Aujourd’hui, la dégradation de l’environnement se caractérise par la présence de risques massifs et interconnectés, dont l’intensité croît de manière exponentielle. La lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité ou l’accès aux matières premières, appellent à une réponse forte avant que la situation ne devienne irréversible.
La transition écologique et énergétique, démarche concrète et progressive, est une voie possible pour réagir à ces enjeux, dans la perspective du développement durable. Elle dépasse largement les politiques sectorielles environnementales et rejoint les questions d’emploi, de compétitivité et de bien-être. Mais la transition écologique a un coût : celui d’une anticipation collective qui doit se traduire par des politiques publiques solides, appuyées par des outils financiers adaptés, qui doivent être abordés en tenant compte du contexte socio-économique, pour pouvoir ensuite être mis en œuvre.
Livre blanc sur le financement de la transition écologique et avis du Conseil Economique Social et Environnemental pour savoir l’essentiel pour comprendre comment agir …
Livre blanc sur le financement de la transition écologique
63 mesures pour mobiliser les capitaux privés en faveur de la transition écologique.
Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, et Philippe Martin, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, mettent en consultation publique le Livre blanc français sur le financement de la transition écologique (format pdf – 389.4 ko).
Ce Livre blanc a été élaboré par le Commissariat général au Développement durable et la Direction générale du Trésor sous la supervision de Dominique Dron, ingénieure générale des mines et avec l’appui de Thierry Francq, alors conseiller du Directeur général du Trésor.
Il a pour vocation de contribuer à mettre la France sur la trajectoire de l’excellence écologique, conformément à l’objectif fixé par le président de la République dès septembre 2012. Il s’appuie sur des rapports nationaux et internationaux, sur des auditions et la consultation régulière d’un panel d’experts en 2012, ainsi que sur les conclusions d’une première conférence sur « le financement de la transition écologique » organisée le 12 juillet 2012 au ministère de l’Economie et des Finances.
La transition écologique recouvre de nombreux enjeux macro-économiques et sectoriels et intervient au moment où de nombreux investissements lourds doivent être renouvelés (énergie, bâtiments, eau, assainissement, transports…) pour les quarante années à venir dans la plupart des pays industrialisés. Elle implique de les adapter d’ores et déjà aux conditions écologiques qui prévaudront sur leur durée de vie. Ils seront d’autant plus coûteux qu’ils seront différés.
Les Etats ne sauraient assumer seuls cette phase d’investissement. Il s’agit donc d’orienter, par des signaux adaptés, les choix d’investissement, de consommation et d’épargne dans un sens favorable à la préservation de l’environnement.
Les 63 propositions du Livre Blanc sur le financement de la transition écologique reposent sur 4 grands principes :
– Améliorer la prévisibilité et les signaux fournis aux acteurs par le cadre réglementaire et les outils économiques ;
– Compléter les outils existants par d’autres instruments ciblés pour mobiliser les financements publics et privés vers la transition écologique ;
– Renforcer la prise en compte des enjeux extra-financiers de la transition écologique (critères ESG) chez les financeurs, investisseurs et émetteurs, publics et privés ;
– Renouveler le cadre intellectuel des pratiques des acteurs autour des objectifs et du financement de la transition écologique.
La consultation publique s’achèvera le 15 janvier 2014 à minuit. Elle nourrira la conférence bancaire et financière annoncée par le président de la République lors de la dernière conférence environnementale.
Les réponses à cette consultation feront l’objet d’une synthèse consultable en ligne.
Avis du CESE
Présentation Vidéo
Avis présenté par M. Gaël VIRLOUVET, rapporteur, au nom de la section de l’économie et des finances
La transition écologique est une démarche concrète et progressive, à engager ici et maintenant, visant une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, avec une forte dimension territoriale. Les 4 grands enjeux environnementaux sont l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité, l’accès aux matières premières et la protection de la santé humaine.
Cette démarche s’inscrit dans la perspective du développement durable. Elle suppose un changement profond par rapport au mode de développement actuel. La transition énergétique est un des volets de la transition écologique. Quelques exemples étrangers méritent d’être pris en considération en ce qui concerne la transition énergétique (Allemagne, Royaume‑Uni), ou l’ampleur de plans de relance orientés vers la transition écologique (Corée du Sud).
– La transition écologique a un coût : celui d’une anticipation collective
La transition écologique a un coût : celui d’une anticipation collective. En France, les outils de financement disponibles sont d’abord ceux des politiques environnementales historiques qui bénéficient, pour certaines, de flux financiers dédiés. Les autres politiques publiques intègrent diversement, et la plupart du temps très faiblement, les enjeux de la transition écologique. Quant au financement privé de cette transition, il dépend d’abord de la rentabilité offerte par le cadre économique, aujourd’hui non optimal. Il dépend aussi de la prise en compte de critères extra-financiers, qui reste faible.
– Pour mettre en oeuvre la transition écologique, il faut dégager des marges de manoeuvre dans un contexte financier contraint.
Pour mettre en oeuvre la transition écologique, il faut dégager des marges de manoeuvre dans un contexte financier contraint : affaiblissement de la croissance, contingences de la dépense publique, difficile mobilisation de l’épargne privée. Pour être conjuguée aux enjeux économiques et sociaux, la transition écologique doit contribuer au dynamisme économique des territoires en relevant le défi d’une « compétitivité soutenable ». Il faut pour cela identifier les incertitudes qui entravent le volontarisme des acteurs, articuler au mieux les divers niveaux de décision et améliorer la résilience des économies territoriales. La mobilisation de la société civile est un point essentiel de la transition : elle doit être financée pour les acteurs de terrain et accompagnée pour les acteurs financiers.
– La transition écologique doit faire l’objet d’une réelle appropriation par les citoyens et leur donner la perspective d’une nouvelle prospérité.
La transition écologique doit faire l’objet d’une réelle appropriation par les citoyens et leur donner la perspective d’une nouvelle prospérité : nouveaux emplois, amélioration du bien-être, partage équitable de l’effort et réduction des inégalités.
La transition écologique et énergétique : un défi majeur, un financement balbutiant
Comme le souligne Gaël Virlouvet, le rapporteur de l’avis : « Le financement de la transition écologique ne passe pas uniquement par le financement de politiques environnementales mais bien par la prise en compte des enjeux du changement climatique, de la biodiversité et de l’économie des ressources dans l’ensemble des politiques publiques et de leurs volets financiers ».
Les politiques environnementales bénéficient, pour certaines, de financements dédiés (eau, déchets..) et, dans le domaine de l’énergie notamment, des systèmes tarifaires incitatifs ont été mis en place. Mais aujourd’hui, les autres politiques publiques intègrent très diversement les enjeux de la transition écologique. Gaël Virlouvet insiste : « Les aides de l’Etat à vocation économique ou sociale ne tiennent, dans la plupart des cas, pas compte des enjeux environnementaux alors qu’elles pourraient influer sur la transition écologique des différents secteurs ». A contrario, la Caisse des dépôts ou certaines composantes de la BPI font évoluer leur stratégie d’investissement pour mieux prendre en compte les enjeux environnementaux. De même, une partie des investissements d’avenir ont été orientés dans cette direction. Enfin, au plan local, l’approche transversale émerge, grâce aux politiques de type Agenda 21 ou Plan climat énergie territorial, mais elle reste encore rare.
Pour sa part, le financement privé de la transition écologique existe de manière sectorielle mais se heurte systématiquement à la question du retour sur investissement : quel bénéfice pour l’investisseur ? Quelle est la marge d’incertitudes ?
La clé d’une transition écologique réussie réside dans l’anticipation.
Inscrire le financement de la transition écologique dans le contexte économique et social actuel
Dans l’absolu, trois grands axes sont possibles pour financer la transition écologique :
– Augmenter le prix des ressources à préserver et des activités polluantes, ce qui incite à choisir les solutions les moins impactantes pour l’environnement ;
– Soutenir financièrement les solutions les plus pertinentes ;
– Faciliter l’accès au crédit pour les investissements de la transition écologique.
Mais chacun de ces axes peut avoir des répercussions socio-économiques majeures, d’autant qu’ils s’inscrivent dans le contexte actuel contraint. Les budgets publics sont resserrés, le taux de croissance est proche de zéro, la mondialisation questionne la compétitivité de nos entreprises, le chômage augmente et le pouvoir d’achat a reculé en 2012.
La transition écologique ne peut donc s’inscrire que dans une réponse globale à donner aux grands défis auquel est confronté notre pays : dégager des marges de manœuvre collective, construire une compétitivité soutenable pour les territoires comme pour les entreprises et donner aux citoyens la perspective d’une nouvelle prospérité. « Les efforts consentis doivent être autant d’investissements en faveur de l’emploi, du bien-être et de la compétitivité. Leur répartition doit être équitable » conclut le rapporteur.
Assumer le financement de la transition écologique, vers une nouvelle prospérité
« L’affirmation d’un horizon et d’un cap politique communs est essentielle pour réussir la transition écologique et mobiliser les financements nécessaires dans la durée » insiste Gaël Virlouvet. Il revient au politique de définir un projet, une vision pour le pays, de tracer des perspectives pour susciter l’adhésion de nos concitoyens. Le CESE avait déjà appelé en 2010 à ce que la Stratégie Nationale de Développement Durable soit conçue comme la colonne vertébrale de la politique du gouvernement. La transition écologique doit répondre à cette attente, assortie en outre d’un cadre financier pérenne, construit dans le dialogue avec les acteurs représentatifs.
Pour atteindre des objectifs ambitieux, il vaut mieux une route bien balisée. La prospective économique de la transition écologique doit donc être renforcée, à la fois dans l’évaluation des financements nécessaires mais aussi dans la construction des scénarios macro-économiques de la transition.
Le CESE souhaite une transition écologique économiquement attractive. Pour cela :
– Premièrement, les signaux-prix doivent être cohérents avec une perspective de long-terme. Mais le contexte socio-économique exige des changements inscrits dans la durée, progressifs et discutés pour donner aux ménages et aux entreprises une visibilité suffisante et garantir ainsi les conditions de l’arbitrage de leurs investissements. Le CESE estime à cette occasion que la part de la fiscalité écologique doit significativement progresser dans l’ensemble des prélèvements obligatoires. Dans cet équilibre et s’agissant des ménages, une baisse de la TVA mérite d’être étudiée.
– Deuxièmement, des aides spécifiques doivent être amplifiées dans trois domaines : la mobilisation des acteurs ; l’innovation, la recherche et le développement; le déploiement d’infrastructures et l’amélioration de l’existant, y compris en ce qui concerne la biodiversité. Au-delà, le CESE appelle à une cohérence écologique de l’ensemble des aides publiques.
– Troisièmement, l’accès au crédit doit être facilité pour les investissements de la transition écologique : prêts bonifiés, refinancements à taux faibles, notamment via la Banque Européenne d’Investissement, mobilisation de la Banque Publique d’Investissement…
Le CESE se penche également sur les critères extra-financiers. L’élaboration de critères de références est nécessaire pour évaluer la pertinence environnementale des investissements. Ensuite, les outils publics d’investissement peuvent mieux prendre en compte la transition écologique dans leurs objectifs et leur gouvernance : « le CESE préconise d’étudier la possibilité d’accueillir les acteurs environnementaux représentatifs dans les organes d’orientation des lieux institutionnels, nationaux ou régionaux, où se décident les investissements, aux côtés des acteurs économiques et sociaux ». Quant à l’épargnant privé, il devrait bénéficier d’une lisibilité écologique de ses choix d’investissement. Cela passe notamment par une labellisation officielle, mais aussi par l’instauration, au niveau national et régional, d’emprunts obligataires à vocation écologique, par la clarification de l’apport réel au développement durable du Livret du même nom (LDD) ou encore par la publication par les gestionnaires d’assurance-vie et de fonds de retraite d’une analyse de la compatibilité de leurs placements avec la transition écologique.
L’avis se conclut par trois propositions. D’abord, «le CESE appelle à une nouvelle étape des investissements d’avenir, orientée vers la transition écologique et la nouvelle prospérité économique, sociale et environnementale, et d’un niveau au moins égal à la première étape », explique Gaël Virlouvet. Ensuite, l’avis recommande de développer un « système partenarial de financement de la transition écologique », constitué de flux financiers dédiés dont la gouvernance associe les acteurs représentatifs. Enfin, le CESE appelle à la mobilisation de la création monétaire au niveau européen pour financer les investissements de long terme de la transition écologique.
Le thème de cet avis trouve un écho important avec l’actualité de l’été 2013. Une nouvelle étape des investissements d’avenir a été décidée par le Premier ministre, à hauteur de 9 Mds €. La Banque Européenne d’Investissement a annoncé le renforcement de ses prêts pour appuyer les investissements liés aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Enfin, lors du séminaire gouvernemental de rentrée, le Président de la République a rappelé que réussir la transition écologique et énergétique constituait l’un des 5 objectifs autour desquels devait s’articuler une stratégie à 10 ans pour la France. A la veille de la conférence environnementale, gageons que l’avis du CESE en faveur du financement de la transition écologique soit entendu.