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Editions Le Seuil

Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique

Par Dominique Bourg et Kerry Whiteside

Les dégradations que nous infligeons à la planète menacent l’avenir et la survie de l’humanité. Or l’urgence de la situation ne débouche pas sur des décisions fermes et concrètes. Jusqu’à quand ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet attentisme s’explique d’abord par une inaptitude politique : la démocratie représentative n’est pas en mesure de répondre aux problèmes écologiques contemporains. Ce livre propose des solutions, tant institutionnelles que délibératives, pour relever le défi et refonder notre sens du bien commun.

  • Développer les processus participatifs et délibératifs à l’image des « forums hybrides » ou des conférences de citoyens
  • Accroître le rôle des ONG environnementales dans le processus d’élaboration des lois et les introduire dans les institutions publiques ou gouvernementales encadrant les secteurs touchant à l’environnement
  • Mettre en place des innovations politiques : reconnaissance de nouveaux objectifs constitutionnels en matière d’environnement, refondre l’édifice constitutionnel au bénéfice d’un « bioconstitution », concevoir de nouvelles institutions (instauration d’un nouveau Sénat, d’une Académie du Futur)
Sauvegarder la biosphère exige de repenser la démocratie elle-même.

Sommaire

  • Finitude et liberté humaines
  • La question « naturelle »
  • Les limites de la représentation moderne
  • Pour une bioconstitution

A propos des auteurs

Dominique Bourg est professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement de l’université de Lausanne. Il a notamment publié Parer aux risques de demain. Le principe de précaution (Seuil, 2001), Le Nouvel Âge de l’écologie (Descartes & Cie/ECLM, 2003) et Le Développement durable. Maintenant ou jamais (Gallimard, 2006). Kerry Whiteside est professeur de sciences politiques au Franklin and Marshall College, en Pennsylvanie. Il a notamment publié Divided Natures: French Contributions to Political Ecology (MIT Press, 2002) et Precautionary Politics: Principle and Practice in Confronting Environmental Risk (MIT Press, 2006).

Interview de Dominique Bourg

Grands Dossiers N°19 des Sciences Humaines « Les pensées vertes » Ecoutez l'interview de Dominique Bourg avec ReadSpeaker
Les Grands Dossiers N°19 Sciences Humaines
Les Grands Dossiers N°19 Sciences Humaines
Née dans les années 1970, l’écologie politique a jusqu’à présent peu pesé dans les grandes démocraties, dans lesquelles semblent primer les intérêts de court terme et la satisfaction des besoins individuels. Le mariage entre écologie et démocratie serait-il difficile à réaliser ?Il est vrai qu’il existe une certaine incompatibilité entre l’écologie et nos démocraties représentatives telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui. J’y vois deux raisons. D’une part le mécanisme même de la représentation : nos élus doivent régulièrement rendre des comptes aux électeurs, élevés en juges ultimes de leur action. Ils s’adressent alors à la conscience spontanée de chaque citoyen: chacun de nous est considéré comme le meilleur juge de sa situation, en termes de souffrance sociale, de sentiment de bien-être, de satisfaction économique. Or les questions d’environnement sont inaccessibles aux sens, à la «conscience spontanée» du citoyen. Ce dernier perçoit la météo du jour mais il est insensible aux variations de la moyenne des températures sur une longue durée, ou au phénomène de raréfaction globale des ressources. Il est donc difficile de prendre en compte les enjeux environnementaux dans le fonctionnement électoral : ils sont trop abstraits et éloignés. En second lieu il y a un problème de fins. Le gouvernement représentatif, tel qu’il est notamment apparu à la fin du XVIIIe siècle dans les écrits d’auteurs modernes tels que Benjamin Constant, est censé limiter l’intervention de la sphère publique et protéger les droits des individus (voir encadré sur le «troisième âge de la démocratie»). Pour les Modernes, le gouvernement a plutôt pour fonction de contribuer à la maximisation des intérêts individuels et de faciliter le commerce entre les nations. Cette conception très individualiste et économiciste était pertinente dans un monde où la croissance de la production et de la consommation n’avait pas de limites perceptibles. Elle est aujourd’hui inadaptée à un monde de ressources limitées et d’équilibres écologiques menacés par les activités humaines…Cela signifie-t-il que l’écologie aurait besoin d’un cadre autoritaire minimal, d’une « dictature bienveillante » ? Hans Jonas propose par exemple la création d’un Conseil de sages, non tributaires des élections, pour s’assurer que nos choix politiques ne mettent pas en péril les générations futures…H. Jonas a effectivement prôné l’instauration d’une «tyrannie bienveillante et bien informée». Il s’agirait de refonder le «Conseil nocturne» imaginé par Platon, agissant dans le secret, sans aucune forme de contrôle et indépendamment des contraintes électorales. On construirait ainsi une assemblée de sages assurés d’avoir le salut du monde entre leurs mains. A mon sens, cela est absolument inopérant: isolés, fonctionnant à huis clos, ce «conseil des sages» se couperait du peuple de manière dramatique et serait générateur de violences, en interne (entre les sages), comme en externe, dans le reste de la société où ce conseil deviendrait rapidement très impopulaire. L’écologie ne peut donc progresser que dans un cadre démocratique. Selon moi, l’autoritarisme est plutôt une menace qui guette nos démocraties si ces problèmes s’aggravent et que nous ne parvenons pas à les prendre rapidement en charge.L’idée d’instaurer un «conseil des sages» chargé d’assurer le bien-être des générations futures peut aussi être entendue dans un cadre démocratique, en prenant par exemple modèle sur le Conseil constitutionnel français ou sur la Cour suprême américaine. Y seriez-vous alors favorable ?Sur ce modèle, Pierre Rosanvallon propose la création d’une « académie du futur » composée de scientifiques, de philosophes et de représentants associatifs. L’inconvénient de ce type d’institutions, c’est qu’elles n’ont pas de légitimité électorale, ce qui à mon avis restreint leur puissance. D’un autre côté, la légitimité électorale débouche nécessairement sur une logique partisane, totalement inappropriée à la défense des grands enjeux environnementaux vitaux. A côté de ce type d’institutions, je préconise alors la création d’une nouvelle chambre haute avec un mode de désignation original. Traditionnellement, dans le système représentatif, cette chambre a été conçue pour préserver les intérêts du passé et de la longue durée : elle repose sur l’hérédité ou sur des mandats plus longs que ceux de la chambre basse. Elle est davantage favorable au statu quo et à la tradition. De son côté, le présent est très bien représenté par la chambre basse des gouvernements modernes. Elle fonctionne sur des mandats de court terme qui rendent réticents les élus à opérer des changements politiques risqués, dont les bénéfices ne seront perçus que par de futurs électeurs. Face au passé et au présent, le futur est ainsi le grand perdant de la représentation moderne. Je propose alors de transformer la chambre haute en instance chargée non plus du passé mais du futur. Elle bénéficierait d’une certaine forme de représentativité (cf. encadré) et aurait un pouvoir de veto opposable à toute loi issue de la chambre basse.D’une manière générale, la question écologique implique ainsi, selon vous, une rénovation des institutions…Outre qu’elles fonctionnent sur des cycles électoraux de court terme, les institutions modernes ont été bâties pour des territoires restreints, locaux et nationaux, alors que les enjeux environnementaux sont généralement transfrontaliers. Elles doivent donc être enrichies pour faire face à de nouveaux problèmes. Par exemple, à l’instar de P. Rosanvallon, je considère qu’il faut rénover la fonction patrimoniale des Etats. Cette fonction première -assurer l’existence de la communauté nationale face à ses ennemis potentiels- a connu durant les dernières décennies une singulière extension : le bien-être présent et futur de la communauté nationale est désormais également menacé par le pouvoir que l’humanité a acquis sur la biosphère et ses mécanismes régulateurs. Un nouvel exercice difficile revient ainsi à l’Etat : anticiper et prévenir des dégradations futures et irréversibles, quitte à imposer de sévères contraintes au présent.Outre l’existence d’un sénat du long terme, sur quels dispositifs concrets reposerait une démocratie écologique ?Il faudrait construire un système mixte, avec de nouvelles institutions en charge du développement durable. Les mécanismes de démocratie participative et de démocratie délibérative sont de bonnes pistes pour enrichir le système représentatif. La première permet de manière efficace d’intégrer en amont les citoyens sur des décisions ponctuelles. Or contrairement aux élus du système «représentatif», les citoyens peuvent éclairer la prise de décision publique en toute indépendance, car ils ne doivent rendre de comptes à personne. L’absence de mandat favorise ainsi le détachement des intérêts catégoriels. Quant à la démocratie délibérative, en associant des représentants d’ONG ou des experts aux décisions publiques, elle favorise la prise en compte des enjeux environnementaux face à la prépondérance des enjeux économiques et sociaux. Les ONG sont d’autant plus légitimes qu’elles sont de portée internationale ou sont organisées en fonction de territoires environnementaux définis. Elles offrent un contact direct avec des populations très dispersées et offrent une expertise importante dans le discours environnemental.De son côté, la démocratie participative est traditionnellement utilisée au niveau local : jurys citoyens, vote du budget d’un quartier… Comment l’utiliser sur des enjeux globaux comme ceux liés à la défense de l’environnement ?Une première expérience de conférences de citoyens a déjà été réalisée à l’échelle internationale. Tel a été le cas, le 26 septembre de la Consultation mondiale sur le changement climatique. 4000 citoyens issus de 38 pays y ont participé et il n’est pas apparu de différence quant à la volonté d’action entre citoyens issus des pays développés, en voie de développement ou émergents. De manière consensuelle, ils étaient favorable à la restriction des émissions de gaz à effet de serre de toutes les nations (selon différents degrés fonctions de leur développement) et à l’établissement de sanctions contre les pays désobéissants. Il est donc possible de réaliser des panels rassemblant des citoyens de divers pays sur un même sujet. Comme la légitimité citoyenne est forte dans l’espace public, les recommandations issues de ces procédures participatives peuvent être des contrepoids utiles aux décisions des institutions traditionnelles.Néanmoins, pour délibérer sur des questions d’environnement, les citoyens doivent détenir un bagage minimal de connaissances sur le sujet. Comme ces questions sont très techniques, on assiste à l’inverse à une confiscation du débat par les experts et les scientifiques. Comment l’éviter ?Ma position est claire : le citoyen n’a pas vocation à se substituer à l’expert dans la constitution des données. Sur le dossier du créationnisme ou sur celui du climatoscepticisme, il n’est pas normal que des individus qui ne prennent pas part à l’élaboration d’un savoir méticuleux par des milliers de chercheurs de par le monde se permettent par presse interposée d’en critiquer grossièrement les résultats. La production des données doit être laissée aux spécialistes et au système d’évaluation par les pairs. En revanche, une fois que les données scientifiques sont sur la table -et c’est le rôle du GIEC que d’apporter ces données au débat public- il est important que les citoyens soient sollicités pour en tirer des décisions publiques.D’accord, mais comment demander aux citoyens de décider s’ils n’ont pas la culture scientifique pour juger ces questions ?La démocratie exige de la pédagogie. D’une part, les médias ont un rôle important de démocratisation du savoir scientifique à jouer dans l’arène publique. D’autre part, sur des questions ponctuelles où l’on sollicite des dispositifs participatifs, il est tout à fait possible d’assurer une formation technique aux citoyens sur les sujets sur lesquels ils devront délibérer.Pour finir, revenons au niveau international: vous semblez faire confiance aux Etats alors qu’ils ont montré à Copenhague leur incapacité à décider collectivement de problèmes globaux…La crise économique et financière l’a bien montré, l’Etat est la seule instance qui permette de préserver et de promouvoir l’intérêt général. Il veille au maintien de la hiérarchie des fins, empêche qu’une partie du corps social n’instrumentalise le reste de la société à son seul profit. En tant que garant de l’intérêt collectif, et en tant qu’institution suffisamment proche des citoyens, il demeure indispensable. Néanmoins, puisque la plupart des problèmes environnementaux ne sont pas territorialement restreints, que la pollution des rivières se propage d’une nation à l’autre, que l’atmosphère est globale, il est également nécessaire de développer et de renforcer les institutions supranationales. L’exemple de l’Union européenne est intéressant, et en matière environnementale la Commission a fait à mon sens un travail efficace sur de nombreux sujets. En ce début de XXIe siècle, l’UE réglemente les nombreux polluants de l’air et les produits chimiques dangereux, elle dispose de directives protégeant les espèces migratoires, elle gère la qualité des eaux intérieures et côtières… Ce type d’organisation supranationale établit la possibilité de limiter la souveraineté nationale sur certains sujets.Propos recueillis par Julien Bonnet pour les Grands Dossiers n° 19 des Sciences Humaines « Les pensées vertes »

Un troisième âge de la démocratie ?

Fondation Nicolas Hulot
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le blog
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Selon Dominique Bourg, la démocratie écologique « devrait être, au bout du compte, aussi différente de la forme moderne du gouvernement représentatif que cette dernière ne l’était de la démocratie grecque antique ». Le fameux discours de Benjamin Constant de 1819 De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, établit que la liberté des Anciens, à savoir la possibilité pour chaque citoyen de participer activement et directement à la vie de la Cité, est devenue inadaptée au monde moderne. D’abord parce que la démocratie directe de l’Antiquité grecque n’est plus appropriée à des Etats dont la taille s’est considérablement accrue. Le pouvoir moderne a ainsi été ôté aux citoyens et délégué à des représentants qui prennent en charge les intérêts de grandes populations. Ensuite, parce que le développement du commerce a inspiré chez les citoyens modernes, selon B. Constant, « un vif amour pour l’indépendance individuelle ». La sphère publique est ainsi priée de restreindre son influence pour ne pas empiéter sur les droits des individus à poursuivre eux-mêmes leurs plaisirs privés. Selon Dominique Bourg, ce deuxième âge, celui de la démocratie représentative moderne, est aujourd’hui impuissant à prévenir la catastrophe environnementale. D’une part « la représentation moderne impose des limites territoriales à la capacité des citoyens à se sentir concernés par les problèmes de leurs voisins » (communes, régions, Etats…) alors que nombre de problèmes environnementaux sont transfrontaliers. D’autre part, la représentation moderne conçoit la production et la consommation comme virtuellement illimitées et comme les instruments principaux du bonheur individuel, quelles qu’en soient les conséquences sur l’environnement. Aujourd’hui, l’écologie exigerait un troisième âge de la démocratie. Selon D. Bourg, elle comprendrait trois piliers :
  • Une Constitution qui intègre de nouveaux objectifs, relatifs à l’extension du rôle patrimonial de l’Etat et au respect des limites que la planète oppose désormais à nos activités.
  • Une Académie du futur composée de scientifiques et de quelques philosophes chargée de donner un contenu précis et évolutif à ces objectifs constitutionnels.
  • Un nouveau Sénat, composé d’une centaine de membres, prenant appui sur les travaux de l’Académie du futur, opposant son veto à toute proposition législative contredisant ces nouveaux objectifs constitutionnels ou incitant plus simplement à la surconsommation de ressources.
Le mode de désignation de ses membres chercherait à répondre à plusieurs contraintes : échapper à la logique partisane propre à toute assemblée élue ; proposer des membres aptes à travailler sur les données de l’Académie du futur ; offrir une certaine représentativité, gage d’une forme de légitimité. C’est pourquoi les sénateurs seraient tirés au sort dans chaque circonscription avec une pondération finale. Ce serait une manière de réintroduire la clérocratie chère aux anciens Grecs. Le tirage au sort offrant en lui-même la meilleure représentativité possible. L’écologie est-elle susceptible de troubler le clivage gauche/droite ? C’est un fait, l’écologie a aujourd’hui ses chantres autoproclamés à gauche (Dominique Voynet, José Bové…) à droite (les ministres Chantal Jouanno, Jean-Louis Borloo… voire Nicolas Sarkozy), et même dans le camp des «ni gauche, ni droite» (Corinne Lepage, Antoine Waechter) qui refusent de se plier au clivage traditionnel. Selon Dominique Bourg, qui n’est pas tout à fait neutre dans le champ politique puisqu’il appartient à la fondation Nicolas Hulot, on peut admettre que la gauche et la droite s’opposent sur la question de la production de la richesse (régulation vs libéralisation) et sur la question de sa répartition (commutative vs distributive). Bref deux conceptions de la justice aux légitimités différentes. Historiquement, d’après le philosophe, les conceptions de gauche issues du marxisme ou du keynésianisme ont été progressivement battues depuis cinquante ans. Le « curseur politique » (que l’on pourrait définir comme un fonds commun autour duquel s’organisent les débats) s’est ainsi déplacé vers la droite : libéralisation économique accrue, inégalités de richesses renforcées, désirs individuels davantage pris en compte… Or selon D. Bourg « la défense de l’environnement nous incite à soustraire nos grands équilibres à la cupidité individuelle. Problème collectif, elle limite l’initiative privée et nous contraint à la réguler sévèrement dans certains cas. Enfin, elle promeut la sobriété quant à l’usage des ressources naturelles et tend ainsi à réduire les inégalités de revenus ». Communauté, régulation, égalité : trois valeurs-clés en adéquation avec l’écologie politique et situées « à gauche » à ses yeux. « L’écologie devrait ainsi opérer un nouveau déplacement historique du curseur politique, cette fois-ci vers la gauche » annonce le philosophe, tout en assurant « qu’il est vital pour la démocratie qu’une confrontation droite/gauche demeure autour de ce curseur ». Les écologistes « de droite » pourront toujours rétorquer que d’autres valeurs, telles que l’autorité ou la responsabilité individuelle, plutôt marquées à droite, semblent également en adéquation avec l’écologie… Julien Bonnetle blog de la Fondation Nicolas Hulot

Débat autour du livre au Centre d’Analyse Stratégique

Centre d'Analyse Stratégique
Centre d’Analyse Stratégique
Le 12 octobre 2010 a eu lieu un débat autour du livre de Dominique BOURG et Kerry WHITESIDE « Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique » au Centre d’analyse stratégique, en présence de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique et de Vincent CHRIQUI, Directeur général du Centre d’analyse stratégique
Débat autour du livre au Centre d'Analyse Stratégique
Débat autour du livre au Centre d’Analyse Stratégique
Dominique BOURG
Dominique BOURG
Nathalie Kosciusko-Morizet
Nathalie Kosciusko-Morizet
Kerry WHITESIDE
Kerry WHITESIDE
Vincent Chriqui, Directeur général du Centre d’analyse stratégique - Salle Jean Monnet
Vincent Chriqui, Directeur général du Centre d’analyse stratégique – Salle Jean Monnet
-  Télécharger le résumé du livre Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique en cliquant ici.

-  Télécharger la présentation de Dominique Bourg en cliquant ici.

-  Les photos du débat

« Pour une démocratie écologique », par Nicolas Hulot

Tribune de Nicolas Hulot, parue dans Le Figaro le 26 octobre 2010
Nicolas Hulot
Nicolas Hulot

Dans le carrefour de crises que nous traversons, il demeure quelques questions taboues que l’on ne peut plus se payer le luxe d’occulter. Le culte actuel du court terme structure en profondeur l’économie et induit des choix collectifs qui privilégient l’immédiateté et négligent les conditions mêmes de nos existences futures.
Or une profonde remise en cause de notre modèle économique ne peut pas faire l’économie d’une refonte des fondamentaux politiques de nos sociétés. Car si nos économistes sont aveugles dès qu’il s’agit de regarder après-demain, on peut faire le même constat du côté de la sphère politique et institutionnelle. Celle-ci, surtout en période de crise est tout aussi tentée par des solutions de court terme, des ajustements à la marge puisqu’une partie croissante de la population est confrontée à une précarisation menaçant les équilibres sociaux, politiques et économiques.

Mais cette triple crise économique, environnementale et démocratique peut être aussi source d’opportunité : celle de prendre en compte l’avenir dans nos choix collectifs en nous dotant d’un nouveau mode de gouvernement capable d’éclairer les décisions d’aujourd’hui pour les rendre compatibles avec les impératifs écologiques et de solidarité. Cette évolution institutionnelle est incontournable, faute de quoi, nous continuerons sans doute à reproduire un modèle qui creuse les inégalités et la dette écologique. Sans tomber dans l’angélisme d’une démocratie directe mondiale, on ne peut que constater que nous sommes à un tournant en matière de gouvernance. Un tournant qu’il est primordial d’encourager et de nourrir.

Au vu de la complexité des crises et de l’importance des mutations à opérer, comment rendre le changement pertinent, désirable, incontournable ? Le corollaire de cette interrogation est de savoir comment concilier la démocratie et la pédagogie sur les enjeux de long terme. Et donc, comme le mettent en exergue Dominique Bourg et Kerry Whiteside dans leur récent ouvrage intitulé « Vers une démocratie écologique » : comment adapter la démocratie aux enjeux collectifs ? La mise en perspective historique du déploiement de la démocratie représentative et de sa conceptualisation par les modernes, comme corollaire d’une économie libérale fondée sur le mythe de l’infinitude des ressources naturelles, montre à quel point nous sommes aujourd’hui à un tournant.

On ne peut que souscrire au principe de se doter d’institutions permettant de dépasser la vision court-termiste dictée par les impératifs électoraux. Dans une perspective historique et philosophique, « Vers une démocratie écologique » a le mérite de proposer une série d’initiatives institutionnelles qui permettraient, à l’instar des instruments fiscaux environnementaux pour l’économie, de réintroduire un débat sur l’avenir et la finitude dans nos démocraties. Réformer le Sénat pour lui donner ce rôle de médiation entre les enjeux de long terme, les connaissances scientifiques sur l’état de la planète et les aspirations quotidiennes des citoyens, se doter d’objectifs constitutionnels sur le changement climatique et les autres questions environnementales, réformer les procédures délibératives, voilà autant de propositions qui devront faire débat en France et dans les démocraties dans les prochaines années.

Je note d’ailleurs que certaines des propositions ont connu une esquisse de mise en œuvre en France au cours des dix dernières années. Avec la charte de l’environnement, puis avec la reconnaissance du rôle des ONG et leur entrée au Conseil économique, social et environnemental, troisième chambre de nos institutions, nous avons amorcé une mutation.

Les propositions de création d’une Organisation mondiale de l’environnement (OME) vont dans le même sens. Mais cette amorce de mutation doit être considérée comme un tremplin vers une démocratie écologique et s’inspirer de propositions à l’image de celles de Dominique Bourg et Kerry Whiteside afin d’entrer dans une réelle métamorphose démocratique.

Il y a près de vingt ans, le sommet de Rio promouvait un développement durable et participatif. Cette notion, sans doute face à l’urgence des crises environnementales, a été trop souvent mise de côté. Il est temps de lui donner un second souffle. De l’échelon local, clé pour une prospérité compatible avec les enjeux de ressources, à la gouvernance internationale, essentielle pour refonder une nouvelle solidarité planétaire, il faut repenser nos institutions.

Ce sera sans doute un des grands thèmes du 20e anniversaire du Sommet de la Terre, en 2012. La modernité véritable n’est-elle pas seulement de définir collectivement les fins, mais aussi les possibles ?

Vers une démocratie écologique : Le citoyen, le savant et le politique

 

Date de publication : 07/10/2010

EAN13 : 9782021022988

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1 COMMENTAIRE

  1. Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique
    Les deux auteurs ont publié une synthèse étoffée de leur étude dans La Vie des Idées, en septembre 2009, avant l’édition de leur ouvrage. A partir de cet article, je me suis alors bien sûr interrogé sur l’opportunité de reconnaître dans l’écologie un nouveau fondement de la démocratie, dans la perspective de dépasser le capitalisme. Cette réflexion a été publiée dans le numéro de février 2010 de la revue La Grande Relève, que vous êtes invités à lire au lien ci-après.
    Quelque temps plus tard, j’ai rencontré l’ouvrage posthume d’André Gorz, « Ecologica », qui m’a définitivement convaincu de sa vision émancipatrice de l’écologie.