Le WEO-2012 est un outil indispensable pour tous ceux, décideurs industriels, responsables politiques ou autres, qui s’intéressent au secteur énergétique. Ce document de référence fournit des projections de l’évolution des tendances énergétiques jusqu’en 2035, ainsi qu’un aperçu de leurs répercussions en termes de sécurité énergétique, de durabilité environnementale et de développement économique. Pétrole, charbon, gaz naturel, énergies renouvelables et nucléaire : le WEO- 2012 fait le point sur tous ces secteurs ainsi que sur les questions relatives au changement climatique. La demande énergétique mondiale, la production, les échanges commerciaux, les investissements et les émissions de dioxyde de carbone sont traités par pays ou région, par source d’énergie et par secteur. Des sujets stratégiques spécifiques sont couverts : – Les effets sur les marchés de l’énergie, l’économie et l’environnement qu’aurait la libération du potentiel purement économique de l’efficacité énergétique, pays par pays et secteur par secteur. – Le secteur énergétique irakien, examinant l’importance de son rôle tant pour satisfaire les besoins propres du pays que pour répondre à la demande mondiale en pétrole et en gaz. – Le nexus eau-énergie, les ressources en eau devenant de plus en plus tendues et leur accès source de contentieux. – Les progrès vers un accès universel aux services énergétiques modernes. Si les incertitudes ne manquent pas, nombreuses sont les décisions qui ne peuvent être remises à plus tard. Les informations présentées par le WEO‑2012 seront précieuses pour ceux qui sont appelés à façonner notre futur énergétique.
Un nouveau paysage énergétique mondial est en train de se dessiner
La carte énergétique mondiale est en pleine évolution, ce qui peut avoir de profondes répercutions sur les marchés et les échanges d’énergie. Transformée par la résurgence de la production pétrolière et gazière aux États‐Unis, elle pourrait se trouver remodelée également par l’abandon du nucléaire dans certains pays, par la croissance rapide et continue de l’utilisation des technologies solaires et éoliennes et par la généralisation de la production de gaz non conventionnel au niveau mondial. Les perspectives des marchés pétroliers internationaux dépendent de la capacité de l’Irak à revitaliser son industrie du pétrole. Le développement et la mise en oeuvre de nouvelles politiques concertées d’amélioration de l’efficacité énergétique à tous les niveaux pourrait également changer la donne. Sur la base de scénarios globaux et de nombreuses études de cas, cette édition du World Energy Outlook (Perspectives énergétiques mondiales) évalue la manière dont ces nouveaux développements sont susceptibles d’affecter les tendances énergétiques et les évolutions climatiques mondiales au cours des décennies à venir. Elle examine leur impact sur les défis majeurs auxquels le système énergétique doit faire face : répondre à la croissance constante des besoins mondiaux en énergie, nourrie par la hausse des revenus et la croissance démographique des économies émergentes, offrir aux populations les plus pauvres l’accès à l’énergie, et permettre d’atteindre les objectifs de la communauté internationale en matière de changement climatique. Même en tenant compte des politiques et développements récents, le système énergétique mondial ne semble toujours pas s’être engagé sur une voie plus durable. Selon le Scénario « nouvelles politiques » (notre scénario central), la demande énergétique mondiale devrait augmenter de plus d’un tiers sur la période s’étendant jusqu’à 2035 ; la Chine, l’Inde et le Moyen‐Orient représentant 60 % de cette hausse. La demande énergétique n’augmente que très peu dans les pays de l’OCDE, où l’on note un virage très net visant à se détourner du pétrole et du charbon (et, dans certains pays, du nucléaire) au profit du gaz naturel et des énergies renouvelables. En dépit de la croissance des sources d’énergie à faible teneur en carbone, les combustibles fossiles conservent une position dominante dans le mix énergétique mondial, aidés par des subventions s’élevant à 523 milliards de dollars en 2011 – six fois plus que les subventions destinées aux énergies renouvelables –, en augmentation de près de 30 % par rapport à 2010. Le montant de ces subventions aux énergies fossiles s’est trouvé entraîné à la hausse par l’augmentation des prix du pétrole. C’est au Moyen‐Orient et en Afrique du Nord qu’elles restent les plus élevées, alors que l’élan en faveur de leur réforme semble avoir été perdu. Dans le Scénario « nouvelles politiques », les émissions de gaz à effet de serre correspondent à une hausse de 3,6 °C de la température mondiale moyenne à long terme.Reflux d’énergie aux États Unis
Aux États‐Unis, le secteur énergétique fait face à de profonds bouleversements, dont les effets se feront ressentir bien au‐delà de l’Amérique du Nord et du seul secteur énergétique. La récente résurgence des productions pétrolière et gazière aux USA, résultat des technologies permettant l’exploitation des ressources en huile et en gaz de schiste, stimule l’activité économique – avec une baisse des prix du gaz et de l’électricité qui permet à l’industrie de gagner en compétitivité – et modifie en profondeur le rôle de l’Amérique du Nord en matière de commerce énergétique mondial. On prévoit que d’ici aux alentours de l’année 2020, les États‐Unis deviendront le plus gros producteur de pétrole mondial (dépassant l’Arabie Saoudite jusqu’au milieu des années 2020) tout en commençant à ressentir l’impact des nouvelles mesures d’économie de carburant dans le secteur des transports. Il en résulte une chute régulière des importations pétrolières des États‐Unis, à tel point que l’Amérique du Nord devient exportatrice nette autour de 2030. Ceci accélère le mouvement du commerce pétrolier international vers l’Asie, et accentue l’importance de sécuriser les routes stratégiques qui transportent le pétrole du Moyen‐Orient vers les marchés asiatiques. Les États‐Unis, qui importent actuellement près de 20 % de leurs besoins énergétiques totaux, deviennent presque autosuffisants en termes nets – un renversement spectaculaire de la tendance observée dans la majorité des autres pays importateurs d’énergie.Mais personne ne peut s’isoler des marchés mondiaux
Aucun pays ne peut se targuer d’être une « île » énergétique, et les interactions entre combustibles, marchés et prix s’intensifient. La plupart des consommateurs de pétrole sont habitués aux effets des fluctuations de prix mondiales (la réduction de leurs importations de pétrole ne mettra pas les Etats Unis à l’écart des développements des marchés internationaux), mais ils peuvent s’attendre à des interactions croissantes dans d’autres secteurs. Actuellement par exemple, les prix modérés du gaz naturel entraînent une réduction de la consommation de charbon aux États‐Unis, qui peuvent donc exporter leur production excédentaire vers l’Europe, où le charbon a détrôné le gaz plus onéreux. En 2012, à son niveau le plus bas, le gaz naturel était vendu aux États‐Unis à près d’un cinquième des prix d’importation pratiqués en Europe et à un huitième de ceux pratiqués au Japon. À l’avenir, les interrelations de prix entre marchés gaziers régionaux seront amenées à se renforcer, avec la flexibilisation du commerce de gaz naturel liquéfié et l’évolution des conditions contractuelles. Les changements ressentis dans une partie du monde se répercuteront alors plus rapidement ailleurs. Au sein des différents pays et régions, les marchés électriques concurrentiels sont en train de créer des liens plus forts entre les secteurs gazier et charbonnier, qui doivent également s’adapter au développement des énergies renouvelables et, dans certains cas, à un recul de l’énergie nucléaire. Les responsables politiques oeuvrant pour une amélioration de la sécurité énergétique en plus de leurs objectifs économiques et environnementaux se trouvent face à des choix de plus en plus complexes et parfois contradictoires.Un plan d’action pour un monde d’efficacité énergétique
L’efficacité énergétique est largement reconnue comme un point clé aux mains des décideurs politiques. Mais les efforts actuels sont loin d’exploiter la totalité du potentiel économique disponible. Au cours de l’année passée, les principaux pays consommateurs d’énergie ont annoncé de nouvelles mesures : la Chine vise une réduction de 16 % de son intensité énergétique d’ici à 2015 ; les États‐Unis ont adopté de nouvelles normes en matière de consommation de carburant ; l’Union européenne s’est engagée à diminuer de 20 % sa demande énergétique en 2020, et le Japon prévoit de couper 10 % de sa consommation d’électricité d’ici à 2030. Selon le Scénario « nouvelles politiques », ces mesures permettent d’accélérer les progrès en matière d’efficacité énergétique mondiale, dont le rythme est resté d’une lenteur décevante au cours des dix dernières années. Mais même avec ces mesures, et les politiques déjà en place, une part significative du potentiel d’amélioration de l’efficacité énergétique – quatre cinquièmes du potentiel dans le secteur de la construction et plus de la moitié dans le secteur industriel – restera inexploitée. Notre Scénario pour un monde plus efficace montre comment, en mettant à bas les obstacles aux investissements en faveur de l’efficacité énergétique, il est possible de libérer ce potentiel et de réaliser d’énormes progrès en matière de sécurité énergétique, de croissance économique et de protection de l’environnement. Ces progrès ne se basent pas sur des percées technologiques majeures ou inattendues, mais simplement sur la suppression des obstacles à la mise en place de mesures d’efficacité énergétique économiquement viables. Ceci aurait un impact majeur sur les tendances climatiques et énergétiques au niveau mondial par rapport aux prévisions du Scénario « nouvelles politiques ». La croissance de la demande mondiale en énergie primaire jusqu’en 2035 s’en trouverait divisée par deux. La demande en pétrole culminerait avant 2020, et serait inférieure de près de 13 mb/j en 2035. Une telle baisse correspondrait à la production actuelle combinée de la Russie et de la Norvège, et relâcherait la pression pour de nouvelles découvertes et développements pétroliers. L’investissement supplémentaire de 11 800 milliards de dollars (en dollars de 2011) dans les technologies éco‐énergétiques serait très largement compensé par la réduction des dépenses en combustibles. Ces bénéfices permettraient une réorientation graduelle de l’économie mondiale et augmenteraient la production économique cumulée jusqu’en 2035 de 18 000 milliards de dollars, les augmentations de produit intérieur brut (PIB) les plus importantes étant ressenties en Inde, en Chine, aux États‐Unis et en Europe. L’accès universel aux énergies modernes serait plus facile à atteindre et la qualité de l’air s’améliorerait, grâce à une forte chute des émissions de polluants au niveau local. Les émissions de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’énergie culmineraient avant l’année 2020, suivi par une baisse, correspondant à une augmentation à long terme de la température de 3 °C. Nous proposons les principes politiques capables de transformer le Scénario pour un monde plus efficace en réalité. Bien sûr, les étapes spécifiques différeront en fonction des pays et secteurs concernés. Mais des actions d’envergure dans six domaines doivent être mises en place. Il faut rendre l’efficacité énergétique beaucoup plus visible en en mesurant et publiant les avantages économiques. L’importance de l’efficacité énergétique doit être mise en avant, pour qu’elle soit prise en compte dans les décisions des gouvernements, des industriels et de la société. Il incombe aux responsables politiques de la rendre plus abordable, par la création et le soutien de modèles de marchés, de vecteurs de financement et de mesures incitatives, afin de garantir un retour sur investissement reflétant une juste part des bénéfices économiques. En déployant un bouquet de réglementations visant à décourager les approches les moins efficaces et encourager les approches les plus efficaces, les gouvernements doivent aider à rendre les technologies éco‐énergétiques dominantes. Des mesures de surveillance, de contrôle et de pénalité sont essentielles à l’obtention du niveau d’économie d’énergie escompté. Ces actions doivent être soutenues par un investissement dans une gouvernance renforcée en matière d’efficacité énergétique et par une capacité administrative adéquate à tous les niveaux. L’efficacité énergétique peut permettre de maintenir la porte des 2 °C ouverte un peu plus longtemps Les éditions successives de ce rapport ont montré qu’à mesure que les années passent, l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 2 °C devient de plus en plus onéreux et difficile à atteindre. Notre Scénario 450 se penche sur les actions à mener pour atteindre ce but. Il souligne le fait que près de quatre cinquièmes des émissions de CO2 admissibles d’ici à 2035 proviennent des centrales électriques, usines, bâtiments, etc. déjà existants. Faute de prendre des mesures de réduction des émissions de CO2 avant 2017, les infrastructures énergétiques existant à cette date atteindront à elles seules la limite d’émissions admissibles. Un déploiement rapide de technologies éco‐énergétiques – tel que prescrit dans notre Scénario pour un monde plus efficace – reporterait cette échéance à 2022, ce qui représenterait un gain de temps pour arriver à un accord mondial sur la nécessaire diminution des émissions de gaz à effet de serre. Si nous voulons atteindre l’objectif mondial de 2 °C, notre consommation, d’ici à 2050, ne devra pas représenter plus d’un tiers des réserves prouvées de combustibles fossiles, à moins d’un déploiement à grande échelle de la technologie de captage et de stockage du carbone (CCS). Ce constat s’appuie sur notre évaluation des « réserves de carbone » mondiales, mesurées en émissions potentielles de CO2 liées aux réserves de combustibles fossiles prouvées. Près des deux tiers de ces réserves de carbone sont liées au charbon, 22 % au pétrole et 15 % au gaz. Géographiquement, deux tiers sont détenues par l’Amérique du Nord, le Moyen‐Orient, la Chine et la Russie combinés. Ce constat souligne le rôle clé de la technologie CCS pour atténuer les émissions de CO2 ; une technologie dont le rythme de déploiement demeure malheureusement très incertain, seule une petite poignée de projets d’envergure commerciale étant actuellement en cours.Les camions livrent une bonne partie de la hausse de la demande en pétrole
La hausse de la consommation pétrolière dans les économies émergentes, en particulier dans le secteur du transport en Chine, en Inde et au Moyen‐Orient, est supérieure à la baisse de la demande des pays de l’OCDE. La consommation de pétrole continue donc à augmenter dans le Scénario « nouvelles politiques ». La demande en pétrole passe de 87,4 mb/j en 2011 à 99,7 mb/j en 2035, et le prix moyen des importations de brut dans les pays de l’AIE atteint 125 dollars/baril en 2035 (en dollars de 2011 ; plus de 215 dollars/baril en termes nominaux). Le secteur des transports représente d’ores et déjà plus de la moitié de la consommation mondiale de pétrole, une proportion qui ne cesse d’augmenter avec le doublement du parc de véhicules de tourisme (à 1,7 milliard en 2035) et la hausse rapide de la demande en fret routier. Ce dernier est responsable de près de 40 % de l’augmentation de la demande mondiale en pétrole : la consommation de carburant pour poids lourds – principalement du diesel – augmente beaucoup plus rapidement que pour les véhicules de tourisme. Ceci s’explique en partie par le fait que les normes de consommation de carburant pour poids lourds sont encore peu répandues. La production pétrolière hors OPEP augmente pendant la décennie en cours, mais l’approvisionnement post‐2020 dépend de plus en plus des pays membres de l’OPEP. La poussée des approvisionnements non conventionnels, principalement l’huile de schiste aux États‐Unis et les sables bitumeux au Canada, des liquides de gaz naturel, ainsi que des forages en mer profonde au Brésil, entraînent une hausse de la production hors OPEP, qui atteint après 2015 un plateau supérieur à 53 mb/j, contre moins de 49 mb/j en 2011. Cette tendance se poursuit jusqu’au milieu des années 2020, avant de retomber à 50 mb/j en 2035. La production des pays membres de l’OPEP augmente, en particulier après 2020, amenant leur part dans la production mondiale à près de 50 % en 2035, contre 42 % aujourd’hui. L’augmentation nette de la production mondiale de pétrole est entièrement attribuable au pétrole non conventionnel, dont une contribution de l’huile de schiste supérieure à 4 mb/j pendant la majeure partie des années 2020, et aux liquides de gaz naturel. Près de 30 % des 15 000 milliards de dollars d’investissement dans le secteur pétrolier et gazier amont, nécessaires pendant la période qui s’étend jusqu’en 2035, seront requis en Amérique du Nord.La réussite de l’Irak sera déterminante à maints égards
L’Irak est de loin le plus gros contributeur à la croissance de l’approvisionnement mondial en pétrole. L’ambition de l’Irak d’augmenter sa production, après plusieurs décennies de conflits et d’instabilité, n’est pas limitée par la taille de ses ressources en hydrocarbures ni par leur coût de production. Il sera cependant nécessaire de développer de manière coordonnée la chaîne d’approvisionnement énergétique dans sa totalité. L’Irak devra en outre faire preuve de transparence quant à sa manière de tirer bénéfice à long terme de sa richesse en hydrocarbures, et consolider avec succès le consensus national sur sa politique pétrolière. Selon nos projections, la production pétrolière irakienne devrait dépasser les 6 mb/j en 2020, pour être supérieure à 8 mb/j en 2035. L’Irak devient un fournisseur clé pour les marchés asiatiques en pleine expansion, principalement pour la Chine. D’ici aux années 2030, l’Irak dépassera la Russie, pour devenir le deuxième exportateur de pétrole mondial. Sans cette hausse de l’approvisionnement en provenance de l’Irak, les marchés pétroliers se trouveraient face à une période difficile, caractérisée par des prix supérieurs de près de 15 dollars par baril aux valeurs prévues par le Scénario « nouvelles politiques » en 2035. D’ici à 2035, l’Irak devrait tirer près de 5 000 milliards de dollars de ses exportations pétrolières, une moyenne annuelle de 200 milliards de dollars, lui ouvrant de nouvelles perspectives d’avenir. En Irak, le secteur énergétique se trouve en concurrence avec un grand nombre d’autres domaines où les besoins sont urgents. Mais il est primordial que la fourniture d’électricité se mette à niveau puis maintienne le pas avec la demande croissante. Si l’augmentation de capacité prévue est réalisée en temps et en heure, la génération d’électricité de réseau devrait avoir rattrapé le pic de demande estimé dès l’année 2015. La récupération et le traitement du gaz associé – dont une grande partie est actuellement brûlée à la torchère – ainsi que le développement des ressources de gaz non associé offrent la promesse d’un secteur électrique alimenté au gaz et plus efficace, et permettraient au pays, une fois sa demande domestique satisfaite, de rejoindre le rang des nations exportatrices de gaz. Les recettes tirées de l’exportation du pétrole ne génèreront une prospérité accrue qu’à condition d’un renforcement des institutions, afin d’assurer la gestion efficace et transparente des revenus et des dépenses et de mettre la nécessaire diversification de l’activité économique sur la bonne voie.L’âge d’or du gaz naturel : de quel carat ?
Le gaz naturel est le seul combustible fossile pour lequel la demande mondiale augmente quel que soit le scénario envisagé, assurant son succès dans des contextes politiques variés. Mais les perspectives diffèrent selon les régions. La Chine, l’Inde et le Moyen‐Orient connaissent une croissance soutenue de la demande : un soutien actif des autorités et les réformes réglementaires entraînent la consommation chinoise à la hausse, de près de 130 milliards de mètres cubes (Gm3) en 2011 à 545 Gm3 en 2035. Aux États‐Unis, des prix modérés et un approvisionnement abondant stimulent la croissance du gaz, qui dépasse le pétrole autour de 2030 pour devenir le combustible numéro un du mix énergétique. L’Europe nécessite pour sa part près de dix ans pour recouvrer son niveau de demande en gaz de 2010. La croissance de la demande au Japon est limitée de manière similaire par des prix du gaz plus élevés et un virage politique en faveur des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Le gaz non conventionnel compte pour près de la moitié de l’augmentation de la production de gaz mondiale d’ici 2035, cette augmentation venant pour majeure partie de la Chine, des États‐Unis et de l’Australie. Mais ce secteur n’en est encore qu’à ses débuts, avec des incertitudes, dans de nombreux pays, sur l’étendue et la qualité des ressources disponibles. Comme le montre l’analyse de l’Édition spéciale du World Energy Outlook publiée en mai 2012, l’impact environnemental de la production de gaz non conventionnel fait l’objet de préoccupations qui, si elles ne sont pas correctement prises en compte, risqueraient de stopper la révolution du gaz non conventionnel dans sa lancée. La confiance du public peut être renforcée par un cadre réglementaire solide et des performances industrielles exemplaires. En dopant et en diversifiant les sources d’approvisionnement, en tempérant la demande d’importations (comme c’est le cas en Chine) et en encourageant l’émergence de nouveaux pays exportateurs (comme les États‐Unis), le gaz non conventionnel peut accélérer le mouvement vers une diversification des flux commerciaux, mettant sous pression les fournisseurs de gaz conventionnel et les mécanismes traditionnels de fixation du prix du gaz liés au pétrole.Le charbon va‐t‐il garder sa place de combustible de premier choix ?
Au cours de la dernière décennie, le charbon a répondu pour près de moitié à l’augmentation de la demande mondiale d’énergie, croissant à un rythme plus élevé que la somme des énergies renouvelables. L’évolution de la demande en charbon dépendra de la portée des mesures favorables aux sources d’énergie à faible émission, du déploiement de technologies de combustion du charbon plus efficaces et, point particulièrement important à long terme, du captage et du stockage du carbone. C’est à Pékin et à New Delhi que seront prises les décisions pesant le plus sur le marché mondial du charbon : la Chine et l’Inde comptent en effet pour près des trois quarts de la hausse de la demande en charbon projetée hors OCDE (la consommation de charbon baisse dans les pays membres de l’OCDE). La demande de la Chine connaît un pic autour de l’année 2020, puis elle se stabilise jusqu’en 2035. La consommation de charbon en Inde poursuit quant à elle sa progression et, en 2025, ce pays dépasse les États‐Unis, devenant le deuxième consommateur au monde. Le commerce international du charbon poursuit sa progression jusqu’en 2020, seuil auquel l’Inde prend la place de premier importateur net. Puis il se stabilise, avec le déclin des importations de la Chine. La sensibilité de ces trajectoires aux changements politiques, au développement de combustibles alternatifs tels que le gaz non conventionnel en Chine et à la question de la disponibilité en temps et en heure des infrastructures nécessaires, sont autant de sources d’incertitudes pour les prix et les marchés internationaux du charbon vapeur.Si le nucléaire retombe, par quoi sera‐t‐il remplacé ?
La demande mondiale en électricité augmente presque deux fois plus vite que la consommation totale d’énergie. Ceci pose un véritable défi, qui se trouve amplifié par le niveau d’investissement nécessaire au remplacement d’infrastructures énergétiques vieillissantes. Près d’un tiers de la nouvelle capacité de génération électrique construite jusqu’en 2035 sert à remplacer les unités de production obsolètes. Elle se base pour moitié sur des sources d’énergie renouvelables, même si le charbon reste le premier combustible mondial pour la production d’électricité. Sur la période allant jusqu’en 2035, la croissance de la demande chinoise en électricité dépasse la demande d’électricité totale actuelle des États‐Unis et du Japon, la production des centrales à charbon de la Chine croissant presque aussi vite que ses productions nucléaire, éolienne et hydraulique combinées. Au niveau mondial, les prix moyens de l’électricité augmentent de 15 % en termes réels d’ici 2035, entraînés à la hausse par l’augmentation des coûts des combustibles, par le virage vers une capacité de génération à plus forte intensité en capital, par les subventions en faveur des énergies renouvelables et, dans certains pays, par le prix donné aux émissions de CO2. Les prix varient de manière significative d’une région à l’autre, et c’est dans l’Union Européenne et au Japon que les tarifs restent les plus élevés, bien au‐dessus de ceux pratiqués aux États‐Unis et en Chine. Le rôle anticipé de l’énergie nucléaire a été revu à la baisse, certains pays remettant leur politique en question après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011. Le Japon et la France ont récemment rejoint la liste des pays prévoyant de réduire leur utilisation d’énergie nucléaire, alors que la compétitivité de cette dernière fait face, aux États‐Unis et au Canada, au prix relativement bas du gaz naturel. Nous avons revu à la baisse nos prévisions sur la croissance de la capacité nucléaire installée par rapport à celles de l’Outlook de l’an dernier. Et si la production nucléaire augmente encore en termes absolus (en raison de l’augmentation de la production en Chine, en Corée, en Inde et en Russie), sa part du mix électrique global diminue légèrement avec le temps. La sortie du nucléaire peut avoir des répercutions significatives sur les dépenses d’un pays en importation de combustibles fossiles, sur le prix de l’électricité et sur l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques.Les énergies renouvelables gagnent leur place au soleil
Une croissance continue de la production hydro‐électrique ainsi que le développement rapide des énergies éolienne et solaire ont consolidé la position des énergies renouvelables comme part indispensable du mix énergétique mondial. D’ici à 2035, les énergies renouvelables représenteront près d’un tiers de la production totale d’électricité. De toutes les technologies renouvelables, c’est l’énergie solaire qui connaît la croissance la plus forte. En 2015, les énergies renouvelables seront la deuxième source de production d’électricité mondiale, représentant en gros la moitié de la part du charbon, et, en 2035, elles ne seront pas loin de détrôner ce dernier comme première source mondiale d’électricité. La consommation de biomasse pour la production d’électricité et de biocarburants quadruple, avec des volumes échangés à l’international de plus en plus importants. Les ressources bioénergétiques mondiales sont plus que suffisantes pour satisfaire la fourniture de biomasse et de biodiesel prévue sans concurrencer la production alimentaire, même s’il reste certain que les implications en matière d’utilisation des terres doivent faire l’objet d’une gestion attentive. La croissance rapide des énergies renouvelables est soutenue par la baisse des coûts technologiques, par l’augmentation des prix des combustibles fossiles et du prix du carbone, mais aussi – et surtout – par le maintien des subventions : de 88 milliards de dollars en 2011 au niveau mondial, elles s’élèveront à près de 240 milliards de dollars en 2035. Avec le temps, les subventions de soutien aux nouveaux projets d’énergie renouvelable devront faire l’objet d’un ajustement, afin de s’adapter à une capacité croissante et à la chute du prix des technologies renouvelables, et pour éviter les charges excessives sur les gouvernements et les consommateurs.L’accès universel à l’énergie doit encore faire l’objet d’une attention particulière
En dépit des progrès réalisés au cours de l’année passée, près de 1,3 milliard de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité, et 2,6 milliards sont privées de combustibles et technologies de cuisson modernes. Dix pays – dont quatre pays asiatiques en voie de développement et six pays d’Afrique sub‐saharienne – représentent à eux seuls deux tiers de la population n’ayant pas accès à l’électricité, et seulement trois pays – l’Inde, la Chine et le Bangladesh – comptent pour plus de la moitié de la population privée de combustibles et technologies de cuisson modernes. Si le Sommet de Rio+20 n’a pas permis d’obtenir un engagement contraignant garantissant un accès universel à l’énergie moderne d’ici à 2030, l’Année internationale de l’énergie durable pour tous, décrétée par l’ONU, a fait naître de nouveaux engagements, jusque‐là tant attendus, en faveur de cet objectif. Mais cela est loin d’être suffisant. À défaut d’actions supplémentaires, nous prévoyons qu’en 2030, près d’un milliard de personnes se trouveront encore sans électricité, et 2,6 milliards sans combustibles et technologies de cuisson modernes. Selon nos estimations, près de 1000 milliards de dollars d’investissements cumulés seront nécessaires pour atteindre l’objectif d’accès universel à l’énergie d’ici à 2030. Nous présentons un Indicateur de Développement Énergétique (EDI) pour 80 pays, afin d’offrir aux responsables politiques un outil leur permettant de suivre les progrès réalisés en matière d’accès aux sources d’énergie modernes. L’EDI est un indicateur composite qui permet de mesurer le stade de développement énergétique d’un pays donné, au niveau de ses habitations individuelles et de ses équipements communautaires. Il met en lumière une large amélioration de la situation au cours de ces dernières années, les progrès les plus importants ayant été réalisés en Chine, en Thaïlande, au Salvador, en Argentine, en Uruguay, au Vietnam et en Algérie. Dans un certain nombre de pays cependant, l’EDI reste bas. C’est le cas de l’Éthiopie, du Liberia, du Rwanda, de la Guinée, de l’Ouganda et du Burkina Faso. L’Afrique sub‐saharienne, qui obtient les résultats les plus faibles, domine le bas de classement.Une eau de plus en plus précieuse pour les ressources énergétiques
Les besoins en eau pour la production d’énergie sont appelés à croître deux fois plus rapidement que la demande énergétique. L’eau est un facteur essentiel à la production d’énergie : pour la génération d’électricité, pour l’extraction, le transport et le traitement du pétrole, du gaz et du charbon, et, de plus en plus, pour l’irrigation des cultures destinées à la production de biocarburants. Nous estimons qu’en 2010, les prélèvements d’eau à des fins de production énergétique se sont élevés à 583 Gm3, dont 66 Gm3 pour la consommation d’eau – c’est‐à‐dire le volume prélevé qui n’est pas retourné à sa source. Les 85 % de hausse prévue pour la consommation d’eau sur la période allant jusqu’en 2035 reflètent un mouvement vers une production d’électricité plus gourmande en eau et une progression de la production de biocarburants. L’eau devient un critère de plus en plus important d’évaluation de la viabilité des projets énergétiques, à mesure que la croissance démographique et économique intensifie la concurrence pour les ressources en eau. Dans certaines régions, les contraintes liées à l’eau affectent d’ores et déjà la fiabilité des opérations existantes, et elles imposeront de plus en plus de coûts supplémentaires. Dans certains cas, elles pourraient aller jusqu’à menacer la viabilité même des projets. La vulnérabilité du secteur énergétique devant les contraintes liées à l’eau se fait ressentir sous de nombreuses latitudes. Elle affecte, entre autres, la mise en valeur du gaz de schiste et la production électrique dans certaines régions en Chine et aux États‐Unis, le fonctionnement du parc de centrales indien extrêmement gourmand en eau, la production canadienne de sables bitumeux et le maintien de la pression dans les gisements pétroliers irakiens. De nouveaux développements technologiques ainsi qu’une meilleure intégration des politiques énergétiques et de gestion de l’eau seront nécessaires à la gestion des situations de vulnérabilité engendrées par le problème de l’eau dans le secteur énergétique.Vidéos