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Agriculture et Grenelle : bilan du mandat présidentiel

Alors que le salon de l’agriculture ouvre ses portes demain à Paris, je vous invite à lire ci-dessous le bilan du mandat présidentiel et du Grenelle dans le domaine de l’agriculture réalisé par France Nature Environnement, fédération regroupant près de 3000 associations. Un éclairage intéressant au moment où Nicolas Sarkozy se prononce pour une simplification des normes environnementales pour l’agriculture, estimant que le secteur ne devait pas être exposé à des contrôles tatillons « sur des textes parfois difficiles, voire impossibles à appliquer. »

Dans une interview à Agra Press et au magazine La Terre agricole publiée ce vendredi, le président-candidat défend en outre la filière des biocarburants, épinglée dans le dernier rapport de la Cour des comptes pour les subventions élevées qu’elle reçoit. « Il y a trop de suspicions à l’endroit des agriculteurs. Ils ne sont pas les ennemis de l’environnement, de la nature. Bien au contraire ! », assure-t-il. « Tout agriculteur tire ses ressources de cet environnement et de la nature. Son intérêt est de les préserver », ajoute-t-il. « Je continue à penser qu’il faut des règles environnementales, c’est l’intérêt des agriculteurs mais en même temps il faut comprendre que les agriculteurs doivent pouvoir se battre sur les marchés mondiaux et ne pas leur imposer des contrôles qui prennent la forme de tracasseries administratives auxquelles personne ne comprend rien », indique encore le candidat Nicolas Sarkozy. Ces propos irritent les associations : « Nicolas sarkozy évoque des « règlements taillons » que compte-il faire ? Outre passer la réglementation européenne en la matière ? » s’interroge François Veillerette, Porte Parole de Générations Futures, qui prévient : « Le cadre est européen et toute infraction à ces règlements serait attaquée en justice par Générations Futures ». « Sarkozy préfère abandonner la santé des agriculteurs et des consommateurs et la préservation de l’environnement pour plus de profits pour quelques uns. Ces déclarations ne sont ni plus ni moins un reniement du Grenelle ! » considère encore François Veillerette. Depuis qu’il a déclaré au Salon de l’agriculture 2010 que l’environnement « ça commence à bien faire », sur fond de reconquête d’un électorat agricole qui l’avait déserté aux scrutins intermédiaires, le président-candidat revient régulièrement sur ce thème, non sans dénoncer les positions « sectaires » des écologistes. Je vous propose donc de lire le bilan de la politique réalisé par la très sectaire France Nature Environnement : Agriculture et Grenelle : « Ne pas laisser retomber le soufflé » « Le début du dernier mandat présidentiel avait été marqué par une dynamique positive dans le domaine de l’agriculture. Le Grenelle a fait émerger des objectifs forts de réduction de l’usage pesticides et de promotion d’agricultures exemplaires (agriculture biologique, agriculture de haute valeur environnementale). Mais la deuxième partie du mandat, dans un contexte de crises économiques, s’est traduite par un coup de frein dans la mise en oeuvre de ces orientations. A tel point que FNE, habituée du débat et de la concertation, n’a eu d’autre choix que de taper du poing sur la table avec une campagne choc. Aujourd’hui, la fédération continue à se battre pour voir aboutir le projet d’une agriculture plus proche de son terroir, qui nourrisse sainement les hommes sur le long terme en intégrant l’environnement » résume Bruno Genty, président de FNE. La dynamique du Grenelle de l’environnement lancée par Nicolas Sarkozy au début de son quinquennat a marqué un tournant dans l’approche de la politique agricole. Les associations environnementales ont été reconnues comme légitimes pour débattre des questions agricoles, et, à l’automne 2007, les engagements du Grenelle ont largement fait écho à leurs propositions. Ainsi, des objectifs ambitieux et partagés par tous ont été actés : réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici 2018, tripler les surfaces en agriculture biologique pour atteindre 6% en 2012, créer un dispositif de certification de l’agriculture de haute valeur environnementale (HVE). La traduction de ces objectifs dans les lois Grenelle I et II a été longue et laborieuse, mais le plan Ecophyto 2018 a été validé en 2008, avec un indicateur pertinent pour le suivi de l’usage des pesticides, et le dispositif de certification environnementale a été validé en 2009 en intégrant les critères proposés par FNE pour le niveau le plus élevé : l’autonomie des exploitations agricoles vis-à-vis des intrants (engrais, pesticides, énergie, aliments importés…) et la place dédiée à la nature sur les exploitations agricoles (haies, bosquets, mares…). Au niveau européen, ce mandat présidentiel a également connu le « bilan de santé » de la Politique agricole commune (PAC) de 2008, à mi-parcours entre la réforme de 2003 et celle de 2013. L’application en France de cette révision de la PAC a permis de redistribuer une partie des aides des terres en céréales vers les prairies et d’instaurer un objectif de surfaces dédiées à la biodiversité dans chaque exploitation agricole (1% en 2010, 3% en 2011, 5% en 2012). Mais fin 2009, dans un contexte de crise économique, la FNSEA a demandé une « pause » dans les mesures environnementales, relayée, au Salon de l’agriculture de 2010, par le Président de la République avec sa fameuse déclaration sur l’environnement : « ça commence à bien faire ». Depuis, dans les négociations sur l’agriculture, il n’a plus été possible pour FNE de mettre en avant l’environnement sans qu’il lui soit répondu que la compétitivité était prioritaire. Alors qu’environnement et compétitivité sont intimement liés et que l’agriculture française souffre justement d’être déconnectée de son terroir et trop dépendante des intrants (60% du chiffre d’affaires de l’agriculture est dépensé en engrais, pesticides, carburant, etc.), la mise en oeuvre du plan Ecophyto prenait un retard considérable et des substances reconnues dangereuses pour les abeilles continuaient à être autorisées (comme par exemple le Cruiser, dont l’autorisation a été attaquée par FNE). La pollution des eaux par les nitrates, loin de se résorber, générait chaque année une prolifération d’algues vertes et faisait planer au-dessus de la France la menace d’un contentieux européen. Les importations d’OGM pour l’alimentation des animaux d’élevage se poursuivaient sans aucune transparence malgré un rejet massif par la population. C’est pourquoi FNE, pourtant habituée de la concertation et du débat, a décidé, en février 2011, de taper du poing sur la table avec une campagne choc dénonçant les excès d’une agriculture productiviste déconnectée de son terroir : dépendance aux pesticides et menace sur les pollinisateurs, sur-dimensionnement des élevages par rapport à la capacité d’absorption du milieu – à l’origine des algues vertes, importation d’OGM pour l’alimentation animale. Aujourd’hui encore, de nombreux problèmes restent entiers. Le développement de l’agriculture biologique, s’il a connu une dynamique positive, plafonne à 3,09% de la surface agricole utile du pays, loin de l’objectif initial du Grenelle de 6% en 2012. L’usage des pesticides, loin de diminuer, a même connu une croissance de 2,6% pour les traitements foliaires et de 7% pour les traitements de semences entre 2008 et 2010. L’interdiction des épandages aériens de pesticides, pourtant actée au niveau européen, fait l’objet, en France de dérogations annuelles. L’agriculture HVE ne bénéficie d’aucun soutien financier. La part de surfaces de biodiversité obligatoires sur les exploitations agricoles dans le cadre de la PAC plafonne à 3% au lieu des 5% initialement actés pour 2012. Dans le cadre de la réforme de la PAC pour l’après 2013, à laquelle FNE a consacré son 35ème congrès les 31 mars et 1er avril 2011 à Marseille, la France remet en cause l’ambition du « verdissement » des aides proposé par la Commission européenne. La réglementation sur les nitrates, loin de se durcir, a au contraire connu des assouplissements facilitant les regroupements d’élevages et augmentant le plafond d’azote pouvant être épandu sur les champs. Les dispositifs d’irrigation se multiplient dans un contexte de raréfaction de l’eau, à renfort de subventions publiques et sans remise en cause de la monoculture de maïs qui est une aberration agronomique et écologique. Le développement industriel des agrocarburants, pourtant largement décrié par de nombreuses études, n’est pas remis en cause par la France. FNE n’a pour autant jamais baissé les bras et continue à se battre pour voir se concrétiser les engagements du Grenelle. Malgré une mise en route laborieuse, l’objectif de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2018 n’est pas remis en cause et reste le cap à suivre pour l’agriculture française. En ce début d’année 2012, l’ensemble des textes réglementaires de la certification de l’agriculture de haute valeur environnementale ont vu le jour. Au niveau mondial, avec l’accroissement démographique, la fonction nourricière de l’agriculture est remise au premier plan. Reste à convaincre que le respect de l’environnement n’est pas une contrainte à prendre en compte mais bien une nécessité pour pouvoir, demain, continuer à produire et nourrir l’humanité. Reste le vaste chantier de la régulation environnementale (voire sociale), des échanges de matières premières agricoles, afin de cesser d’importer des produits ne répondant pas à nos exigences environnementales (et sociales). Reste la réforme de la PAC, qui devra marquer un tournant vers une agriculture nourricière respectueuse de l’eau, des sols, de la biodiversité, du climat. FNE pèsera de tout son poids pour que l’agriculture de demain réponde aux attentes de la société. Quelques dates-clés
  • 2007 (25 octobre) : annonce des conclusions du Grenelle de l’environnement et notamment des engagements en matière d’agriculture par Nicolas Sarkozy
  • 2008 (10 septembre) : présentation du plan Ecophyto en Conseil des Ministres
  • 2009 : entrée en application en France du « bilan de santé » de la PAC
  • 2009 (15 juin) : validation du dispositif de la certification environnementale des exploitations agricoles par le Comité opérationnel (COMOP) en présence de Michel Barnier
  • 2009 (3 août) : promulgation de la loi Grenelle I
  • 2009 (21 décembre) : demande d’une « pause » dans les mesures environnementales par la FNSEA et annonce par Bruno Le Maire d’une étude comparative des mesures environnementales en France et en Europe
  • 2010 (6 mars) : discours de Nicolas Sarkozy au Salon de l’agriculture et déclaration sur l’environnement « ça commence à bien faire »
  • 2010 (12 juillet) : promulgation de la loi Grenelle II
  • 2011 (15 février) : lancement de la campagne de communication de FNE sur l’agriculture
  • 2011 (16 février) : annulation des autorisations du Cruiser pour 2009 et 2010 par le Conseil d’Etat
A lire égalementPesticides dans les produits alimentaires : les Français expriment massivement leur inquiétude. Lire notre article consacré au sondage réalisé par l’Institut CSA pour FNE à l’occasion du salon de l’agriculture 2012 dans lequel plus de neuf personnes sur dix affirment soutenir la mise en place d’une appellation Sans OGM…

 

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David Naulin
David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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