Après 18 ans de bataille judiciaire, s’est achevé en janvier 2012 un procès historique : la compagnie pétrolière Chevron-Texaco a été condamnée par la justice équatorienne à verser 19 milliards de dollars d’indemnités pour les pollutions générées par trente ans d’exploitation dans la forêt amazonienne. En face du géant américain, la première plaignante : Maria Aguinda, une Indienne quechua de 61 ans représentant plus de 30 000 victimes. Son témoignage recueilli par Patrick Bêle, grand reporter au Figaro, vient d’être publié aux éditions Michel Lafon.
Maria a toujours vécu au coeur de l’Amazonie dans une communauté indienne du nord-est de l’Équateur. Jusqu’à l’âge de 10 ans, elle vivait dans une sorte d’éden. Sa tribu se contentait des présents de la nature, les hommes et la forêt étaient en harmonie. Puis en 1964, les pétroliers sont arrivés… Au début, les habitants du hameau isolé de Rumipamba, où réside la famille de Maria, ne se sont pas méfiés. « Quand la compagnie est venue, raconte Maria, nous n’imaginions pas qu’elle allait causer de tels dégâts. Mais elle a commencé à poser un puits… Le pétrole est devenu omniprésent, ils déversaient les résidus sur le sol, les animaux et les plantes étaient contaminés. Fini la chasse, la pêche et la nourriture. » Bientôt, les maladies de peau et les problèmes respiratoires se multiplient et emportent un à un les membres de la tribu. Maria est d’ailleurs persuadée que son mari et deux de ses fils sont morts à cause de cette pollution. Alors refusant la loi du plus fort, en 1993, elle rassemble les voisins et les habitants d’un village proche et les convainc de porter plainte. La plainte a été enregistrée à New York au nom de « Maria Aguinda et autres ». En 2001, la justice américaine avait fini par décider que la justice équatorienne était compétente dans ce conflit. Mais il aura fallu attendre le 3 janvier 2012 pour q’une cour d’appel équatorienne confirme mardi une décision de justice prononcée le 14 février 2011 par le tribunal de Lago Agrio, qui condamnait Chevron à des réparations de près de 9 milliards de dollars. Le juge avait prévu de doubler cette peine si la compagnie ne présentait pas ses excuses au tribunal pour des comportements jugés «inappropriés». Du fait de l’appel déposé par la compagnie, la condamnation finale sera donc de plus de 18 milliards de dollars. Chevron, qui a racheté Texaco en 2001, conteste la décision du tribunal estimant que «cette décision défavorable» est «un autre exemple flagrant du biais politique de la corruption de la justice équatorienne qui plombe le dossier.» Le géant pétrolier a ajouté dans un communiqué qu’il cherchait «des recours par l’intermédiaire d’actions en justice en dehors de l’Équateur». Cette action en justice dénonçait l’utilisation de techniques obsolètes dans l’exploitation de centaines de puits, qui rejetaient dans la nature les déchets d’exploitation. Un puits de pétrole produit en volume au moins autant de déchets que de carburant. Ces déchets sont chargés en métaux lourds et particulièrement polluants. Des techniques éprouvées depuis des dizaines d’années permettent de limiter les pollutions dans les zones habitées en réinjectant ces déchets dans les puits. Il semble que, pendant l’exploitation, Texaco ne considérait pas ces zones comme habitées puisque les déchets étaient simplement stockés dans des piscines à ciel ouvert, qui débordaient. Devant l’accumulation des déchets, la Compagnie Texaco a même décidé de les utiliser pour recouvrir les routes utilisées par ses camions, favorisant ainsi la diffusion dans l’environnement des produits toxiques. Chevron-Texaco se défend en expliquant que la compagnie équatorienne Petroecuador, qui prit le relais de l’exploitation en 1990, a continué à utiliser les mêmes techniques polluantes. «Certes, Petroecuador a repris les installations de Texaco et n’a pas immédiatement changé les techniques d’exploitation, précise Pablo Fajardo, l’un des avocats des plaignants. Mais Petroécuador n’a fait que reprendre ce que Texaco a mis en place et il lui a fallu plusieurs années pour mettre en place une exploitation moins polluante». Chevron a déjà répondu il y a plusieurs mois par un recours devant le tribunal international de la Haye, se référant à un traité sur les investissements entre les États-Unis et l’Équateur. Chevron a, par ailleurs, déposé plainte pour diffamation contre tous les plaignants équatoriens et leurs représentants devant des tribunaux américains. Selon Patrick Bèle, Chevron a aussi porté plainte contre des photographes ou des journalistes qui avaient travaillé sur le sujet, les experts qui avaient rendus des avis négatifs… « Consulter les minutes du procès est un exercice consternant : les avocats de Chevron-texaco ne font que nier l’évidence de la pollution des centaines de milliers de hectares de l’Amazonie équatorienne, nier l’utilisation de technologies non adaptées, et reporter la responsabilité sur la compagnie nationale, Petroecuador » raconte Patrick Bèle. « Mais cela ne semble pas suffire : ils ont réussi à organiser un groupe d’arbitrage pour neutraliser la condamnation prononcée par le tribunal équatorien de Sucumbios » précise l’auteur. La dépêche AFP de vendredi 17 février est ainsi rédigée : « Le groupe composé de trois juristes a demandé que l’Equateur «prenne les mesures nécessaires afin de suspendre ou provoquer la suspension des (…) sentences prononcées par la cour de la province de Sucumbios» (nord-est), selon les conclusions de ces experts publiées par Chevron sur son site internet. La cour de justice de Sucumbios avait confirmé en janvier un jugement de 2011 selon lequel le groupe pétrolier devait payer une amende d’au moins 9,5 milliards de dollars pour des années de pollution sans contrôle en Amazonie imputées à des délits commis par Texaco, société achetée par Chevron en 2001. Le groupe d’arbitrage s’est réuni à huis clos samedi à Washington, sous la supervision de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye. L’un de ses experts est un juriste en droit international américain désigné par le groupe pétrolier, le deuxième, nommé par l’Equateur, est un universitaire britannique d’Oxford, et le dernier, appartenant à un cabinet d’avocats britannique, a été désigné conjointement par Chevron et Quito. » « Comment peut-on ignorer à ce point les souffrances que subissent 30 000 indigènes de l’Amazonie équatorienne ? Toutes ces personnes, qui ont vu Texaco mobiliser toute son énergie pour ne pas répondre à ses responsabilités et nier la vérité et donc leurs souffrances, ne peuvent qu’être profondément choquées par ce rebondissement aussi scandaleux que révoltant » s’indigne Patrick Bèle sur son blog dédié à l’Amérique Latine. Des années de procédure sont donc encore engagées, mais, comme le rappelle le livre de Patrick Bèle, l’incroyable s’est produit : Maria et les autres plaignants ont gagné un premier combat. Grâce à ce jugement historique, les indigènes amazoniens, si longtemps méprisés par les multinationales et par leurs propres gouvernements, ont retrouvé déjà leur fierté. Références : Un brin d’herbe contre le goudron de Maria Aguinda et Patrick Bèle – Editions Michel Lafon – Date de publication : 12 avril 2012 – 188 pages – ISBN-13: 978-2749916149 – Prix public : 17,95 €
Un brin d’herbe contre le goudron : Maria Aguinda, l’Indienne qui a fait plier Chevron
si l’exemple de madame maria aguinda etait suivi et enseigne le monde retraovrait son ultime instinct de survie ,reverrait sa consommation excessive et destructive et ferait payer aux socoetes criminelles de quoi remettre la terre en etat