Vers un développement durable qui n’oublie personne Le défi de l’après-2015
Le défi de l’après-2015 Pour apporter sa contribution à l’évaluation du programme des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) des Nations Unies, le Mouvement international ATD Quart Monde a décidé de lancer une recherche-action participative[[Financée en partie par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme]] pour évaluer les OMD. Son but est que les personnes en situation de grande pauvreté apportent leur savoir et leur expérience au programme pour le développement à l’agenda pour le développement après-2015. Cette recherche-action a été réalisé dans douze pays où ATD Quart Monde est activement présent: la Belgique, la Bolivie, le Brésil, le Burkina Faso, la France, Haïti, le Guatemala, Madagascar, le Pérou, les Philippines, la Pologne et la République de Maurice. Ils reflètent une diversité géographique, économique et culturelle, et la présence de pays « développés » comme la Belgique, la France et la Pologne met en relief le fait que la grande pauvreté existe partout dans le monde, et pas seulement dans les pays ciblés par les OMD. « Même dans la misère, un homme a des idées. Si personne ne reconnaît ses idées, il s’enfonce encore plus dans la misère » (un participant du séminaire d’Ouagadougou). Pour comprendre les succès et les échecs des OMD, il est essentiel de réfléchir avec les personnes en situation d’extrême pauvreté. C’est à la fois une question d’efficacité et un devoir moral, la participation aux affaires publiques étant un droit de l’homme fondamental. Les personnes en situation d’extrême pauvreté voient les problèmes quotidiens que soulève la manière dont les politiques de développement sont élaborées et appliquées, et ont des idées sur la façon dont on pourrait résoudre ces problèmes. Dans chacun des douze pays choisis, les équipes du Mouvement ATD Quart Monde ont organisé avec des personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté des rencontres fondées sur une confiance mutuelle forgée par des années de présence. Elles se sont retrouvées, ont discuté des problèmes de développement, effectué des interviews, appris à faire entendre leurs inquiétudes et élaboré un savoir collectif lors de réunions hebdomadaires ou mensuelles, qui se sont déroulées sur des périodes allant de six mois à deux ans. Selon les pays, des universitaires, des représentants d’ONG, de syndicats, des fonctionnaires de différents ministères (éducation, affaires sociales, emploi, formation professionnelle, etc.) et des fonctionnaires d’institutions internationales telles que l’Union Européenne, l’UNICEF, l’UNESCO, le PNUD, le HCDH et la Banque Mondiale se sont réunis et se sont préparés à un dialogue avec des personnes en situation d’extrême pauvreté. C’est un dialogue qui demande tact, ouverture d’esprit et humilité. Ces différents groupes se sont retrouvés lors de séminaires nationaux et internationaux qui ont eu lieu à l’Ile Maurice, en Bolivie, en Belgique, en France, à Madagascar et au Burkina Faso. Environ 2000 personnes, dont une majorité en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, ont participé à cette recherche-action participative. Chacun des séminaires avait pour objectif de produire une analyse des problèmes spécifiques liés aux OMD et un ensemble de recommandations communes pour le cadre de développement pour l’après-2015. Elles sont résumées dans ce document de travail et seront présentées au séminaire de conclusion à New York les 26 et 27 juin 2013. Elles seront discutées et amendées avec les organismes compétents des Nations Unies et avec les principaux partenaires du Mouvement ATD Quart Monde tels que la Confédération Syndicale Internationale, Social Watch et d’autres partenaires de la campagne « Au-delà de 2015 ».
Introduction
Vers un développement durable qui n’oublie personne :Le défi de l’après-2015 Pour apporter sa contribution à l’évaluation du programme des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) des Nations Unies, le Mouvement international ATD Quart Monde a décidé de lancer une recherche-action participative[[Financée en partie par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme]] pour évaluer les OMD. Son but est que les personnes en situation de grande pauvreté apportent leur savoir et leur expérience au programme pour le développement à l’agenda pour le développement après-2015. Cette recherche-action a été réalisé dans douze pays où ATD Quart Monde est activement présent: la Belgique, la Bolivie, le Brésil, le Burkina Faso, la France, Haïti, le Guatemala, Madagascar, le Pérou, les Philippines, la Pologne et la République de Maurice. Ils reflètent une diversité géographique, économique et culturelle, et la présence de pays « développés » comme la Belgique, la France et la Pologne met en relief le fait que la grande pauvreté existe partout dans le monde, et pas seulement dans les pays ciblés par les OMD. « Même dans la misère, un homme a des idées. Si personne ne reconnaît ses idées, il s’enfonce encore plus dans la misère » (un participant du séminaire d’Ouagadougou). Pour comprendre les succès et les échecs des OMD, il est essentiel de réfléchir avec les personnes en situation d’extrême pauvreté. C’est à la fois une question d’efficacité et un devoir moral, la participation aux affaires publiques étant un droit de l’homme fondamental. Les personnes en situation d’extrême pauvreté voient les problèmes quotidiens que soulève la manière dont les politiques de développement sont élaborées et appliquées, et ont des idées sur la façon dont on pourrait résoudre ces problèmes. Dans chacun des douze pays choisis, les équipes du Mouvement ATD Quart Monde ont organisé avec des personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté des rencontres fondées sur une confiance mutuelle forgée par des années de présence. Elles se sont retrouvées, ont discuté des problèmes de développement, effectué des interviews, appris à faire entendre leurs inquiétudes et élaboré un savoir collectif lors de réunions hebdomadaires ou mensuelles, qui se sont déroulées sur des périodes allant de six mois à deux ans. Selon les pays, des universitaires, des représentants d’ONG, de syndicats, des fonctionnaires de différents ministères (éducation, affaires sociales, emploi, formation professionnelle, etc.) et des fonctionnaires d’institutions internationales telles que l’Union Européenne, l’UNICEF, l’UNESCO, le PNUD, le HCDH et la Banque Mondiale se sont réunis et se sont préparés à un dialogue avec des personnes en situation d’extrême pauvreté. C’est un dialogue qui demande tact, ouverture d’esprit et humilité. Ces différents groupes se sont retrouvés lors de séminaires nationaux et internationaux qui ont eu lieu à l’Ile Maurice, en Bolivie, en Belgique, en France, à Madagascar et au Burkina Faso. Environ 2000 personnes, dont une majorité en situation de pauvreté ou d’extrême pauvreté, ont participé à cette recherche-action participative. Chacun des séminaires avait pour objectif de produire une analyse des problèmes spécifiques liés aux OMD et un ensemble de recommandations communes pour le cadre de développement pour l’après-2015. Elles sont résumées dans ce document de travail et seront présentées au séminaire de conclusion à New York les 26 et 27 juin 2013. Elles seront discutées et amendées avec les organismes compétents des Nations Unies et avec les principaux partenaires du Mouvement ATD Quart Monde tels que la Confédération Syndicale Internationale, Social Watch et d’autres partenaires de la campagne « Au-delà de 2015 ».
Principaux points
– 1. RECONNAITRE LA VIOLENCE DE L’EXTREME PAUVRETE En 2012, le Mouvement ATD Quart Monde a utilisé la méthodologie du Croisement des savoirs dans un projet de recherche intitulé : « La misère est violence, rompre le silence, bâtir la paix. »[[Brand A. et Monje Barón B. La misère est violence, Rompre le silence, Chercher la paix. Vauréal, France : Mouvement international ATD Quart Monde, 2012.]]. Les conclusions de ce projet ont des implications importantes pour les programmes de développement et de lutte contre la pauvreté. Elles sont exposées dans la suite de ce chapitre.- L’extrême pauvreté est à la fois la cause et la conséquence de multiples violations des droits de l’homme
- Stigmatisation et humiliation accroissent la persistance de la pauvreté
- Les personnes en situation de pauvreté ont une histoire de persécution et d’exploitation
- Le silence imposé perpétue les mauvaises planifications et la mauvaise gouvernance
- L’extrême pauvreté représente un inacceptable gâchis d’êtres humains
- Les obstacles à surmonter
- S’orienter vers des projets de recherche-action vraiment participative
- Les OMD n’ont pas atteint les populations les plus pauvres
- Illusions trompeuses des données et des statistiques à l’échelle mondiale
- Une croissance qui ignore le lien entre inégalité, pauvreté et justice climatique
- Un nouveau modèle de développement devrait intégrer dans ses objectifs les normes relatives aux droits de l’homme
- Un développement contre les personnes en situation de pauvreté
- Haïti : lorsque l’aide internationale réduit les pauvres au silence
- Chômage, travail informel et « boulots pourris »
- Les systèmes de santé et de protection sociale
- Le logement et l’assainissement
- Des résultats mitigés pour les cibles sur l’éducation
- L’éducation du point de vue des personnes vivant dans l’extrême pauvrete
- Enjeux et défis majeurs mis en avant par les participants de recherche-action
– Eliminer les obstacles à l’accès équitable à l’éducation
La discrimination et la stigmatisation des élèves défavorisés et de leurs parents
Les coûts cachés de « l’enseignement gratuit »
L’absence de papiers d’identite – Promouvoir un environnement éducatif basé sur le partenariat et la coopération – Améliorer les résultats de l’apprentissage et assurer l’enseignement de qualité pour tous
- La stigmatisation
- La discrimination
- Les obstacles à la participation
- Des bonnes pratiques
Témoignage Vidéo
Témoignage de Fatimata Kafando à l’occasion du séminaire « Les plus pauvres, partenaires d’une éducation réellement pour tous« Fatimata a expliqué durant ce séminaire sur l’éducation pour tous combien ses parents, malgré la misère de sa famille, ont été déterminants pour lui donner le courage d’aller à l’école, d’apprendre malgré les humiliations et de continuer ses études.Conclusion
– 7. CONCLUSION : RECOMMANDATIONS EN VUE DU CADRE DE DEVELOPPEMENT POUR L’APRES-2015 Nous proposons les recommandations provisoires suivantes, destinées à être discutées avec nos partenaires. Elles sont conçues et rédigées à partir des conclusions de la recherche-action menée avec des personnes en situation d’extrême pauvreté dans différents continents, et a la lumière des Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme et du Rapport du Groupe de haut niveau pour l’apres-2015. Dans un monde aux ressources limitées, le modèle économique actuel fondé sur le pillage de la planète n’est plus viable. Il nous faut un monde différent dans lequel chacun pourra vivre dans la dignité, en harmonie avec les autres et avec l’environnement. Il est essentiel pour cela d’éradiquer l’extrême pauvreté qui inflige une grande violence à ceux qui l’endurent, qui représente un gaspillage humain inacceptable et qui constitue une violation des droits de l’homme. Le monde que nous voulons doit reposer sur les droits de l’homme, il doit donc promouvoir l’ensemble de ces droits pour tous, puisque les droits de l’homme sont universels, inaliénables et indivisibles. Il doit être soucieux de l’état de la planète. Nous devons poursuivre des objectifs fondés sur notre humanité commune et, étant donné qu’aucun pays développé n’a réussi à éradiquer l’extrême pauvreté ou à lutter contre le changement climatique, nous devons nous adresser autant aux pays en voie de développement qu’aux pays développés. Les pays développés et les pays en voie de développement doivent joindre leurs efforts et leurs connaissances afin de combattre ensemble la pauvreté et le changement climatique. Dans des sociétés en perpétuel changement, l’éradication de l’extrême pauvreté doit être menée en même temps que la lutte contre les inégalités et que l’indispensable transition vers une économie plus écologique. Seraient alors réunies les conditions propres à permettre : – à ceux qui sont dans la grande pauvreté d’en sortir véritablement ; – à ceux qui sont en voie de paupérisation de ne pas y tomber ; – aux uns et aux autres d’en être durablement préservés grâce à une conception plus exigeante de la solidarité de la part d’un nombre croissant de citoyens.[[Extrait du rapport « Grande Pauvreté et Précarité Economique et Sociale », présenté au nom du Conseil Economique et Social par Joseph Wresinski, Journal officiel de la République Française, 28 février 1987, page 15.]] L’une des principales faiblesses des OMD a été de se concentrer sur des objectifs et des indicateurs mondiaux discutables, avec une absence totale de directives et de mécanismes de contrôle. Fort de cette expérience, le cadre de développement pour l’après-2015 devra modifier cette orientation. De résultats escomptés rarement atteints à temps, il devra passer à la mise en oeuvre de projets et à des mécanismes de gouvernance cohérents avec des objectifs définis et rapidement mis en place. C’est pour cette raison que les recommandations ci-dessous indiquent à la fois un but et une méthode. – 1. Ne laisser personne derrière Face aux disparités croissantes vécues dans beaucoup de pays depuis 2000 malgré l’ambition énoncée par l’OMD 1, il est essentiel que les gouvernements continuent à agir en vue de l’éradication de l’extrême pauvreté et de la discrimination, de telle sorte que chaque personne puisse jouir de ses droits.- Sur le terrain :
Éliminer la stigmatisation et la discrimination à l’égard des femmes ou fondées sur l’origine sociale ou la pauvreté, et promouvoir la transparence et le principe de responsabilité dans les institutions et dans les mentalités. Pour cela, les participants de la recherche-action ont élaboré une série de recommandations. Une information facilement accessible et des services de conseil sur les droits de l’homme et les manières d’y accéder devraient être mis en place dans chaque pays dans les langues appropriées. Des voies de recours facilement accessibles, sûres et transparentes devraient être mises à disposition. Les professionnels de la santé, de l’éducation et d’autres secteurs ainsi que les fonctionnaires de l’État devraient suivre des formations de sensibilisation visant à mettre en question les tabous et les stéréotypes, à améliorer leurs contacts avec les communautés et à leur donner les moyens de comprendre les personnes dans leur propre langue. Les organisations de la société civile devraient aborder explicitement la discrimination et la stigmatisation dans le cadre de leur travail en partenariat avec ceux qui la vivent quotidiennement. Atteindre les populations les plus pauvres. Chercher constamment à atteindre les personnes les plus touchées par la misère requiert une réelle volonté politique et un investissement humain. Les administrations doivent faire leur possible pour rendre leurs services accessibles. Les gouvernements devraient travailler avec les entreprises et les organisations de la société civile afin de leur fournir des formations professionnelles et des opportunités d’emploi. L’ensemble des organisations de la société civile devraient évaluer dans quelle mesure elles sont ouvertes aux personnes en situation de pauvreté et éliminer les obstacles qui entravent leur participation. Favoriser un développement et un accès aux services participatifs. Pour s’assurer que les communautés les plus pauvres sont effectivement atteintes, elles doivent se sentir partie prenante des projets et des services. Les objectifs sous-jacents des projets doivent leur être clairement expliqués. Les agents de développement et les prestataires de service doivent construire des relations équitables et de long terme avec les communautés pauvres et isolées et veiller à ce qu’elles puissent véritablement participer à l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des projets et des services.
- Aux niveaux national et international :
Pour créer un environnement propice à l’éradication de l’extrême pauvreté et à l’accès effectif aux droits de l’homme pour tous, il est indispensable de faire correspondre les objectifs de développement et leur mise en oeuvre avec les règles et les normes relatives aux droits de l’homme, en accord avec les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. Les droits des personnes en situation de pauvreté sont trop souvent bafoués du fait d’exigences découlant de l’application d’autres lois auxquelles les gouvernements donnent la priorité, ou du fait de l’influence de membres de la société plus puissants. Une plus grande cohérence des politiques est nécessaire au niveau international au sein et entre les organisations commerciales, financières et de développement (FMI, Banque mondiale, OMC, UE, etc.) par un rattachement explicite de leurs politiques et de leurs programmes aux règles et principes relatifs aux droits de l’homme internationalement reconnus. Il y a beaucoup à faire aux niveaux gouvernemental et intergouvernemental en matière de commerce bilatéral et international, investissements, taxations, finance, protection de l’environnement et coopération pour le développement. Les États et les institutions internationales doivent chercher attentivement les moyens de garantir que les politiques et les programmes soient fondés sur le respect des personnes en situation d’extrême pauvreté et non sur des stéréotypes négatifs. Réexaminer les indicateurs liés à l’extrême pauvreté. Le seuil de 1,25 dollar par jour ne devrait plus être considéré comme une mesure mondiale fiable de l’extrême pauvreté, mais simplement comme une mesure du revenu qui doit être reconnue pertinente dans les pays où elle est utilisée. Des mesures plus sophistiquées fondées sur les aspects multidimensionnels de la pauvreté devraient être utilisées et améliorées tel que l’Indice de Pauvreté Multidimensionnel élaboré par le PNUD. Les 20% les plus pauvres de la population dans chaque pays devraient être pris comme référence. Pour toute campagne, politique ou action menées, l’impact sur les 20% les plus pauvres doit être considéré comme un critère pour évaluer son efficacité.– 2. Introduire les personnes en situation de pauvreté comme des nouveaux partenaires pour construire un savoir sur le développement De nombreuses personnes et institutions pensent qu’« un changement de paradigme » est nécessaire pour construire un monde plus humain et durable. Nous pensons que ceci devrait se produire d’abord et avant tout dans le domaine du savoir. Jusqu’à maintenant, la créativité et l’imagination collective de l’humanité ont toujours été privées de la pleine participation des personnes en situation d’extrême pauvreté. Si leur intelligence n’est pas associée dès le départ, tout partenariat les laissera inévitablement en arrière. Les institutions ou les politiques qui visent le grand public n’atteindront pas leur cible sans créer les conditions permettant aux personnes en situation de pauvreté de jouer un rôle moteur dans l’élaboration de leurs démarches. Produire un savoir par la méthode du Croisement des savoirs et des pratiques est nécessaire pour façonner une bonne gouvernance apte à regrouper le courage, l’intelligence et les engagements de tous.
- Sur le terrain :
Animer l’esprit de coopération et inventer de nouvelles formes de savoirs partagés avec les personnes en situation de pauvreté au sein de la société. Cela implique de créer des espaces dans lesquels les personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté pourront développer librement leur pensée sur le long terme et croiser leurs connaissances avec celles des autres intervenants. Réunir des universitaires, des professionnels et des décideurs politiques pour accroître leur participation régulière au croisement des savoirs avec les personnes les plus démunies et promouvoir la reconnaissance de ces méthodes au sein des universités, des institutions et des organisations de la société civile. Créer des mécanismes de suivi dans la coopération avec les communautés les plus pauvres. La collecte des données ne doit plus être une initiative du haut vers le bas. Les personnes doivent pouvoir partager facilement et en confiance leurs expériences des politiques et des projets de développement.
- Aux niveaux national et international :
Créer de nouvelles façons de coopérer et de partager les savoirs entre pays développés et pays en voie de développement. Haïti offre un exemple éloquent du coût humain de l’échec de la coopération pour construire ensemble une connaissance pratique aux niveaux national et international. Améliorer et élargir le savoir et les mesures qualitatives au-delà du seul savoir quantitatif, en travaillant sur des notions telles que le développement, la discrimination, l’autonomisation et la participation, avec les personnes en situation de pauvreté. Le travail de suivi et d’évaluation doit profiter des initiatives citoyennes, plutôt que de dépendre de statistiques incorrectes venant d’en haut.– 3. Promouvoir les emplois décents et la protection sociale, couvrir les besoins essentiels de tous Dans un monde aux ressources naturelles limitées, qui fait face à un accroissement rapide des inégalités, une transformation économique profonde est nécessaire afin d’éradiquer l’extrême pauvreté et mettre fin au pillage des ressources naturelles, tout particulièrement en ce qui concerne les modèles de production et de consommation et la répartition des richesses.
- Sur le terrain :
Investir des fonds privés et publics pour créer des emplois décents et couvrir les besoins essentiels est une obligation des États en vertu des traités des droits de l’homme. Donner accès à tous à des documents officiels d’identité, à une éducation et à des services de santé de qualité, à un logement, à l’eau potable et aux sanitaires, pourrait créer des millions d’emplois décents. De la même façon, la transition vers une économie verte pourrait servir de tremplin pour créer des emplois décents et les rendre accessibles aux personnes enfermées dans la pauvreté. Soutenir les petits producteurs agricoles et les travailleurs de l’économie informelle qui constituent la majorité des personnes en situation de pauvreté, accroîtrait la sécurité alimentaire et stimulerait en même temps le développement économique. L’économie sociale et solidaire (entreprises sociales, coopératives, groupes d’entraide féminine, réseaux de commerce équitable, systèmes de finances alternatifs, etc.) devrait être soutenue et élargie. Les lois sur le travail doivent être mises en oeuvre et améliorées, et les inspecteurs du travail plus nombreux. Les vendeurs de rue doivent pouvoir obtenir des emplacements appropriés pour leurs petits commerces sans être constamment chassés par la police. Des procédures appropriées devraient être mises en oeuvre dans chaque pays pour que les compétences professionnelles acquises sur le terrain puissent être officiellement reconnues.
- Aux niveaux national et international :
Mettre en oeuvre la recommandation n°202 de l’OIT sur les socles nationaux de protection sociale. Ceci permettra d’assurer à chaque individu, y compris le plus vulnérable, un niveau minimal de protection sociale, lui permettant de mieux faire face au chômage, au sous-emploi, et aux aléas du marché du travail formel et informel. Les socles de protection sociale doivent être adaptés à chaque pays et ne pas mettre en péril les moyens traditionnels d’entraide et de solidarité. Mettre en place un nouveau système de taxes – y compris des taxes innovantes sur les transactions financières – qui devrait permettre de réglementer les finances mondiales et être un moteur pour la promotion de la justice sociale et de la protection de l’environnement. Ceci est très important pour assurer le financement nécessaire à la construction de socles de protection sociale et répondre aux besoins essentiels de chacun. Leur conception et leur mise en oeuvre devront encore être discutées avec les personnes en situation de pauvreté et d’extrême pauvreté.– 4. Assurer l’éducation et la formation pour tous fondées sur la coopération entre tous les acteurs Un système d’éducation et de formation accessible et de qualité est essentiel pour assurer un développement durable. Le prochain programme devra surmonter les obstacles à un accès équitable à l’éducation, encourager un environnement favorable à l’apprentissage qui assure à chaque enfant une éducation secondaire complète avec les compétences y compris techniques et professionnelles nécessaires pour travailler, améliorer les résultats de l’apprentissage, et parvenir à un enseignement équitable.
- Sur le terrain :
Eliminer les obstacles cachés à une éducation de qualité. Des mesures devraient être prises pour mettre fin à la discrimination et à la stigmatisation subies par les élèves pauvres et leurs parents. La formation des professeurs et du personnel des écoles devrait intégrer une sensibilisation aux effets de l’extrême pauvreté afin qu’ils puissent fournir aux élèves un soutien adéquat grâce à une meilleure compréhension de l’exclusion sociale. Les coûts indirects de l’éducation doivent être reconnus comme des obstacles empêchant les enfants très pauvres de fréquenter l’école, et leurs familles devraient recevoir des aides financières et des bourses pour couvrir ces coûts. Mettre au point des méthodes d’éducation coopérative en partenariat avec les communautés, reconnaissant que les parents, quel que soit leur statut social, sont des partenaires pour la réussite scolaire de leurs enfants. L’accent devrait être mis sur l’importance et la complémentarité de l’éducation donnée par les parents, les familles et la communauté plutôt que de dénigrer les valeurs qu’ils transmettent à leurs enfants. Garantir un enseignement de qualité et de meilleurs résultats scolaires aux personnes en situation de pauvreté. Les programmes d’éducation locaux devraient se donner les moyens d’atteindre les enfants dont les familles vivent en situation d’extrême pauvreté et d’exclusion sociale, dès la petite enfance. Les professionnels de l’éducation doivent s’assurer que les élèves développent tout leur potentiel, et ne pas mettre l’accent uniquement sur le nombre d’inscriptions et de présences, mais sur la qualité de l’éducation conçue pour leur apporter des connaissances théoriques aussi bien qu’une pensée créative, des qualités relationnelles et des aptitudes en communication. Ceci demande à son tour un investissement pour une formation adéquate des professionnels de l’éducation. Les voies informelles d’éducation et de formation devraient être reconnues et soutenues par les programmes des établissements d’enseignement locaux.
- Aux niveaux national et international :
Renforcer la cohérence et la transparence des politiques pour garantir un accès à l’éducation pour tous. Des mesures de bonne gouvernance et une action concertée au-delà du seul secteur de l’éducation doivent être mises en oeuvre pour faire face aux multiples facteurs qui ont un impact sur les avancées en matière d’éducation, comme la délivrance des documents d’identité, les prestations des services de santé, les migrations, la planification urbaine et le logement, les moyens de subsistance et l’emploi. Des mécanismes de suivi et d’arbitrage doivent être conçus pour résoudre les situations de stigmatisation et de discrimination. Tenir compte des besoins de la communauté dans les politiques d’éducation. Les programmes scolaires devraient être conçus pour apporter aux enfants les connaissances et compétences qui les aideront à améliorer leurs conditions de vie, celles de leur famille et de leur communauté, en tenant compte du contexte culturel et des réalités rurales ou urbaines. Améliorer la qualité, l’équité et les résultats de l’apprentissage. Les objectifs mesurant l’éducation ne devraient pas se focaliser uniquement sur des données quantitatives. « Une » Education de Qualité pour Tous devrait être assurée par la création d’outils qui évaluent les expériences qualitatives et les résultats des programmes d’éducation destinés aux personnes en situation de pauvreté. Les politiques d’éducation nationale devraient accroître les ressources humaines et financières investies pour les programmes de protection et d’éducation de la petite enfance avec pour objectif d’atteindre les communautés les plus exclues et les plus pauvres. Les administrations nationales d’éducation et les institutions internationales devraient reconnaître les voies alternatives pour une éducation de qualité comme sources d’apprentissage légitimes et former les éducateurs dans ce but grâce à des politiques, des programmes et des mécanismes financiers adéquats.– 5. Promouvoir une bonne gouvernance participative Garantir la participation effective de personnes en situation d’extrême pauvreté et d’exclusion sociale dans toutes les formes de gouvernance, depuis les institutions internationales jusqu’aux groupes chargés de la supervision des projets de développement local, est extrêmement important. Les familles et les personnes vivant en situation d’extrême pauvreté ne veulent pas être les bénéficiaires de projets, programmes ou mesures particulières contre la pauvreté. Elles aspirent plutôt à jouer un rôle actif dans un modèle de mondialisation basé sur la dignité humaine, qui ne soit pas dicté par la course aux profits, mais qui vise à une juste distribution des ressources de la planète et à un partage des connaissances humaines dans leur totalité.
- Sur le terrain :
S’assurer que la participation à la gouvernance est plus qu’un simple exercice de consultation. Les personnes en situation d’extrême pauvreté doivent être associées aux processus de prise de décision pour la conception, la mise en oeuvre et l’évaluation des programmes et projets les concernant. Elles doivent avoir accès aux informations concernant tous les objectifs d’un projet et il est essentiel qu’elles puissent recevoir clairement en retour les résultats de leur participation. Du personnel expérimenté doit travailler avec les directeurs du projet pour mettre en oeuvre la participation sur le terrain, en tissant des liens de confiance avec les personnes en situation de pauvreté et en faisant remonter leurs attentes aux responsables du projet et aux bailleurs de fonds. S’assurer que les communautés participent de leur plein gré. La participation ne peut pas être imposée. Du temps doit être pris pour écouter la communauté – pas seulement ses leaders – pour permettre à ses membres de se préparer aux réunions et de choisir leurs propres porte- paroles. La participation doit être encouragée grâce à la solidarité et à la coopération communautaire, jamais en imposant des conditions humiliantes ou en pénalisant l’absence de participation. Aider les communautés à former leurs propres organisations de soutien et à tisser des liens avec le reste de la société. Les programmes participatifs devraient chercher à renforcer les communautés, en les encourageant à s’auto-organiser et à protéger leurs droits fondamentaux. A partir de là, elles pourront entrer en contact avec la société et soutenir leurs représentants dans les processus de gouvernance participative. Reconnaître le rôle important que peuvent jouer les organisations de la société civile dans l’élaboration d’une gouvernance participative. Les organisations de la société civile qui prétendent parler pour les groupes les plus pauvres doivent s’assurer que les personnes en situation d’extrême pauvreté ont un véritable rôle à jouer dans la prise de décision, la mise en oeuvre et l’évaluation, et qu’elles sont reconnues comme les ultimes garants de tout projet participatif. Les OSC avec lesquelles les communautés les plus pauvres ont choisi de participer, qui leur offrent un lieu où parler en leur nom propre et prendre part aux processus de prise de décision, devraient être reconnues par les autorités locales comme acteurs des processus de gouvernance.
- Aux niveaux national et international :
S’assurer que les structures nationales et internationales encouragent la gouvernance participative. Les incitations pour le personnel des institutions de développement internationales et nationales devraient être modifiées, afin de rendre leurs procédures plus propices à la mise en oeuvre d’approches participatives. Certaines ONG font véritablement participer les personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Il faudrait reconnaître que ces ONG, dans lesquelles ces personnes choisissent librement de se rassembler, ont un rôle légitime de partie prenante. Comme telles, elles devraient pouvoir donner leur avis et contribuer aux discussions sur la gouvernance. Développer des mécanismes de participation à tous les niveaux, conformément aux dispositions énoncées dans les Principes directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme : « Les États doivent assurer la participation active, libre, éclairée et constructive des personnes vivant dans la pauvreté à toutes les étapes de la conception, de la mise en oeuvre, du suivi et de l’évaluation des décisions et des politiques qui les concernent. Une attention particulière doit être apportée à la pleine participation des personnes les plus pauvres et les plus exclues socialement. » Cet effort devrait conduire à développer un esprit de solidarité entre les personnes en situation d’extrême pauvreté et la société dans son ensemble par des campagnes de sensibilisation publiques, les programmes scolaires et la création de lieux d’échanges. Garantir la transparence à tous les niveaux de gouvernance, de telle sorte que le bien-fondé des décisions et les effets de la participation apparaissent clairement pour tous. Des mécanismes de responsabilisation doivent être créés aux niveaux national et international. Des médiateurs indépendants, des procédures judiciaires et un système d’évaluation par les pairs entre pays peuvent aussi aider à garantir que la gouvernance participative n’est pas seulement symbolique.