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Gourvernance Mondiale

Echec des négociations de l’OMC : la fin d’un monde ?

Synthèse Passerelles - Genève sur l'échec des discussions commerciales du cycle de Doha

La dernière tentative menée par les gouvernements pour tenter de sauver les discussions commerciales du Cycle de Doha a avorté, les Ministres ayant reconnu leur incapacité à arriver à un compromis après neuf jours d’un sommet de haut niveau à l’OMC. L’avenir des négociations multilatérales est à présent, encore plus incertain, en dépit d’une avancée considérable vers un accord.

Des responsables ont fait part de leur surprise et de leur incrédulité face a l’échec des négociations sur une question qui n’avait même pas fait la une des journaux avant cette semaine : à savoir dans quelle mesure les pays en développement pourraient rehausser les tarifs pour protéger les agriculteurs contre les brusques recrudescences d’importations, au titre d’un ‘mécanisme de sauvegarde spéciale’ (MSS). Les divergences à propos des abaissements à appliquer aux subventions agricoles et aux tarifs industriels, qui avaient longtemps paru inconciliables, semblaient avoir été comblées de manière significative durant la réunion ‘mini-ministérielle’ de Genève. Même la question toujours délicate de l’érosion des préférences était proche de la finalisation. Un des principaux points de discorde en ce qui concerne le MSS est de savoir si, et dans quelle mesure, les pays devraient être autorisés à imposer des droits de sauvegarde dépassant les plafonds tarifaires actuels (c’est-à-dire d’avant Doha). Le groupe des sept grandes puissances qui était au cœur du débat s’est réuni une grande partie de la journée du mardi, comme il l’avait fait la veille, pour tenter de trouver un terrain d’entente. La Chine, et en particulier l’Inde, des pays sensibles aux importations, se sont opposés aux exigences américaines, concernant un marché au marché prévisible pour les produits agricoles. Vers cinq heures de l’après-midi, ils ont jeté l’éponge. « Je pense que ce n’est pas la peine de tourner autour du pot, » a déclaré aux journalistes, le Directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, après avoir annoncé l’échec des négociations aux membres de l’OMC. « Cette réunion a échoué. Les membres n’ont pas pu surmonter leurs divergences. » Les réactions initiales à l’échec du sommet, qui avait démarré le 21 juillet, ne semblent pas été caractérisées par l’aigreur et par les accusations qui avaient marqué l’échec des tentatives visant des accords cadres de Doha, au cours des deux dernières années. Les Ministres ont fait surtout part de leur déception, regrettant que les discussions se soient soldées par un échec, en dépit d’un accord très proche. Le Commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, a parlé « d’échec collectif », un sentiment réitéré par Lamy. « Jamais, jamais auparavant nous avons été aussi proches, juste pour voir tout s’écrouler,» a déclaré Mariann Fischer Boel, Commissaire européenne au commerce, lors d’une conférence de presse. Aucun observateur extérieur « n’aurait pu penser qu’après les progrès réalisés ici, nous n’aurions pas pu conclure, » a déclaré Celso Amorim, Ministre des affaires étrangères du Brésil. Certains Membres ont estimé qu’un accord était si proche que quelques délégations se sont dites disposées à poursuivre les consultations, tard dans la soirée du mardi, a déclaré Lamy. Il y a eu néanmoins des signes d’intransigeance de la part d’autres Membres. Kamal Nath – Ministre indien du commerce – « déçu » a déclaré « il est regrettable que dans un cycle du développement, nous n’ayons pas pu franchir cette dernière étape à cause d’une question sur la sécurité des moyens d’existence. » « Même aujourd’hui, cinq des sept pays du groupe de grandes puissances étaient prêts à accepter la proposition de vendredi du Directeur général Lamy, » a déclaré mardi, Susan Schwab, Représentante américaine au commerce extérieur, faisant référence au rejet par l’Inde et la Chine de certaines dispositions d’un paquet de compromis que le Directeur général de l’OMC avait proposé aux Membres, le 25 juillet. Dans une déclaration, elle a indiqué que l’ambition de créer un accès au marché n’était pas « évidente » dans les offres des autres pays. Le G-7 complet comprend l’Australie, le Brésil, la Chine, les États-Unis, l’Inde le Japon, et l’Union européenne.

Comment en est-on arrivé à la rupture ?

Alors que le mécanisme de sauvegarde spéciale était largement perçu comme la cause immédiate de la rupture des négociations, le blocage sur ce mécanisme signifiait que d’autres questions litigieuses, notamment les abaissements des subventions au coton et les protections des noms de produits alimentaires basés sur des noms de lieux, tels que le jambon de Parme, n’ont jamais eu la chance d’être mises en vedette. Concernant le MSS, Lamy a déclaré que les divergences sur la taille que doivent avoir les poussées d’importation pour justifier les mesures de sauvegarde les plus élevées se sont avérées, à terme, inconciliables, en dépit de « plus de 60 heures » consacrées à tenter de réduire les écarts. « Ceux qui craignaient que la sauvegarde ne mène à une perturbation des échanges normaux souhaitaient que cette sauvegarde soit la plus élevée possible. Ceux qui craignaient que la sauvegarde ne soit pas opérationnelle si elle était trop pesante voulaient un seuil de déclenchement bas, » a-t-il déclaré. Le propre compromis proposé par Lamy aurait permis que les mesures correctives au titre du MSS dépassent de 15 % les consolidations tarifaires d’avant Doha lorsque les volumes des importations enregistrent une hausse de 40 % sur une moyenne de trois ans. La possibilité de dépasser les niveaux consolidés actuels aurait été limitée à 2,5 % des lignes tarifaire, les mesures correctives n’étant pas disponibles si les prix n’ont pas effectivement chuté. Selon le G-33, qui comprend l’Inde et la Chine, ce ‘seuil de déclenchement’ – trigger – était trop élevé pour garantir que les agriculteurs ne seraient pas lésés par les poussées d’importations agricoles subventionnés provenant des pays développés. Le groupe souhaitait que les mesures MSS les plus élevées soient déclenchées par des hausses des volumes d’importation de 10 % ou plus, avec le plafonnement des droits de sauvegarde à 30 % au-dessus des niveaux consolidés actuels. Lundi pendant la nuit, les États-Unis avaient rejeté une proposition de Lamy qui comprenait des chiffres pour les seuils de déclenchements et pour les plafonds de mesures de sauvegarde, mais qui aurait plutôt limité le recours au MSS en le liant à des « dommages vérifiables » aux besoins des utilisateurs en matière de sécurité alimentaire, de garantie des moyens d’existence et de développement rural, et en soumettant les mesures correctives à l’examen des experts. Cette proposition avait été acceptée par l’Inde, selon un responsable du G-33. Les Ministres et les responsables du G-33 ont recherché, mardi, des chiffres plus acceptables à intégrer dans le modèle proposé par Lamy. Selon des sources, une option aurait impliqué une hausse de 15 à 20 % des volumes d’importation comme ‘seuil de déclenchement’, avec des mesures correctives équivalent soit à 30 % des tarifs consolidés actuels, soit à 8 points de pourcentage. Un seuil de déclenchement consécutif de 35 à 40 % des volumes des importations aurait été lié à des mesures correctives de soit 50 % des niveaux tarifaires consolidés, soit 12 points de pourcentage. La différence entre le pourcentage des tarifs consolidés et le nombre de points de pourcentage serait particulièrement pertinente pour les pays qui cherchent à exporter vers la Chine, qui a des niveaux tarifaires faibles en raison de ses conditions d’accession (l’ajout de 8 points de pourcentage au tarif plafonné à 8 % équivaut à une hausse de 100% ; l’ajout de 30 points de pourcentage, pour arriver à 38 %, représente une hausse beaucoup plus forte). Les États-Unis n’auraient pas changé leur position, en soutenant qu’une hausse de 40 % des volumes d’importation était le seuil de déclenchement le plus bas possible qu’ils pourraient accepter pour des mesures correctives MSS qui iraient au-delà des plafonds tarifaires consolidés actuels. Selon Mandelson, il était « navrant qu’une divergence si minime sur les chiffres ayant trait au seuil de déclenchement du MSS ait fait capoter les discussions. » « Une force irrésistible a rencontré un objet inamovible dans la salle de négociation et le reste, c’est de l’histoire, » a déclaré Mandelson, parlant du l’affrontement entre l’Inde et les États-Unis.

Un avenir pour Doha ?

Avec l’échec du sommet, la prochaine étape pour le Cycle de Doha, déjà dans sa septième année, n’est pas encore claire. Il faudra peut-être attendre longtemps pour tout mouvement réel dans les discussions commerciales mondiales. L’élection présidentielle américaine de novembre restreindra la prise de décision pour le commerce, pour le reste de l’année, et beaucoup craignent qu’en 2009, dans le contexte des changements politiques aux États-Unis et en Europe, et des élections en Inde, le commerce mondial ne soit mis en veilleuse. «Il faudra laisser la situation se décanter», a déclaré Lamy lors d’une conférence de presse tenue à la suite de la rupture des négociations. « Il est sans doute difficile de regarder loin devant, à ce stade. Les Membres de l’OMC doivent examiner ceci de manière lucide, s’ils veulent rassembler les morceaux. » Les Ministres ont également exprimé leur souhait commun de faire état dans une certaine mesure des progrès réalisés cette semaine. « Les engagements américains restent sur la table, » a déclaré Schwab. Le Ministre brésilien, Celso Amorim ne savait pas si les engagements non contraignants offerts au cours des négociations seraient honorés dans l’avenir. « Cela ne relève pas de notre pouvoir, » a-t-il déclaré. « La vie continue, et pas toujours de la meilleure façon. » Les Ministres du commerce ont indiqué qu’ils n’étaient pas opposés à la poursuite des négociations à une date ultérieure. « Nous ne devrions pas exclure la possibilité de revenir à la table, » a déclaré Mandelson, bien que, selon lui, il n’y avait « aucune perspective » de convenir des modalités cette année, « ou dans un futur proche. » Schwab a émis le même point de vue, en déclarant que les États-Unis restaient « attachés et favorables à l’OMC ». De même, le Ministre indien, Kamal Nath, a déclaré que sa confiance tant dans l’OMC que dans le système multilatéral dans l’ensemble, restait « intacte. » En dépit de la confiance exprimée par les Ministres, Paul Blustein, un spécialiste du commerce à Brookings Institution, qui est en train d’écrire un livre sur l’OMC, a déclaré que « l’échec de mardi, risquait de porter atteinte à la crédibilité de l’OMC, qui est déjà en train de perdre sa place en tant qu’organe central pour l’élaboration de règles et le règlement des différends » dans les échanges globaux, en raison du nombre croissant d’accords commerciaux bilatéraux à travers le monde. Blustein a laissé entendre que les actions entreprises par la prochaine administration présidentielle américaine permettraient de déterminer si l’échec de la conférence pourrait avoir un côté positif pour l’OMC. Un nouveau Président – s’il s’intéresse au commerce multilatéral, ce qui n’est pas acquis – pourrait décider de donner une impulsion sérieuse à la refonte des négociations de Doha afin qu’elles soient positives, à long terme, pour le système commercial multilatéral, en prenant en compte des questions d’avenir telles que les changements climatiques et la hausse des prix des produits alimentaires. Pour sa part, l’OMC poursuivra ses travaux quotidiens visant la mise en application de l’ensemble existant de règles commerciales globales. Les négociations, aussi, sont susceptibles de traîner en longueur, pendant quelque temps, si non aux niveaux politiques les plus élevés. La Ministre indonésienne du commerce, Mari Pangestu a résumé ainsi la situation: « les discussions multilatérales n’échouent jamais, elles se poursuivent simplement. »

 

Crédit Photo : Pascal Lamy lors d’une conférence de presse, le 29 juillet 2008 à Genève (Photo : Fabrice Coffrini) – AFP

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