et encore aujourd’hui, l’accord de Paris a suscité peu de contestations en Europe, ce qui contraste avec les décisions symboliques de Donald Trump de retirer la signature des États-Unis lors de ses deux mandats, choix qu’il a habilement mis en scène sur le plan politique.

En revanche, la mise en œuvre des politiques climatiques découlant de l’accord de Paris pour tenir les engagements provoque désormais de fortes résistances politiques en Europe. Le passage d’un débat centré sur le choix des objectifs à atteindre à un débat national sur la façon d’y parvenir a rendu plus tangibles, au niveau national, les effets sociaux et économiques de la transition. Les coûts de l’action climatique, les inégalités qu’elle peut accentuer et les changements qu’elle impose aux modes de vie sont désormais au cœur du débat politique.

Une forte conflictualisation des enjeux climatiques en Europe a émergé dans ce contexte, portée notamment par des partis de droite radicale et d’extrême droite. Ceux-ci cherchent à délégitimer les politiques de transition écologique et à mobiliser les électorats susceptibles d’en être les perdants.

Certains, comme l’AfD en Allemagne ou Reform UK en Grande-Bretagne, en ont même fait un axe central de leur stratégie, alors que la question climatique restait jusque-là largement absente de leurs programmes.

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Un « backlash » né de la politisation des enjeux climatiques

Cette contestation a mis en difficulté les partis qui avaient soutenu les objectifs de neutralité carbone et porté les politiques de transition. Face à la montée des oppositions, plusieurs ont freiné leurs ambitions, de peur d’en assumer le coût électoral.

Au Royaume-Uni, le Labour a ainsi renoncé en 2024 à la promesse faite en 2021 d’investir chaque année 28 milliards de livres (31,7 milliards d’euros) pour le changement climatique. En France, Emmanuel Macron a cherché à réduire l’ambition de l’objectif de la Commission européenne pour la neutralité carbone, qui était de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. D’autres ont repris à leur compte certains arguments des droites radicales, dénonçant des mesures jugées impopulaires ou socialement injustes. Par exemple, après avoir longtemps affiché une forte ambition climatique, le Parti conservateur britannique cherche désormais à abroger la principale loi climatique du pays.

Les négociations internationales pendant les COP sur le climat donnent souvent lieu à une mise en scène de l’ambition climatique des pays européens, leurs dirigeants cherchant à afficher leur volontarisme et leur exemplarité. Pourtant, à l’échelle nationale, l’action climatique et sa légitimité se trouvent fragilisées par les tensions sur la répartition des coûts économiques et sociaux de la transition. L’accord de Paris a indirectement contribué à faire émerger cette dynamique.

Ainsi, dix ans après Paris, le climat n’apparaît plus seulement comme un enjeu de coopération internationale, mais comme une ligne de fracture politique majeure en Europe. La nationalisation de la question climatique, amorcée par l’accord de Paris, avait d’abord suscité un consensus relatif autour de la nécessité de transformer l’action publique. Le backlash écologique reflète la politisation qui en découle.

Si cette polarisation a le mérite de clarifier les lignes de clivage sur le climat, elle affaiblit en retour la position des États européens sur la scène internationale, en rendant plus difficile l’élaboration d’une position commune et en fragilisant la crédibilité de leurs engagements.

Malo Jan, Doctorant en sciences politiques, Sciences Po

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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Une heure pour faire un état des lieux du backlash écologique

Cette table ronde propose un temps de réflexion, d’échange pour dresser un état des lieux de ce backlash écologique et en comprendre les enjeux. En présence ​de Benoît Calatayud, directeur de l’Observatoire de la transition écologique de la Fondation Jean-Jaurès, Amélie Deloffre, cofondatrice de Parlons Climat et Léonard Dermarkarian de QuotaClimat.


Greenbacklash
Qui veut la peau de l’écologie ?

En 2015, l’Accord de Paris sur le climat semblait signer une nouvelle ère, celle du consensus international face à la gravité du dérèglement climatique, celle du passage à l’action. Pourtant, on assiste depuis au démantèlement des politiques environnementales. Les programmes politiques et les discours ouvertement anti-écologiques prolifèrent. Malgré le désastre écologique, toute tentative de mise en œuvre d’une transition à la hauteur des enjeux suscite une puissante réaction, un greenbacklash planétaire.

Greenbacklash. Qui veut la peau de l’écologie ?

Après Greenwashing, voici un nouveau manuel pour dépolluer le débat public. Scientifiques, activistes et journalistes y proposent une cartographie mondiale du phénomène de backlash anti-environnemental. Qui ? Comment ? Où et depuis quand ? Voilà les questions auxquelles nous devons répondre pour faire face à ces forces multiples qui menacent le vivre-ensemble sur notre planète.

Sous la direction de Laure Teulières, maîtresse de conférences en histoire contemporaine, université Toulouse Jean Jaurès, Steve Hagimont, maître de conférences en histoire contemporaine, Sciences Po Toulouse, Jean-Michel Hupé, chercheur en écologie politique, CNRS. Avec les contributions de : Geneviève Azam, Christophe Cassou, Eve Darian Smith, Jean-Baptiste Fressoz, Stéphane Foucart, François Jarrige, Valérie Masson-Delmotte, Isabelle Stengers, Marie Toussaint…


 

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