ÉDITORIAL
Par Françoise Malrieu
Lorsqu’au mois de mai de cette année, le conseil d’administration de l’IFA nous a confié la mission de former un groupe de travail sur la prise en compte des enjeux climatiques, nous n’avions pas conscience que nous allions, à ce point, faire écho avec l’actualité.
Selon un rapport de l’ONU, « le mois de juillet 2019, marqué par plusieurs canicules, notamment en Europe, a battu le record absolu de température ». La même source estime que les années 2015 à 2019 devrait constituer la période la plus chaude jamais enregistrée et s’alarme : « Aucun signe de ralentissement malgré tous les engagements pris au titre de l’Accord de Paris sur le climat. ». Au point que la Commission globale pour l’Adaptation, présidée par Ban Ki-moon, à laquelle adhère la France, a déclaré « nous sommes la dernière génération qui peut changer le cours du réchauffement climatique ». Ce sentiment croissant d’urgence absolue, éprouvé et partagé par les citoyens, s’est traduit par des formes d’expressions nouvelles spectaculairement incarnées dans les manifestations de la jeunesse à travers le monde, dans les marches et les grèves pour le climat de toutes les générations, en particulier à l’occasion du sommet spécial de l’ONU sur le climat en septembre dernier.
Le bilan sévère, dressé à cette occasion, met en cause l’inaction des états. La pression s’exerce à l’encontre des entreprises considérées à la fois comme la cause du problème, du fait de leurs émissions, et la source des solutions grâce à leur capacité d’innovation et d’investissement.
Dans ce contexte, nous avons veillé à tenir le cap de notre lettre de mission et à nous ancrer dans notre responsabilité d’administrateur afin d’identifier les bonnes approches méthodologiques à adopter pour exercer au mieux notre vigilance à l’égard des enjeux climatiques dans nos entreprises quelles qu’elles soient. La démarche empirique que nous avons retenue est décrite dans l’annexe de notre rapport. Nous sommes conscients qu’elle ne couvre pas l’étendue du sujet. Centrée sur le réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre, elle n’aborde pas à ce stade, les conséquences sur la biodiversité, sur l’épuisement des ressources naturelles telles que l’eau et les matières premières...Nous ne traitons pas non plus du prix du carbone dont le niveau de pertinence et le champ d’application font l’objet de débats non tranchés au plan mondial, européen et, parfois au sein même des entreprises.
Nous avons constaté combien la conscience de l’urgence et la nécessité d’engager des actions concrètes étaient présentes chez les entreprises et leurs dirigeants. Mais la capacité d’agir vite se heurte à un certain nombre d’obstacles. L’objectif national de neutralité carbone signifie un effort considérable d’adaptation des modèles d’affaires. Cette exigence intervient au moment où se manifestent d’autres risques systémiques mobilisant eux-mêmes l’attention et les moyens humains et financiers : le numérique, l’intelligence artificielle, la cyber-sécurité, les tensions géopolitiques, les exigences des citoyens. Aussi faut-il trouver, dans un univers incertain et au milieu d’intérêts antagonistes, les voies qui, sans compromettre le présent, assurent un avenir à l’entreprise et à ses salariés, préservent sa réputation et confortent la légitimité de ses activités, en un mot incarnent sa « raison d’être ».
Il s’agit de recherche, d’innovation, d’investissements, de formation. Les enjeux climatiques sont abordés aujourd’hui en priorité par les régulateurs, et donc par les entreprises, sous l’angle d’une analyse de risques, de métriques et de reporting, outils certes nécessaires mais qui entraînent la tentation de la norme. Or la transformation profonde auxquelles la grande majorité des entreprises vont avoir à faire face implique avant tout une vision de long terme : dans la perspective d’une économie décarbonée, que vont devenir l’entreprise et ses salariés ? Quels seront les marchés, les produits, l’organisation, les compétences requises, les besoins en actifs matériels et immatériels ? Les réponses à ces questions exigent une autre façon de travailler, en coopération avec les acteurs d’une même chaîne de valeur, en synergie entre filières, en dialogue aussi avec les pouvoirs publics et les citoyens tout à la fois collaborateurs, consommateurs, investisseurs.
C’est le rôle du conseil d’administration de porter cette exigence stratégique de long terme dans ses échanges avec les dirigeants, de veiller aux arbitrages nécessaires et à la modération entre des intérêts souvent contradictoires et des horizons de temps non alignés. Ce n’est pas encore la pratique la plus fréquente. Dès lors, il appartient à chaque administrateur de se saisir du sujet et de faire en sorte que les enjeux climatiques soient au centre de l’élaboration de la stratégie, de l’organisation des travaux du conseil, de la convergence des intérêts de toutes les parties prenantes et qu’ils fassent l’objet d’une communication fidèle.
C’est dans cet esprit qu’ont été élaborées les recommandations du groupe de travail. Leur formulation veille à respecter la latitude d’adaptation à la situation propre à chaque entreprise, conformément à la vocation de l’IFA.
AVANT-PROPOS
Depuis le début du XXème siècle, la consommation d’énergie mondiale a été multipliée par 10, corrélée à l’accroissement exponentiel de l’activité économique. L’industrie, les transports et l’agriculture se sont
fortement développés, en lien avec l’augmentation de la population mondiale permise par les progrès de l’hygiène et de la médecine.
Cette explosion de la consommation d’énergie a entraîné l’exploitation massive de ressources d’hydrocarbures fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) abondantes, faciles d’accès et peu chères. Cette énergie fossile couvre plus de 80% des besoins énergétiques mondiaux.
La combustion des ressources fossiles, en relâchant, du gaz dans l’atmosphère accentue l’effet de serre contribuant ainsi au réchauffement climatique auquel participent également la déforestation et les émissions de méthane dans l’agriculture.
Toutes les zones géographiques et tous les secteurs d’activité, industriels et de services, sont concernés par l’émission de ces gaz à effet de serre ainsi que l’illustre le graphique ci-dessous, retraçant les émissions 2016 mondiales et nationales.

La température a déjà augmenté d’environ +1°C depuis la fin du XIXème siècle, les scientifiques nous alertent sur une accélération.
Le Groupe International d’Experts sur le Climat (GIEC) indique que la poursuite des tendances actuelles induirait un réchauffement de +3.2°C à +5.4°C en 2100 par rapport à la période 1850-1900, ce qui entraînerait des effets catastrophiques et irréversibles pour les écosystèmes sur toute la planète.

SOMMAIRE
I. Les entreprises face aux enjeux climatiques
– 1. L’effet d’entraînement de la réglementation
– 2. L’urgence d’identifier les risques et de saisir les opportunités
– 3. Un impératif de démarches collectives
II. L’état des lieux dans la prise en compte des enjeux climatiques
– 1. Une convergence des observations
– 2. Les constats de l’IFA
– 3. Les raisons des limites
III. Les recommandations aux conseils d’administration
ANNEXES
A. La démarche de l’IFA
B. Lexique 30
Publication
Restitution des conclusions du groupe de travail IFA
Conclusions du goupe de travail IFA : 5 constats et 4 recommandations