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La France va utiliser l'échange «dette-nature»

La dette ou le développement durable

Par Guillaume SAINTENY dans Libération du 17/08/05
Une grande partie de la biodiversité mondiale se trouve dans les pays [en voie de développement]. Mais elle y est souvent insuffisamment protégée et gérée d’une façon non durable qui ne contribue pas au développement des pays concernés. En outre, beaucoup de ces pays sont endettés et le service des intérêts de leur dette les conduit, parfois, à surexploiter leur biodiversité. Le «Debt for nature swap» (échange dette-nature ou conversion de créance pour l’environnement) a été inventé à la fin des années 80. Il s’agit d’un mécanisme financier à plusieurs variantes. Dans certains cas, limités à deux acteurs, un créditeur (Etat ou personne privée) annule ou réduit une dette publique ou privée d’un pays en voie de développement en échange d’obligations de protection de la nature. Dans d’autres cas, un acteur tiers ­ une organisation non-gouvernementale (ONG) ­ rachète sur le marché de la dette à une valeur décotée (du fait du risque de défaut) une partie de la dette, en devises fortes (dollars), d’un pays en voie de développement, auprès du créditeur. Simultanément, il propose au pays débiteur la conversion de cette dette non pas à sa valeur décotée sur le marché mais à sa valeur faciale, en monnaie locale, en obligations de protection de la nature, surveillées par un trust, dans le board duquel peuvent être présents des représentants de l’ONG et/ou du créditeur. De nombreuses autres variantes techniques sont possibles (annulation ou renégociation sur le montant, les taux, l’échéancier…). Les avantages du mécanisme sont multiples : allègement du poids de la dette et de son service pour le pays en voie de développement concerné, conversion d’une fraction de la dette libellée en dollars en monnaie locale, protection de la nature, possibilité d’alléger la pression sur les ressources naturelles dans des pays en voie de développement à forte biodiversité, investissement local de la dette annulée, parfois créateur d’emplois (gardiennage des parcs et réserves créées…). Cette technique est utilisée par les pays scandinaves et les pays anglo-saxons depuis une vingtaine d’années, à tel point que le Congrès américain a même adopté, dès 1988, une loi favorisant l’échange dette-nature. Depuis l’invention du mécanisme, la confirmation du rôle joué par les forêts tropicales dans le stockage du CO2 est venue ajouter un intérêt supplémentaire à l’échange dette-nature. Néanmoins, la France avait quasiment ignoré cette possibilité jusqu’ici. Elle avait participé, au début des années 90, à une négociation de ce type qui a abouti, de façon multilatérale, à une conversion d’environ 10 % de la dette polonaise sous la forme d’un Ecofonds. Depuis, elle a négligé ce mécanisme. L’annonce présidentielle va permettre de la mettre en oeuvre pour les pays pauvres très endettés (PPTE) dans le cadre des contrats de désendettement développement (C2D). L’initiative PPTE vient du sommet du G7 de Lyon en 1996 durant lequel, sous l’impulsion de la France, le caractère insoutenable de la dette des pays pauvres avait été mis en avant. La spécificité de cette initiative, renforcée aux sommets de Cologne (1997) et de Tokyo (2000) tenait à son ampleur (il était prévu d’effacer les deux tiers de la dette des PPTE) et au fait qu’elle était liée à des efforts des pays concernés. Dans le cadre de l’initiative PPTE, la France allège la dette des pays en voie de développement via les C2D. Ces contrats privilégient l’aide budgétaire affectée à des programmes sectoriels. Les ressources naturelles étaient bien un domaine identifié de redéploiement possible de l’échange de dette. Mais, de fait, aucun contrat d’échange dette-nature n’était jamais intervenu dans le cadre des C2D. Par ailleurs, la stratégie nationale de développement durable prévoit «d’intégrer les objectifs du développement durable dans les instruments de l’aide française, notamment le traitement de la dette». Pour ce faire, elle se fixe un objectif de mise en oeuvre de contrats de désendettement développement qui devraient s’élever à 3,7 milliards d’euros. Le «plan d’actions» de cet objectif prévoit de «négocier des conversions de créances ou le réinvestissement d’échéances de remboursement de dettes pour des investissements en faveur du développement durable». L’utilisation du mécanisme de l’échange dette-nature par la France présente plusieurs avantages. Il s’agit d’une source financière pour la protection de la biodiversité, sous la forme d’une mutualisation du financement de ce bien public global. Il semble possible à terme d’associer cette technique aux mécanismes post-Kyoto de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une partie importante de ces dettes, peu solvables et donc décotées, aurait été, probablement annulée ou réduite quoi qu’il en soit. L’utilisation de ce mécanisme apparaît également cohérente avec les positions diplomatiques de la France en faveur d’une meilleure gouvernance internationale de la biodiversité en tant que bien public global. Il pourra également trouver à s’employer dans le cadre privilégié des relations avec les pays francophones d’Afrique, à la fois débiteurs de la France et siège d’une biodiversité très riche. Au-delà de la contribution à la protection et à la gestion rationnelle de la biodiversité, le mécanisme de l’échange dette-nature permettra de lier les deux questions de l’aide au développement et de l’environnement favorisant ainsi un mode de développement plus durable des pays en voie de développement.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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