Les forêts, près de 1,6 milliard de personnes en dépendent pour leur subsistance, elles produisent des biens dont certains ont une valeur marchande comme le bois, des produits pharmaceutiques et bien d’autres encore. Elles rendent des services essentiels : régulent le climat, les pluies, évitent les effets dévastateurs des tsunamis sur les côtes, procurent de l’eau potable, constituent un véritable stock de carbone… Et maintiennent les sols fragiles de régions qui subissent de fortes pluies. En somme, les forêts sont donc les meilleures barrières naturelles contre les dégâts liés aux fortes pluies. Trois quarts de l’eau douce accessible provient des bassins versants des forêts ; les forêts purifient l’eau potable du deux tiers des grandes villes des pays en développement. Par conséquent, les forêts peuvent être comparées à des stations d’épuration. Sans elles, pas de filtration (à travers les systèmes racinaires) des polluants tels que : les métaux lourds, azotes… Les forêts jouent en réalité un rôle primordial dans la préservation des équilibres sociaux et écologiques.
Les forêts peuvent « refroidir » la Terre par évaporation d’eau, en créant des nuages qui réfléchissent la lumière du soleil. Avec environ 8 milliards de tonnes de vapeur d’eau rejetée chaque année par la forêt amazonienne, la fraîcheur aux sources et ruisseaux est assurée tandis que les précipitations sont entraînées des côtes vers le continent. Mais lorsque frappe la déforestation, comme en Inde, on constate une diminution de la pluviométrie de 30%. DISPARITION DES FORÊTS RIME AVEC ABSENCE DE PLUIE ET SÉCHERESSE Une étude de 2005 de la NASA a révélé que la fumée issue des forêts brûlées inhibe la production de nuages et donc diminuent les précipitations. Par ailleurs, en remplaçant la forêt tropicale par des terres d’agriculture ou d’élevage on augmente la réflectivité de la terre, on absorbe moins l’énergie du soleil et on diminue en conséquence le régime des précipitations [[Etude de Cook, avec la NASA Goddard Institute for Space Studies (GISS) et l’Université de Columbia Lamont-Doherty Earth – Observatory de New York Ville.]]. Agissant comme des pompes, les forêts entraînent les précipitations à partir des zones côtières dans les zones continentales. Les forêts tropicales peuvent aussi « refroidir » la Terre par évaporation d’énormes volumes d’eau et la création de nuages qui réfléchissent la lumière du soleil vers l’espace. La forêt amazonienne à elle seule rejette autour de 8 milliards de tonnes de vapeur d’eau dans l’atmosphère chaque année. La déforestation historique en Inde a provoqué un changement dans la mousson diminuant la pluviométrie de 30%. Et les conséquences peuvent aller au-delà de la région où la déforestation se produit : l’Amazone influence les précipitations du Mexique au Texas et les forêts tropicales d’Asie du Sud impactent les pluies jusque dans les Balkans. Aussi, le service de régulation du débit de l’eau rendu par les forêts a été évalué entre 1360 et 5235$ par ha et par an, uniquement pour les forêts tropicales (valeur de 2007). DISPARITION DES FORÊTS ET DES MAYAS La découverte du climatologue Ben Cook nous apprend que la disparition de la civilisation Maya fut principalement la conséquence de la déforestation. Ces découvertes montrent que la destruction des forêts a entraîné une réduction des précipitations et un ébranlement de la civilisation par les sécheresses successives. En effet, les arbres injectent de l’eau dans l’atmosphère par évapotranspiration de leurs feuilles et contribuent ainsi notablement aux précipitations sur les régions continentales. Pendant la période pré-coloniale Maya, la déforestation aurait participé à la diminution de 10 à 20% des précipitations engendrant ainsi une sécheresse qui semble avoir été la conséquence de la disparition de cette civilisation. FORÊTS, STATIONS D’ÉPURATION En plus de générer cette eau, la forêt nous la nettoie. Elle agit comme une véritable station d’épuration, filtrant polluants, métaux lourds, azotes à travers les systèmes racinaires avant de venir se reposer dans les nappes phréatiques pour poursuivre son long cycle de l’eau. Trois quarts de l’eau douce accessible provient des bassins versants des forêts ; les forêts purifient l’eau potable des deux tiers des grandes villes des pays en développement. Un autre exemple en pays développé cette fois-ci, celui de la ville de New-York qui préféra restaurer les fonctions écologiques du bassin versant alentour d’où provenait l’eau plutôt que de construire et exploiter une station de traitement (économie réalisée : 80% du coût de la construction d’une nouvelle station sans compter les frais d’entretien). LES FORÊTS, MEILLEUR ASSUREUR EN MATIÈRE DE DÉGÂTS DES EAUX Les forêts sont les meilleures barrières naturelles contre les inondations, les glissements de terrain ou les tempêtes. Elles jouent un rôle protecteur primordial pour des millions de personnes, qu’ils vivent dans les terres ou en façade maritime, en faisant tampon entre l’eau, le vent et les habitations. Elles contrôlent aussi le ruissellement des eaux en stockant l’eau de pluie puis en la rejetant progressivement dans les aquifères, ce qui réduit les risques d’inondation et de glissement de terrains. En prévenant l’érosion des sols elles évitent également la perte des sols et de l’humus nécessaire à l’agriculture. Les services rendus par les forêts, comme l’influence sur le régime des pluies, sont aujourd’hui en danger. L’histoire de la disparition de la civilisation maya se reproduira-t-elle pour l’homme moderne, incapable de tirer profit des expériences du passé ?
Les arbres disposent d’une faible marge de manœuvre face à la sécheresse
Sous l’écorce de chaque arbre bat un ingénieux système vasculaire qui transporte tous les jours des centaines de litres d’eau vers l’atmosphère. Ce système hydraulique repose sur un mécanisme unique mais très instable car sans cesse soumis aux contraintes de l’environnement. Des chercheurs de l’INRA associés à un groupe de recherche international ont montré que la plupart des arbres fonctionnent à la limite du point de rupture de ce système hydraulique. Ce travail permet de mieux comprendre pourquoi les dépérissements des forêts provoqués par les sécheresses se produisent non seulement dans les régions arides, mais aussi dans les forêts humides, non considérées à risque jusqu’à ce jour. Le résultat de ces recherches est publié dans l’édition en ligne de la revue Nature le 21 novembre 2012.
Les variations de la disponibilité de l’eau dans le sol peuvent induire une augmentation des tensions sur les colonnes d’eau dans les tissus conducteurs des arbres, notamment en cas de sécheresse. Au-delà d’un certain seuil, ces tensions provoquent une rupture des colonnes d’eau suite à l’apparition de bulles d’air, ce qui conduit à un blocage irréversible de la circulation appelé embolie. Depuis quelques années, plusieurs études ont démontré expérimentalement que la vulnérabilité à l’embolie était liée à la survie des arbres en condition de sècheresse. Cependant, cette vulnérabilité varie considérablement entre les espèces, ce qui rend difficile la prédiction de l’impact des sécheresses sur les écosystèmes forestiers.
Vue microscopique d’une feuille de noyer montrant une bulle d’air (embolie) dans un vaisseau d’une petite veine. Cette embolie se forme en période de sécheresse et peut entraîner le dessèchement de la feuille. ©INRA/Hervé Cochard
Une équipe internationale de 24 scientifiques spécialistes de la physiologie des plantes ont réalisé une synthèse de données mondiales sur la résistance à l’embolie des plantes ligneuses, dont la plupart sont des arbres(1). Des chercheurs de l’Inra de Clermont-Ferrand et de Bordeaux ont apporté à cette analyse leur expertise sur la vulnérabilité à l’embolie des espèces ligneuses européennes et des conifères de la planète.
Les chercheurs ont logiquement constaté que les espèces qui poussent dans les forêts humides étaient moins résistantes à l’embolie que celles qui croissent dans les zones arides. Toutefois, il est apparu que la plupart des arbres atteignent d’ores et déjà leur seuil de rupture hydraulique, les rendant ainsi très vulnérables à la sécheresse, et ce quel que soit l’écosystème forestier considéré. En effet, 70% des 226 espèces ligneuses des 81 sites examinés dans cette étude globale fonctionnent avec une « marge de sécurité hydraulique » très faible. L’équipe a constaté que ces marges de sécurité sont largement indépendantes des précipitations annuelles moyennes. Ceci illustre la convergence globale de la vulnérabilité des forêts à la sécheresse car, indépendamment des précipitations reçues dans leur environnement, les forêts apparaissent toutes très vulnérables à la défaillance hydraulique.
Ces résultats permettent de mieux comprendre pourquoi les dépérissements des forêts provoqués par les sécheresses se produisent non seulement dans les régions arides, mais aussi dans les forêts humides, non considérées à risque jusqu’à ce jour. Les arbres optent en effet pour une stratégie hydraulique à haut risque traduisant un compromis qui concilie croissance et protection contre l’embolie.
Pour les arbres, et d’une manière générale pour la planète, les conséquences de sécheresses plus longues et de températures plus élevées sont potentiellement dramatiques. Par exemple, le déclin rapide des forêts pourrait convertir le puits net de carbone des forêts tropicales en une source massive de carbone et provoquer également de profonds déséquilibres de la biodiversité au cours de ce siècle.
Cependant, les résultats de l’étude ne prévoient pas de scénarios catastrophiques pour les écosystèmes forestiers. Malgré les changements de température et de pluviométrie déjà observés, certaines forêts sont en expansion et devraient continuer à progresser. Seuls les peuplements en limite sud d’aire de répartition de l’espèce pourraient être affectés dans un futur proche. Ces recherches devraient permettre d’identifier les espèces qui sont susceptibles de persister et celles qui sont susceptibles de souffrir, voire de disparaître avec l’augmentation de l’aridité (fréquence et intensité des sècheresses). Elles aideront également les modélisateurs à prédire l’équilibre entre les dépérissements et l’expansion des forêts.
Un système vasculaire ingénieux mais très instable
Chaque jour, les arbres transpirent de grandes quantités d’eau afin de refroidir leurs feuilles tout en absorbant du dioxyde de carbone pour la photosynthèse. Cette eau est absorbée dans le sol et transportée par un réseau de fins conduits qui relient les racines aux feuilles grâce à une pompe aspirante dont le moteur est l’énergie solaire.
Garder ce système hydraulique fonctionnel est donc l’un des principaux problèmes auxquels sont confrontées les plantes en période de sécheresse. Ce système est en effet très vulnérable et risque de se désamorcer par formation d’embolie gazeuse. Lorsque le sol se dessèche, la sève des arbres est exposée à de très fortes tensions qui peuvent rompre les colonnes d’eau à l’intérieur de leur système vasculaire. Ce phénomène de ‘cavitation’ produit une embolie gazeuse de la même manière que des thromboses peuvent bloquer le système circulatoire des humains. Lorsque l’intensité de la sécheresse s’accentue, l’embolie s’accumule dans le système vasculaire jusqu’à ce que l’arbre se dessèche et meure.
(1) Le travail du groupe a été financé par ARC-NZ Research Network for Vegetation Function
Référence
Choat B. et al. Global convergence in the vulnerability of forests to drought. AOP Nature, 21 novembre 2012. DOI: 10.1038/nature11688