Ce rapport de Terra Nova, le think tank progressiste, vise à poser la question de l’existence, pour les entreprises, d’un “business model” de l’adaptation. Il tente d’exposer les difficultés concrètes auxquelles sont confrontées les sociétés pour bâtir et adopter une politique d’adaptation, discute du cadre dans lequel pourraient être mises en place des mesures d’accélération, et s’interroge sur les leviers favorisant le financement, par le secteur privé, des mesures préventives nécessaires à l’adaptation de l’économie française.

Le paradoxe de l’inertie face aux changements climatiques
Face à l’intensification des risques climatiques, les entreprises peinent encore à intégrer l’adaptation dans leur stratégie, malgré l’évidence économique de l’anticipation.
Dans ce rapport, le groupe de travail piloté par Amélie Lummaux1 explore les raisons de cette inertie et propose des leviers concrets pour accélérer l’action. Il trace ainsi une voie vers un « business model » de l’adaptation.
Les conséquences économiques du réchauffement sont déjà là : entre 1980 et 2023, les événements climatiques ont causé 738 milliards d’euros de pertes dans l’Union européenne. Pourtant, seulement 12 % des dirigeants de PME et ETI françaises déclarent avoir défini une stratégie d’adaptation (BPI, 2024).
Le groupe de travail souligne un paradoxe : si l’adaptation semble rationnelle du point de vue de l’activité, elle reste souvent absente des décisions de gouvernance.

BPI France, décembre 2024
Les explications à cette situation sont nombreuses
- Les entreprises font face à des obstacles techniques et informationnels importants.
- L’identification des risques émergents liés au changement climatique n’est pas systématique. Lorsqu’elle existe, elle peut rester lacunaire, en raison du manque de scénarios locaux et opérationnels, reposant sur des facteurs de risque hiérarchisées, permettant d’anticiper concrètement les impacts.
- La valorisation financière de ces risques se heurte quant à elle à la difficulté d’intégrer, dans les modèles d’affaire, des impacts quasi-certains mais non datés ou dont le fait générateur n’est pas encore intervenu, qui ne peuvent être traduits comptablement.
3 leviers pour accélérer l’action vers l’adaptation
Face à ces blocages, le groupe de travail coordonné par Amélie Lummaux2, après audition de différents représentants d’entreprises, appelle à déployer les leviers d’accélération suivants :
- Cartographier les impacts climatiques : mettre à disposition des entreprises une cartographie scénarisée et localisée des risques (canicules, inondations, sécheresses, vents violents), afin de hiérarchiser les vulnérabilités et guider les décisions d’investissement ;
- Déployer des “contrats de territoire” publics-privés : instaurer une concertation entre entreprises, collectivités, financeurs et État, sur la base de données partagées, afin de définir les priorités d’action et sécuriser la continuité d’activité.
- Favoriser l’émergence d’un signal-prix pour révéler la valeur des coûts environnementaux : intégrer la valeur économique de la prévention dans le modèle d’affaires des entreprises, en s’appuyant sur l’assurance, la finance, ou encore la mise en place de paiements pour services environnementaux, permettant de mobiliser de nouveaux financements privés et publics.
Bien qu’il n’existe pas de modèle économique d’adaptation simple et universel, une approche territoriale coordonnée et fondée sur la transparence des vulnérabilités et des bénéfices attendus permettrait de construire collectivement un cadre d’action incitatif et durable pour les entreprises.
- Cette note a été rédigée par Amélie Lummaux avec le soutien d’un groupe de travail constitué de Marine Braud, Patrice Goeffron, Pierre Jérémie, Benoît Leguet, Ophélie Risler, Nicolas Saint Bris, Benoît Thirion. ↩︎
- Amélie LUMMAUX est experte en développement durable, ancienne directrice générale adjointe du groupe ADP, aujourd’hui directrice régionale chez Véolia ↩︎